Covid-19

Tribunaux virtuels : le décorum en prend pour son rhume

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Radio -canada

2020-05-15 10:15:00

Les juges peinent à faire respecter l'ordre et le décorum dans les salles d'audience virtuelles mises en place pour traiter les causes criminelles pendant la pandémie.

Jean-Louis Lemay, juge coordonnateur. Photo : Radio-Canada
Jean-Louis Lemay, juge coordonnateur. Photo : Radio-Canada
À distance, parfois du fond de leur cellule, plusieurs détenus affichent une certaine désinvolture face au processus judiciaire par visioconférence.

Disons qu'ils font preuve de moins de retenue que lorsqu'ils étaient amenés devant le juge, dans la salle d'audience.

« Le formalisme est dur à faire respecter », a constaté la juge Réna Émond, la semaine dernière, au terme d'une journée particulièrement houleuse à la salle 2.22 du palais de justice de Québec.

Le salut remplace souvent le bonjour et des détenus se montrent aussi plus prompts dans leurs échanges.

Quiconque est déjà entré dans une salle d'audience a pu le constater. Quand on pénètre dans la salle, tout impose le respect.

À commencer par le constable spécial qui vous accueille et qui veille scrupuleusement à l'application des règles de bienséance.

Ensuite, du haut de son banc où il surplombe la salle, le juge inspire la droiture.

Comme FaceTime

Quand le magistrat se retrouve en image sur le même écran que l'accusé, ce dernier semble plus enclin à faire preuve de familiarité.

« J'ai l'impression que les gens se sentent plus en FaceTime », illustre le juge coordonnateur Jean-Louis Lemay, qui constate que le côté solennel est moins présent.

Loin de l'ambiance aseptisée de la salle d'audience, les détenus ressentent moins ce côté solennel quand ils sont en direct d'une prison.

« Le transport jusqu'au palais de justice et ensuite le transport dans la salle d'audience, ça faisait prendre conscience à l'individu le sérieux de ce qui se déroulait là », indique Jean-Louis Lemay.

Selon lui, il s'agit de faire des rappels sympathiques pour que la sérénité des débats revienne.

Accusés volubiles

Les accusés volubiles ont aussi le beau jeu pour monopoliser les discussions.

Alors que les débats se déroulent habituellement dans l'ordre, certains détenus semblent éprouver moins de gêne à couper la parole et à commenter les procédures.

En personne, les juges ont vite fait de couper la parole aux récalcitrants, ce qui se fait plus difficilement à distance.

Souvent, le juge n'a même pas besoin d'imposer son autorité, puisque l'avocat de la défense va intervenir rapidement auprès de son client pour lui expliquer de garder le silence, pour faciliter son travail.

Combien de fois un avocat, d'un simple regard, a fait comprendre à son client que ses paroles pourraient lui nuire, et compliquer sa tâche.

Les avocats de la défense, branchés eux aussi par vidéo, assistent maintenant impuissants aux envolées oratoires de leur client.

Lors d'une enquête sur remise en liberté, plus tôt cette semaine, le juge Steve Magnan a dû expliquer à un accusé que ses paroles pourraient donner des munitions à la poursuite.

Le jeune homme, qui en était à sa première expérience au tribunal, a compris le message, avant d'obtenir sa libération.

Rattrapage

Malgré les écarts au décorum et quelques ennuis techniques normaux, le juge Lemay est satisfait de la mise en place des salles virtuelles.

Depuis le début de la pandémie, plus de 9500 dossiers criminels ont été reportés dans son district judiciaire.

La Cour du Québec est à peaufiner son plan pour la reprise graduelle des activités, mais l'échéancier n'est pas encore connu.

Il y aura nécessairement des erreurs
Florence Tison

Pas facile de maintenir le décorum dans les cours virtuelles, écrit Le Nouvelliste, qui a suivi le juge Sébastien Proulx de la Cour du Québec alors qu’il assistait pour la première fois à des plaidoyers de culpabilité en visioconférence.

« Il y aura nécessairement des erreurs » a indiqué le juge à une dizaine d’avocats de la défense et de procureurs qui attendent leur tour virtuel de leur bureau ou de chez eux.

Des erreurs, il y en a eu. Quand ce n’est pas l’image ou le son qui fait des siennes à cause de la qualité variable du réseau, ce sont les détenus qui semblent moins frappés de la solennité du processus, assis qu’ils sont devant la caméra plutôt qu’en Cour.

L’une d’elles, Sophie Giroux, 28 ans, accusée entre autres d’un braquage dans un dépanneur de Lévis avec son « nouveau chum » « parce que ce serait le fun », s’étire et bâille au point où le juge Proulx lui lance : « Si vous êtes trop fatiguée, on peut reporter votre dossier. »

Même les avocats manquent un peu de tenue. Certains ont dû expliquer au juge pourquoi ils ne portaient pas la toge, même en visioconférence. C’est tout de même moins pire que de paraître torse nu en vidéoconférence, à notre humble avis…


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2 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Quelqu'un peut-il m'expliquer...
    ... comment tout ça se passe avec des accusés remis en liberté, et non-représentés ?



    Présent par hasard en chambre pénale il y a quelque semaines (avant la crise du covid-19), j'ai vu un quidam très agressif, non représenté, et qui était tenu d'être présent ce jour là, haranguer la juge parce que toutes ces présences obligatoires à 200 km de chez lui commençaient à le fatiguer en "t*b*rn*k" (le mot a été presqu'entièrement prononcé).

    La juge a été patiente et a usé de doigté pour "désescalader" la situation, en présence d'une p'tite constable spéciale mignone comme tout qui n'aurait pas fait le poids si la situation avait dégénéré (sauf en faisant usage de son arme à feu), et d'avocats qui n'auraient probablement pas risqué un accroc à leur toge pour s'interposer.


    En période covid-19, ce genre d'énergumène peut-il se présenter à la cour par skype, une bière entre les jambes (comme les mononcs d'autrefois au volant de leur Oldsmobile)?

    • Mk
      Et puis quoi encore?
      C'est ça l'accès à la justice mon cher monsieur. Les gens font ce qu'ils veulent et se foutent de l'autorité. Les enfants gâtés de la réforme scolaire vont bientôt prendre le pouvoir.

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