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Le procureur général du Québec se fait sévèrement taper sur les doigts

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Florence Tison

2020-08-13 14:00:00

Un juge dénonce dans sa décision une demande « mal fondée et téméraire »... et octroie des dommages et intérêts aux intimés!

Me François Garneau de Miller Thomson, et Mes Patrick de Niverville et Rachel Rioux-Risi des Avocats DNA. Photos : Twitter, site Web de Avocats DNA et LinkedIn
Me François Garneau de Miller Thomson, et Mes Patrick de Niverville et Rachel Rioux-Risi des Avocats DNA. Photos : Twitter, site Web de Avocats DNA et LinkedIn
Au terme d’un procès de sept jours, le juge Claude Champagne a non seulement rejeté la la demande en justice du procureur général du Québec parce qu’elle était prescrite, mais a aussi pris la peine de répondre aux autres questions en litige pour laver tout à fait la réputation de deux anciens hauts gradés de la SQ… et leur octroyer respectivement 85 000 $ et 94 761,37 $ en dommages avec intérêts.

En effet, le juge Champagne a déterminé dans sa décision du 5 août dernier que la demande en justice de la PQG « constitue un abus du droit d’ester en justice », et était de plus « à l’origine manifestement mal fondée et téméraire »

Richard Deschesnes et Denis Fiset, respectivement ancien directeur général et directeur général adjoint de la Sûreté du Québec en 2008, étaient poursuivis par le procureur général du Québec près de huit ans après que le premier ait permis une indemnité de départ au deuxième, qui s’était fait montrer la porte après des années de service par le ministre de la Sécurité publique alors au pouvoir.

Le procureur général du Québec reprochait aux deux hommes le versement illégal d’argent à Fiset dans le cadre d’une entente que Deschesnes n’avait pas le pouvoir de faire.

« Ils doivent dans ce cas rembourser à la PGQ un montant total de 189 431 $, soit 167 931 $ équivalant à une année de salaire et 21 500 $ représentant des frais de formation, de perfectionnement et de réorientation de carrière », selon la poursuite.

C’est finalement la poursuite qui a dû indemniser les deux hommes, représentés par Me François Garneau de Miller Thomson, et Mes Patrick de Niverville et Rachel Rioux-Risi des Avocats DNA.

Le Ministère de la Justice était par ailleurs représenté par Mes Michel Déom et Ruth Arless-Frandsen.

Des indemnités en toute transparence

Peu de temps après sa nomination au poste de directeur général de la SQ, Richard Deschesnes apprend du ministre de la Sécurité publique qu’il « veut que Deschesnes écarte Fiset de l’état-major ». Fiset était alors directeur général adjoint.

Me Ruth Arless-Frandsen. Photo : Facebook
Me Ruth Arless-Frandsen. Photo : Facebook
Ce n’est pas la première fois qu’un politicien fait une telle demande, selon le témoignage de Deschesnes lors du procès. Il faisait lui-même partie de la SQ depuis près de 30 ans, et il occupait le poste de directeur général adjoint juste avant sa nomination.

« Fiset n’en revient tout simplement pas, lit-on dans la décision. Il est abasourdi. Il considère qu’il a donné le meilleur de lui-même à la SQ et qu’il ne mérite pas un tel sort. Il avait d’ailleurs prévu de continuer à travailler à la SQ pendant encore cinq ans. »

Au moins, Deschênes lui assure qu’il pourra quitter avec dignité par la « grande porte » avec l’équivalent d’une année de salaire, le paiement d’une allocation de transition de 21 500 $ et les vacances et congés accumulés. L’ancien directeur général adjoint à la SQ Denis Despelteau est chargé de négocier l’entente, lui qui a auparavant aussi négocié les ententes de départ de cinq autres hauts gradés de la SQ.

C’est justement ce qui fait dire au juge Claude Champagne que ce type d’entente (et le montant qui y est associé) est « tout à fait acceptable dans les circonstances (âge de Fiset, nombre de ses années de service, importance de la fonction qu’il occupait, etc.) ».

Les montants payés l’ont d’ailleurs été « en toute transparence » en provenant du budget général d’opérations de la SQ.

« Les ententes de départ étaient à peu de choses près similaires : versement d’une année de salaire et paiement d’une allocation de transition », écrit le juge Champagne.

Selon Deschênes, de telles ententes existent même depuis au moins 1998. Lorsqu’il est lui-même évincé de son poste de directeur général, il s’attend au même traitement que ses prédécesseurs. Son successeur Mario Laprise affirme ne pas avoir un tel pouvoir.

Humiliation et dépression

Deschênes ne travaille pas depuis octobre 2012. Suite à son éjection du siège de directeur général, il a été rétrogradé à la fonction d’inspecteur-chef, puis relevé de ses fonctions.

Récemment acquitté dans une autre affaire de fraude, « la réclamation de la PGQ contre lui a aggravé sa situation financière déjà précaire, indique le jugement. Il a en effet déboursé 75 000 $ dans cette cause. Il n’a plus d’automobile et il a dû réhypothéquer sa maison. »

« Il éprouve des problèmes de santé. Il se sent humilié. Il a une piètre estime de lui-même et sa confiance en lui est au plus bas », poursuit le juge Champagne.

Quant à Fiset, il a appris par les journaux la poursuite du procureur général du Québec le concernant lui et sa « juteuse prime de départ illégale ».

« Il doit encore aujourd’hui répondre à des questions de son entourage à ce sujet. Il fait de l’insomnie, il souffre d’angoisse et il est dépressif. »

Le juge Champagne ne mâche pas ses mots dans sa décision, ni contre le procureur général du Québec, ni en la faveur des deux anciens hauts gradés de la SQ.

« Deschesnes a agi dans l’intérêt public. Le rôle qu’il a joué dans la négociation et la conclusion de chacune des ententes concernant Fiset ne lui a rien rapporté directement ou indirectement, financièrement, professionnellement ou personnellement. Il voulait permettre à Fiset, son directeur général adjoint, de quitter la SQ avec le sentiment du devoir accompli. Il agissait dans l’unique intérêt de la SQ et sa responsabilité personnelle ne pouvait être engagée dans les circonstances.

Les joutes politiques et de pouvoir de même que les jeux de coulisses au sein du ministère de la Sécurité publique de même qu’à la haute direction de la SQ n’ont pas permis l’atteinte de cet objectif.»

Le juge conclut en écrivant que « Fiset et Deschesnes qui ont consacré leur vie professionnelle au service de l’État méritaient mieux, beaucoup mieux ».
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