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« C’est David contre Goliath » : Electrolux poursuit L’Assomption

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Radio -canada

2018-04-27 10:00:00

La multinationale veut forcer la Ville à lui délivrer le permis de démolition de son usine désaffectée...

Me Yves Chaîné, avocat au cabinet Bélanger Sauvé, représente la Ville de L'Assomption
Me Yves Chaîné, avocat au cabinet Bélanger Sauvé, représente la Ville de L'Assomption
Quatre ans après avoir fermé son usine d'électroménagers à L'Assomption, la multinationale suédoise Electrolux intente une poursuite contre la Ville, parce que celle-ci refuse de la laisser démolir son usine sans un plan de reconversion.

Les audiences vont commencer au palais de justice de Joliette lundi prochain, le 30 avril. Electrolux veut forcer la Ville à lui délivrer le permis de démolition.

Me Yves Chaîné, avocat au cabinet Bélanger Sauvé, représente la Ville de L'Assomption. Sa pratique est essentiellement axée sur le droit municipal, le droit de l'environnement et la protection du territoire et des activités agricoles.

Me Chaîné représente exclusivement des municipalités, des MRC et des régies intermunicipales.

En 2014, la mise à pied des quelque 1300 travailleurs de l’usine avait semé la consternation dans la région et fait grand bruit à l’échelle nationale. Aujourd’hui, l’énorme bâtiment gît toujours à l’entrée de la ville, mais le bourdonnement des activités s’y est tu et les plantes poussent au travers de l’asphalte du stationnement.

Electrolux, qui est toujours propriétaire des lieux par le biais de sa filière canadienne, veut maintenant démolir son usine, sise sur un terrain d’un peu plus de 1,2 million de pieds carrés, soit l’équivalent de 21 terrains de football.

Elle n’a toutefois aucun projet de réaménagement. Elle ne souhaite ni vendre ni transférer sa propriété. Tout au plus souhaite-t-elle la « mettre en état » et faire des « améliorations », selon ce que l’on peut lire dans un document de cour, afin de rendre le site plus sécuritaire.

Ça ne passe pas pour les élus, qui voient dans ce site hautement stratégique un levier de développement pour la Ville.

« C’est clair qu’on a besoin de faire du développement économique à L’Assomption, dit le maire Sébastien Nadeau. On a identifié les terrains qui sont disponibles et Electrolux représente la plus grande superficie disponible en termes de développement industriel. »

Il suffit d’entrer dans la ville pour comprendre tout le potentiel de ce site : il est à proximité de l’autoroute 40, il est légèrement en retrait du cœur de la ville et sa superficie est considérable.

Un bâtiment vide qui coûte cher

Le plan proposé par Electrolux lui coûterait plus de trois millions de dollars, indique un document de cour. L’entreprise a préparé un programme de démolition détaillé de 171 pages.

Le maire Sébastien Nadeau comprend qu’après coup, l’endroit resterait désert et couvert de béton.

« Ce qu’ils souhaitent, c’est raser le bâtiment complètement, laisser ça sur le béton et ensuite, voir baisser de 60 % la valeur de la propriété et être taxé en conséquence », analyse le maire Nadeau, qui qualifie le complexe industriel de « cicatrice » au cœur de la ville.

Electrolux paie en ce moment un peu moins de 300 000 $ de taxes municipales par année. Elle doit chauffer le bâtiment pour respecter le règlement de la protection-incendie, selon lequel les gicleurs doivent être fonctionnels en tout temps. Elle doit également assurer un service de sécurité sur le site pour éviter des intrusions.

Les sols sont-ils contaminés?

Au cœur du litige, il y a le doute, de la part des élus, d’une possible contamination des sols.

Il y a des entreprises industrielles sur ce site depuis plus de 70 ans. Dans les années 40, les Industries E. Roy y fabriquaient déjà des fournaises et des réfrigérateurs. Plus tard, Hupp Canada, WCI et Frigidaire se sont succédés avant le dernier propriétaire, Electrolux.

« Ce qu’on tente de savoir, c’est ce qu’il y a sous le béton (qu’Electrolux ne veut) pas qu’on enlève, dit le maire Sébastien Nadeau. Qu’est-ce qu'il y a là? C’est 70 ans d’histoire. Nous, ce qu’on demande, c’est : "Est-ce qu’on peut aller voir en dessous? C’est quoi les risques? À quoi on s’expose?" ».

Avant même d’envisager un achat ou une expropriation, la Ville veut savoir ce qu’il lui en coûtera, s’il y a une décontamination à faire. Le maire a en tête un ambitieux projet de grappe économique agricole et écoresponsable, avec des cultures maraîchères en serre sur les toits des bâtiments.

« Si c’est la Ville qui devient propriétaire et que c’est un cadeau empoisonné, Electrolux n’aura pas pris ses responsabilités », clame le maire Nadeau.

Un règlement municipal au cœur du litige

Dans le pourvoi judiciaire qu’elle a déposé à la cour, Electrolux affirme que « c’est sans droit et de mauvaise foi que la Ville refuse d’émettre le certificat de démolition recherché ».

La demande officielle a été déposée au greffe en décembre 2016. À cette époque, L’Assomption était toujours sous la tutelle de la Commission municipale du Québec (CMQ), dans la foulée des enquêtes sur l’ancien maire Jean-Claude Gingras. Chaque décision du conseil municipal devait être entérinée par la CMQ.

C’est pendant cette période que le conseil municipal a adopté un nouveau règlement encadrant toutes les demandes de permis de démolition. Electrolux estime qu’elle n’est pas assujettie à ces nouvelles dispositions, pour une question de date. Chaque partie détaille dans ses documents une chronologie qui lui est favorable. Le juge devra trancher.

« C’est David contre Goliath », affirme le maire Nadeau. Le budget du contentieux d’Electrolux doit être supérieur au budget complet de la Ville de L’Assomption! »
Radio-Canada a contacté l’avocat montréalais représentant Electrolux dans cette cause, mais il ne peut répondre à aucune question.

Une porte-parole de l’entreprise, basée à Charlotte, en Caroline du Nord, a répondu par courriel qu’Electrolux ne commenterait pas le dossier, puisqu’il est devant les tribunaux.

Toutefois, « nous avons hâte d’expliquer nos plans pour cette propriété et comment nous espérons proposer à la ville une option plus agréable que le bâtiment actuel qui se détériore », a indiqué Eloise Hale.

Trois jours d’audience sont prévus, de lundi à mercredi.
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