Le travailliste

Ces poissons d’avril au travail qui tournent mal…

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Sébastien Parent

2018-03-29 14:30:00

Notre chroniqueur présente un Top 5 de plaisanteries qui ont mal tourné… et mérité le congédiement de leurs auteurs. Avant qu’un tribunal ne s’en mêle...

Me Sébastien Parent est doctorant en droit du travail et libertés publiques
Me Sébastien Parent est doctorant en droit du travail et libertés publiques
Dans quelques jours débutera le mois d’avril, et qui dit 1er avril, dit aussi le fameux Poisson d’avril. Comme on le sait, celui-ci consiste à prononcer cette expression lorsque la personne visée par notre attrape a mordu à l’hameçon.

Puisque le milieu de travail est aussi un milieu de vie, il semble inévitable que les salariés s’adonnent eux aussi à se jouer des tours, surtout en ce jour de fête, si tant est qu’elle en soit une. Pour l’occasion, je vous présente un « Top 5 » de mauvaises blagues, plaisanteries ou canulars qui ont mal tourné au travail.

5e position : Cacher des insectes dans le bureau d’une collègue

Un chef moniteur dans un camp de jour participe à un coup orchestré contre une collègue, dans le but de venger un de leurs compagnons qu’elle avait atteint avec un fusil à eau. Le plan était simple : envahir son bureau pour le mettre à l’envers et coller ses effets personnels dans les tiroirs et au mur, dont des sous-vêtements et un maillot de bain, avec au choix : du ruban adhésif ou de la colle chaude. La touche finale consistait à déposer des insectes morts dans la petite caisse.

Les concierges mettront une heure trente à nettoyer les dégâts. Aucun dommage matériel n’est cependant causé au mobilier. Estimant que le congédiement est une sanction trop sévère, l’arbitre de grief conclut qu’une suspension de huit semaines est suffisante.

Syndicat des travailleuses et travailleurs en loisirs de Ville de Laval (CSN) et Laval (Ville de), D.T.E. 2012T-792

4e position : Montrer ses parties génitales pendant une formation

Lors d’une séance de formation d’un groupe de pompiers se déroulant dans une usine de filtration d’eau, l’un d’eux en a profité pour laisser ses parties intimes à la vue de tous durant une trentaine de secondes, après qu’un comparse lui ait baissé son pantalon de jogging pour rigoler. Comble de la maturité, il semblerait aussi que d’autres pompiers aient imité le sexe masculin en sortant leurs doigts de leur pantalon.

Arguant que le plaignant n’avait pas montré son pénis, mais seulement ses testicules, le syndicat a plaidé en vain qu’à une certaine époque, le plaignant aurait été pendu pour ce geste, tandis que de nos jours, un tel geste est normal.

Pour le tribunal d’arbitrage, le contexte de plaisanterie qui régnait lors de la formation et le fait qu’un camarade soit à l’origine du geste posé par le plaignant justifient d’annuler le congédiement et d’y substituer une longue suspension de six mois. En terminant pour celle-là, je ne prends pas de chance, je précise que même en dehors d’un contexte de formation, exhiber ses parties génitales à ses collègues n’est pas plus autorisé au travail.

Syndicat des pompières et pompiers du Québec, section locale Salaberry-de-Valleyfield et Salaberry-de-Valleyfield (Ville de), D.T.E. 2011T-377

3e position : Sauter de son camion et courir pour le rattraper

Pour faire rire ses compagnons de travail, un chauffeur de camion-remorque a décidé de sauter de la cabine de son tracteur, pendant qu’il était en marche, pour courir à côté de son engin. Précisons qu’une remorque chargée, d’une longueur de 48 pieds, y était accrochée.

Ayant mal choisi son moment, le camion se dirigeait tout droit vers un signal d’arrêt protégeant un passage piétonnier dans le stationnement du centre de distribution. De retour dans sa cabine, le conducteur a dû donner un rapide coup de volant pour éviter d’emboutir un camion qui passait par là.

Ce que le plaignant avait qualifié d’idée folle semblait plutôt être, pour l’arbitre, un geste irréfléchi hautement dangereux. Malgré tout, l’ensemble des circonstances ont amené le tribunal à annuler le congédiement pour permettre la réintégration du plaignant dans un autre poste que celui de chauffeur, solution assez originale.

T.U.A.C., section locale 501 et Sobey’s (entrepôt), D.T.E. 2006T-568

2e position : Un cadre se couche en cuillère derrière une employée

Si les exemples précédents concernent tous des salariés, cette affaire démontre que les cadres ne donnent pas toujours l’exemple.

Un surintendant à la voirie dans une petite municipalité avait un humour pour le moins particulier, qui consistait notamment à désigner des salariés par le terme « rat », le maire par le qualificatif « bison poilu » et la directrice générale par celui de « vache ». Pour s’en excuser lors de son audience devant le Tribunal administratif du travail, le plaignant explique que ce n’était pas par méchanceté et d’ailleurs, il admet surnommer ses propres enfants les rats.

Autre évènement important à l’origine de son congédiement, alors qu’une salariée s’affairait à nettoyer une tondeuse et qu’elle était couchée de côté sur le sol du garage municipal, le cadre se coucha en cuillère derrière elle et s’exclama : « Regarde-moi donc la petite tab*rnak, comment est-ce qu’elle est couchée! ».

Le témoignage du plaignant voulant que la salariée lui ait répondu « c’est de même que j’aime ça », en levant les fesses, n’a pas été jugé crédible par le Tribunal. La défense de « c’était juste pour rire » non plus.

Considérant que le principe de gradation des sanctions commande une application plus nuancée à l’endroit d’un cadre, le Tribunal maintient le congédiement. En effet, nul besoin d’être la lumière la plus éclairée du lustre pour savoir qu’un cadre ne peut pas se coucher en cuillère derrière une employée.

Currie et Namur (Municipalité de), 2016 QCTAT 6914

1ère position : Fausse alerte à la bombe !

Pour taquiner un collègue récemment converti à la religion musulmane, deux opérateurs d’une compagnie de chemin de fer ont entrepris de fabriquer une fausse bombe et de la déposer près de son casier. Tous ayant ri de la blague, y compris le principal intéressé, les plaignants ont toutefois omis de retirer celle-ci du vestiaire, laquelle a été découverte par un concierge durant la fin de semaine.

La Sûreté du Québec a alors été dépêchée sur les lieux. Prenant la menace très au sérieux, les policiers ont évacué plus de 70 résidences des environs et ont exigé qu’un navire de marchandise soit éloigné du port. Les conséquences ont été assez névralgiques pour l’employeur, lui occasionnant un coût avoisinant les 260 000 dollars, découlant notamment de la paralysie de ses activités pendant 15 heures.

Retenant que l’intention des plaignants était de jouer un tour et non d’intimider leur cible, l’arbitre de grief annule les congédiements et les remplace par une suspension de cinq mois.

Syndicat des métallos, section locale 9344 et Chemin de fer QNS&L, 2015 QCTA 837

Les conduites énumérées précédemment semblent tellement absurdes pour la plupart, qu’il y a lieu de se demander si cet article n’est pas en fait un poisson d’avril…

Retenons que l’humour « développe notre sens des proportions et nous révèle que l’absurde rôde toujours derrière une gravité exagérée » - Charlie Chaplin




Me Sébastien Parent est doctorant en droit du travail et libertés publiques à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Il est aussi chargé de cours à Polytechnique Montréal où il enseigne le droit du travail. Auparavant, il a complété le baccalauréat ainsi que la maîtrise en droit à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Il est également titulaire d’un baccalauréat en relations industrielles de la même institution. Écrivain dans l’âme et procureur devant la Cour suprême du Canada dès le début de sa carrière, Me Parent est l’auteur de divers articles en matière d’emploi et agit aussi à titre de conférencier.^
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