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Climat toxique, harcèlement et violence verbale à Rideau Hall

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Radio -canada

2020-07-22 13:15:00

Une enquête de CBC allègue que Julie Payette a créé un environnement de travail toxique. Sa secrétaire et amie de longue date, une avocate de Montréal, est aussi visée…

Madame Assunta Di Lorenzo a été nommée secrétaire de la gouverneure générale et chancelière d’armes du Canada en janvier 2018. Photo : Site Web de la gouverneure générale du Canada
Madame Assunta Di Lorenzo a été nommée secrétaire de la gouverneure générale et chancelière d’armes du Canada en janvier 2018. Photo : Site Web de la gouverneure générale du Canada
Une enquête de CBC écorche la gouverneure générale Julie Payette et sa secrétaire et amie de longue date, Me Assunta Di Lorenzo, Barreau 1986, qui a travaillé à Montréal comme avocate et cadre.

Selon de nombreuses sources, Me Di Lorenzo aurait du mal à faire son travail et ne comprendrait toujours pas comment fonctionne la fonction publique.

Rien que pendant la pandémie, quatre membres de l'équipe des communications ont quitté leur emploi. Une cinquième personne part cette semaine et deux autres sont déjà parties en congé de maladie. C'est la deuxième vague de personnel à quitter discrètement le petit bureau en raison d'une culture malsaine, ont confirmé de nombreuses sources.

CBC News s'est entretenue avec une douzaine de personnes ayant une connaissance directe du climat de travail pendant le mandat de Mme Payette. Ces gens ont accepté de se confier sous le couvert de l'anonymat. Ils craignent de perdre leur emploi puisque, dans de nombreux cas, ils travaillent toujours dans la fonction publique. Un certain nombre d'entre eux sont d'anciens employés.

Ces sources peignent sensiblement le même portrait : Julie Payette crie, rabaisse et humilie publiquement les employés de Rideau Hall. Mme Payette est accusée de piquer des colères et de critiquer les employés en leur disant que leur travail n'est pas à la hauteur.

Une source au sein du gouvernement qualifie le bureau de « maison des horreurs ».

Une secrétaire qui en mène large

La secrétaire et amie de longue date de Julie Payette, Assunta Di Lorenzo, est également accusée d'intimider les employés, notamment en traitant au moins une personne de « grosse » et de « paresseuse ». Ensemble, les deux amies ont créé une culture de la peur qui vient d’en haut. Donc, aucun recours en vue pour les employés, avancent de nombreuses sources.

Julie Payette est la 29e personne à occuper le poste de gouverneur général du Canada. Photo : Radio-Canada
Julie Payette est la 29e personne à occuper le poste de gouverneur général du Canada. Photo : Radio-Canada
Justin Trudeau a fait prêter serment à la très accomplie Julie Payette en tant que gouverneure générale en octobre 2017. Elle est à peine à mi-chemin de son mandat, qui prendra fin en octobre 2022, s’il n'est pas prolongé. Née à Montréal en 1963, la dame est une pionnière : ancienne astronaute, elle a fait deux séjours dans l'espace, en plus d’être ingénieure en informatique, pilote, universitaire, musicienne et dirigeante.

Mais derrière les portes closes, les mauvais traitements qu’elle inflige à ceux qui travaillent pour elle font désormais partie du quotidien des employés du plus ancien et de l'un des plus hauts bureaux du Canada, selon de multiples sources.

Pendant une courte période de quatre mois au cours de son mandat, plus de 20 personnes ont signalé à la direction des comportements abusifs de sa part ou de celle de Mme Di Lorenzo, rapportent des sources gouvernementales.

Bien que le rôle de Julie Payette en tant que représentante de la reine au Canada soit essentiellement cérémoniel, la position de vice-reine est vitale dans un gouvernement minoritaire. Mme Payette a le pouvoir de dissoudre ou non le Parlement, de le suspendre ou de le proroger.

Depuis deux ans, le sondage annuel du gouvernement fédéral auprès des fonctionnaires montre que le niveau de harcèlement à Rideau Hall est parmi les pires de la fonction publique. Quand le magazine Maclean's a présenté les résultats de ce sondage récemment, un ex-employé a déclaré que de nombreuses personnes qui ont fait toute leur carrière à Rideau Hall partent en congé pour cause de stress, puis changent ensuite de ministère.

En 2019, une personne sur cinq parmi les 126 qui ont répondu à l'enquête a déclaré avoir été victime de harcèlement au travail au cours de l'année écoulée. Trois victimes sur quatre ont blâmé quelqu'un ayant autorité sur elles pour le harcèlement.

Environ la moitié des 28 victimes déclarent avoir été humiliées. Quelque 47 % d'entre elles ont déclaré avoir affaire à une personne exerçant un contrôle excessif. Dans une proportion de 40 %, ces victimes ont dit avoir été exclues ou ignorées, et 44 % ont dit avoir eu affaire à un comportement agressif.

Réunions ou interrogatoires?

Pour ce qui est des réunions de travail, nos sources racontent comme certains employés retiennent leur souffle avant le début de chaque séance. Car une réunion avec Julie Payette peut vite se transformer en interrogatoire, selon les mêmes sources. Elle est entre autres connue pour « cuisiner » les employés sur des dossiers sans rapport avec le sujet de la réunion.

« Il y avait toujours un niveau de critique et je dirais que dans presque toutes les réunions, quelqu'un était réprimandé, explique un ex-employé. J'irais même jusqu'à dire qu’il y avait une victime à chaque réunion. »

De nombreuses sources racontent par exemple comment Julie Payette humilie publiquement ses employés en les interrogeant sur l'espace. L’ex-astronaute peut leur demander de nommer toutes les planètes du système solaire, d’indiquer quelle planète est bleue ou encore quelle est la distance entre le soleil et la lune. Lorsque les employés se trompent, elle leur fait comprendre qu’ils devraient connaître la réponse.

« Elle adore ces moments "je t’ai eu", raconte une source gouvernementale. Elle est juste plus intelligente que toi et elle aime te le faire savoir. »

La plupart des sources notent que Julie Payette prend souvent des décisions en très petit groupe, lequel comprend toujours Assunta Di Lorenzo, son amie et secrétaire. La gouverneure générale s’adresse parfois à elle en italien afin d'exclure les autres de la conversation, confient des sources qui ont été témoins d’une telle scène.

Mme Di Lorenzo, qui était avocate et cadre à Montréal, doit assurer le bon fonctionnement du bureau à Rideau Hall. C’est habituellement un fonctionnaire expérimenté qui occupe ce poste, le deuxième en importance au sein du bureau. Selon de nombreuses sources, Mme Di Lorenzo a du mal à faire son travail même après trois ans en poste et ne comprend toujours pas comment fonctionne la fonction publique.

Le gouvernement a même dû créer un nouveau poste pour l’aider : un secrétaire associé qui, lui, est un fonctionnaire expérimenté.

Des sources racontent qu’Assunta Di Lorenzo a souvent été vue en train de crier contre des employés de Rideau Hall. Elle rabaisse aussi souvent les employés en leur disant qu'ils n'en font pas assez et qu'elle doit tout faire pour tout le monde, ajoutent nos sources.

« La façon dont elle parlait aux gens était vraiment dure. C'était comme un coup de poing chaque fois qu'elle parlait à quelqu'un. Elle n'avait pas l'esprit d'équipe. Elle s'implique trop et essaie de faire le travail de tout le monde à leur place, mais elle ne sait pas ce qu'elle fait », affirme un ex-employé de Rideau Hall.

« Ils vont vous intimider jusqu'à ce que vous acceptiez ou partiez, insiste une source gouvernementale. C'est de l'intimidation et du harcèlement à son pire. »

Gros taux de roulement des employés

Mme Di Lorenzo a eu au moins quatre assistants exécutifs depuis qu’elle occupe le poste de secrétaire du bureau, indiquent des sources dans la fonction publique. Mme Payette a quant à elle eu recours à trois adjoints pendant son séjour à Rideau Hall, dont un qui a travaillé pour trois ex-gouverneurs généraux.

Cinq cadres ont aussi quitté le bureau de Mme Payette en 2018 en raison de la façon dont ils étaient traités, selon des sources.

« C’est clair que tout le monde avait peur de parler », assure un ancien employé.

Un de ceux qui a quitté Rideau Hall en raison du harcèlement dont il faisait l’objet nous a dit que le boulot ne valait pas le dommage qu'il infligeait à son sens de la valorisation.

« Ce n'est pas seulement une question de mauvaise dynamique de travail. Il y a du harcèlement et des abus réels. C'était tellement tendu que je voulais presque me cacher tout le temps que j'étais là », toujours selon un ex-employé de Rideau Hall.

« La vie est trop courte. Je ne veux pas venir au travail le matin et passer la journée avec l'impression que je vais pleurer ou que je ne peux pas parler. »

Dans une déclaration transmise à CBC News, l'attachée de presse de la gouverneure générale déclare que le taux de roulement du personnel de Rideau Hall est inférieur à la moyenne des autres ministères fédéraux.

« Notre personnel est très fier de son travail et apprécie un milieu de travail stimulant et dynamique », indique Ashlee Smith.

« L'un des avantages de la fonction publique fédérale est que les individus ont la possibilité de passer d'un ministère à l'autre, de chercher des promotions et d'acquérir de nouvelles et précieuses expériences professionnelles, ce qui est personnellement encouragé par la gouverneure générale, qui estime que l'évolution et les opportunités de carrière sont d'une importance vitale. »

Une source défend Mme Payette, affirmant qu'elle a des standards d’excellence élevés et qu'elle a de bonnes raisons d’être déçue de la qualité du travail de ses employés. Cette source indique que la gouverneure générale aborde son rôle de façon beaucoup plus personnelle que ses prédécesseurs, citant l’exemple d’une balade à vélo avec le public qu’elle a faite lors de la fête du Canada au mépris des protocoles de sécurité habituels.

En 2018, des sources avaient confié à Radio-Canada que la gouverneure générale s'adaptait mal à son nouveau rôle, faisant état de tensions avec le gouvernement Trudeau et avec son personnel.

Manque de remparts

Ces plaintes pour harcèlement soulèvent des questions sur le degré de surveillance et de responsabilité à Rideau Hall. Le bureau bénéficie des privilèges de la Couronne et est exempté des lois sur l'accès à l'information.

Comme d'autres employés fédéraux, les employés de la gouverneure générale peuvent s'adresser en toute confiance à un ombudsman de Services publics et Approvisionnement Canada.

Mais il n'est pas du ressort de l'ombudsman d'enregistrer des plaintes ou de lancer des enquêtes. Tout au plus, le médiateur peut-il soulever des questions auprès de la personne la plus haut placée au sein du ministère – dans ce cas, Mme Di Lorenzo.

Les employés peuvent s'adresser au bureau des ressources humaines de Rideau Hall, mais il s'agit d'un cul-de-sac : les plaintes sont transmises à Mme Di Lorenzo, qui relève de la gouverneure générale.

« Ça détruit l’âme, lance une source. Il n'y a personne à qui se plaindre. Il n'y a pas de recours. Il n'y a personne à qui faire rapport sans s'attirer des ennuis ou perdre son emploi. »

L'attachée de presse de Julie Payette, qui défend le fonctionnement du service des ressources humaines de Rideau Hall, indique qu’aucune plainte officielle pour du harcèlement n'a été déposée.

« Nous sommes fiers de nos processus internes rigoureux permettant à nos employés d'exprimer leurs préoccupations, grâce à la mise en place d'un service des ressources humaines solide et accessible, d'un médiateur indépendant, en plus du maintien d'excellentes relations avec les syndicats qui représentent nos employés, qui disposent de processus supplémentaires pour la protection et le soutien des fonctionnaires fédéraux », explique Mme Smith.

Toutefois, certaines de nos sources racontent que, dans certains cas, les gestionnaires ont dit aux employés qu'il n'y avait rien à faire contre le harcèlement parce qu'ils sont eux aussi victimes. Dans un cas, on a découragé quelqu'un de déposer une plainte officielle en lui rappelant combien le bureau est petit et comment cela pourrait nuire à sa carrière.

Philippe Lagassé, professeur agrégé à l'Université de Carleton et expert du système parlementaire de Westminster, indique que les Canadiens bénéficieraient d'une plus grande transparence dans les bureaux vice-royaux comme celui de Rideau Hall.

« C'est un problème de longue date qui nous préoccupe », soutient-il.

En fait, dit-il, la seule personne qui pourrait intervenir et parler à Julie Payette à ce sujet est le premier ministre.

« Le premier ministre est responsable de tous les actes du gouverneur général et de tout ce qui se passe à Rideau Hall », assure le professeur universitaire.

« S'il y a des inquiétudes sur le fonctionnement du bureau, c’est au premier ministre d’en informer la gouverneure générale et à leurs bureaux respectifs de trouver une façon de remédier à la situation. »
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6 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    CBC (WOKE-TV) n'a plus aucune crédibilité
    Quand c'est rendu que Radio-Canada fustige CBC, "la chicane est pognée dans' cabane", comme on dit.


    http://www.journaldemontreal.com/2020/06/26/sanctionnee-pour-avoir-cite-negres-blancs-damerique

  2. Ignace
    Ignace
    il y a 3 ans
    Du jamais vu
    Deux patrons femmes qui créent un climat toxique au travail? Comment est-ce possible? C'est du jamais vu.

    • Mk
      Et pourtant
      Pourtant deux associées de mon cabinet étaient femmes et souvent peu commodes. Une fois elle m'a fait pleurer ene traitant d'incompétente pour une recherche qui ne donnait pas la réponse qu'elle pensait. C'était odieux! Heureusement un collègue a dit de se faire une carapace et qu'elle était dans ses lunes. L'autre je ne sais pas pourquoi elle était méchante. Donc en résumé c'est déjà vu!

    • Court-bouillon
      Court-bouillon
      il y a 3 ans
      Woosh
      Woosh.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    J'ai du mal à croire ceci
    "De nombreuses sources racontent par exemple comment Julie Payette humilie publiquement ses employés en les interrogeant sur l'espace. L’ex-astronaute peut leur demander de nommer toutes les planètes du système solaire, d’indiquer quelle planète est bleue ou encore quelle est la distance entre le soleil et la lune. Lorsque les employés se trompent, elle leur fait comprendre qu’ils devraient connaître la réponse."

    Lire ceci me fait douter de la véracité de la plupart des allégations. Quand l'agressivité passive est reine dans la culture, il n'en faut pas beaucoup pour que des personnes mesquines et lâches montent une cabale contre vous.

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