Covid-19

Des grands cabinets impliqués dans la course au vaccin

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Camille Laurin-desjardins

2020-08-17 13:15:00

Droit-inc a parlé à plusieurs agents de brevets pour comprendre comment ils épaulent les scientifiques dans la course au vaccin contre la COVID-19…

Danièle Éthier, biochimiste, agente de brevets et associée chez Robic. Photo : Site Web de Robic
Danièle Éthier, biochimiste, agente de brevets et associée chez Robic. Photo : Site Web de Robic
La COVID-19 avait à peine été déclarée «pandémie» par l’Organisation mondiale de la santé que des essaims de scientifiques étaient déjà à pied d’oeuvre pour développer un vaccin.

Des mois plus tard, nombreux sont ceux qui y travaillent toujours (la Russie a même déclaré qu’elle avait approuvé un vaccin, la semaine dernière, avant même que l’étude soit finalisée)... alors que s’accentue chaque jour le poids qu’aurait une telle découverte sur nos vies – qui pourraient redevenir « normales ».

Dans les coulisses de cette course contre la montre, des cabinets d’avocats travaillent avec les compagnies pharmaceutiques, pour que leur client devienne le premier à obtenir un brevet pour leur invention.

Quelles sont les étapes pour y arriver?

Droit-inc en a discuté avec trois agents de brevets travaillant pour des gros cabinets, ici.

Comment ça marche?

La première étape, pour une compagnie pharmaceutique, ce serait de faire un état des lieux, pour savoir où sont les dernières découvertes, pour ne pas travailler pour rien.

Actuellement, de nombreuses compagnies travaillent en même temps, dans un sentiment d’urgence, relate Danièle Éthier, biochimiste, agente de brevets et associée chez Robic.

« En ce moment, il y a une course au brevet… il faut déposer rapidement! » indique-t-elle.

Le défi est notamment de faire une demande de brevet au bon moment.

Alain Dumont, agent de brevets et associé chez Lavery. Photo : Site Web de Lavery
Alain Dumont, agent de brevets et associé chez Lavery. Photo : Site Web de Lavery
« L’inventeur doit avoir assez d’informations pour pouvoir déposer une demande qui va se tenir… Donc il ne peut pas déposer trop tôt, mais pas trop tard non plus, pour ne pas se faire tirer le tapis sous les pieds » explique Mme Éthier.

« Au moment où ils viennent me voir, les clients ont déjà fait des preuves de concept, des tests expérimentaux », détaille Alain Dumont, agent de brevets et associé chez Lavery.

« On n’a pas besoin d’avoir prouvé que ça fonctionne chez l’humain, disons, mais on doit avoir certains résultats qui nous permettent de le croire », ajoute celui qui a un doctorat en immunologie.

La plupart du temps, les inventeurs vont déposer assez rapidement une demande provisoire, ce qui leur permet d’acheter du temps, et de peaufiner leur produit, en attendant.

Généralement, les compagnies d’ici vont déposer une demande de brevet aux États-Unis ou au Canada, puis ils vont faire une demande internationale. Ils devront ensuite répéter le processus dans chaque pays.

Le gouvernement du pays sollicité examine la demande et envoie ensuite une réponse, pour signifier à l’inventeur si sa demande est acceptée… mais c’est souvent sous plusieurs conditions.

« Des fois, il manque une virgule quelque part et c'est assez pour qu'ils n'approuvent pas », affirme Benoit Yelle, agent de brevet et associé chez Gowling WLG.

Benoit Yelle, agent de brevet et associé chez Gowling WLG. Photo : Site Web de Gowling WLG
Benoit Yelle, agent de brevet et associé chez Gowling WLG. Photo : Site Web de Gowling WLG
« Le critère numéro un pour une bonne demande de brevet, c’est une fine compréhension du produit, on doit savoir exactement ce qu’on veut protéger », ajoute Alain Dumont.

S'engage alors une partie de ping pong entre les deux parties, qui se termine par une approbation ou un refus – au terme de plusieurs mois, voire années. On peut toujours demander un appel de la décision; cela peut même finir en Cour suprême, souligne M. Yelle.

Si la demande est approuvée, l’inventeur paie certains frais et obtient finalement son brevet, dont la protection dure 20 ans.

« Mais après l’obtention du brevet, le gouvernement ne s’en mêle plus, précise M. Yelle. Il ne va pas courir pour surveiller le marché et dire : “ah, il y a un produit semblable au tien!” Ça appartient 100% au breveté de faire les vérifications. »

Si jamais tel est le cas, le client est généralement référé à un avocat spécialisé en litige du cabinet, pour entamer des poursuites judiciaires, le cas échéant.

Agent de brevet, qu’est-ce que c’est?

Ils sont parfois aussi avocats, mais les agents de brevet ont surtout, dans la plupart des cas, une formation scientifique dans le domaine dans lequel ils se spécialisent.

« Il faut parler le langage de l'inventeur, explique Benoit Yelle, agent de brevet et associé chez Gowling WLG. Nous sommes aussi les traducteurs vers le monde juridique et du monde juridique vers les inventeurs. »

Le travail d’un agent de brevet est donc de décrire les enjeux techniques d’une invention dans une demande de brevet, mais aussi d’en faire une description juridique, c’est-à-dire d’établir les revendications qui viennent établir la portée d’un brevet.

« Un brevet, c’est comme une clôture », image Danièle Éthier, biochimiste, agente de brevets et associée chez Robic.

« On essaie de clôturer un territoire, de le protéger, continue-t-elle. Il faut que ce soit défini assez clairement où s'arrête la clôture... Tout ce qui tombe à l'intérieur de la clôture, c'est ce qui est couvert par le brevet. Et ce qui est à l'extérieur, c'est ce que les gens peuvent faire sans risquer de se faire poursuivre. »

Obtenir un brevet… c’est long! Entre le moment où on fait une demande de brevet et le moment où on l’obtient, il peut facilement s’écouler deux à trois ans, pour une demande jugée « standard ». Et dans certains cas, dans certains pays, cela peut même prendre jusqu’à sept ans!

Mais rassurez-vous, un produit ne doit pas être breveté pour être autorisé à être utilisé dans un pays. Ce sont deux processus complètement distincts.

La durée des délais varie aussi en fonction de l’endroit, au figuré, où on veut installer la fameuse clôture, fait remarquer Danièle Éthier.

Pour qu’un brevet soit délivré, il faut que l’invention réponde à certains critères : il faut que ce soit un territoire nouveau, inventif et utile, mais aussi que l’invention soit « non-évidente ».


Répondre à la demande sera un défi

Il se peut que l’entreprise qui sera la première à obtenir son brevet pour un vaccin contre la COVID ne soit pas en mesure de fournir, disons... 30 millions de doses, pour le Canada seulement!

Dans ce cas, le gouvernement pourrait forcer le breveté à distribuer des licences à d'autres entreprises pour répondre à la demande, explique Benoit Yelle.

« Ça, je n'ai pas vu ça souvent... Mais j'ai l'impression que dans la situation actuelle, si jamais il y avait un brevet délivré sur un vaccin pour la COVID-19, c'est une des dispositions qui pourrait être invoquée… Parce qu’aucune usine n’a les ressources pour fournir 30 millions de doses dans des délais raisonnables! »

M. Yelle souligne d’ailleurs que c’est pour cette raison que plusieurs compagnies pharmaceutiques ont déjà commencé à produire de nombreuses doses de leur vaccin, même si celui-ci n’est pas encore approuvé. Mais c’est un risque à prendre… puisque si le produit n’est pas approuvé, toutes les doses se retrouveront aux poubelles.

Il se peut aussi que le vaccin ne soit jamais breveté!

Peut-être que la technologie qui nous permettra de développer un vaccin efficace contre la COVID-19 n’en sera pas une nouvelle… puisqu’elle se basera sur un vaccin précédemment développé pour contrer une autre maladie. Dans ce cas-là, pas de brevet!

À l’inverse, peut-être que le fameux vaccin obtiendra plusieurs brevets, fait remarquer Danièle Éthier : il se pourrait que plusieurs composantes du vaccin, dont les adjuvants, ou des méthodes de fabrications, méritent d’être brevetées.

Un traitement efficace avant un vaccin?

Il se pourrait aussi qu’un traitement qui aidera à réduire les risques de complications de la COVID-19 obtienne un brevet bien avant un vaccin.

« C'est mon instinct, mais j'ai l'impression qu'on va arriver avec un apaisement social, disons, davantage avec un traitement qui empêche les complications extrêmes qu’avec un vaccin », avance Benoit Yelle, qui précise d’ailleurs que certains de ses clients ont déjà déposé des demandes concernant des technologies liées à la COVID-19.

« En ce moment, on essaie de réduire ça le plus possible, mais développer un vaccin, c'est long. Et moi le premier, je voudrais pas me faire un injecter n'importe quoi. Mais il reste que sans que ce soit testé à 100%, c'est difficile d'avoir une acceptabilité sociale. Il y a déjà un mouvement anti-vaccin... ça va juste leur donner des armes si jamais le processus d'approbation est “by-passé”. Il faut faire les choses comme il faut pour rassurer les gens. »
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4 commentaires

  1. JG
    Pourquoi?
    Quel vaccin? Les hôpitaux sont vacants, les salles d'urgence aussi de même que les soins intensifs. Nous avons aplatis la courbe mais le gouvernement nous impose le port du masque et la distanciation. Le taux de décès est comparable sinon inférieur à celui de la grippe saisonniere. De quel vaccin parlent-ils si ce n'est que pour enrichir les grandes pharmaceutiques. Je félicite nos confrères qui participent à cette grande mascarade mondiale.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 3 ans
      Ouf
      Peut être, juste peut être, que cet état est dû au fait que justement il y a port du masque et distanciation, non? Et absence de spectacles avec 20k personnes. Et frontières fermées. Sans trop de sports organisés. Et que nous sommes en été, moins renfermés. Et qu'il n'y a très peu de camps d'été. Etc.

      Faudrait réfléchir un peu plus loin que le nez des conspirationistes, non?

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 3 ans
      N'importe quoi
      Vous dites que c'est comparable à la grippe ? Or, il existe un vaccin contre la grippe. Donc pourquoi pas un vaccin contre la Covid-19 ? Si c'est comme le vaccin contre la grippe personne ne vous oblige à le prendre. Vous n'êtes donc pas obligé d'enrichir les compagnies pharmaceutiques comme vous dites.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Encaisser des honoraires payés par des escrocs ?
    "Je félicite nos confrères qui participent à cette grande mascarade mondiale."


    Les agents de brevet ne sont pas les seuls professionnels à encaisser des honoraires payés par des escrocs, et c'est quand même moins immoral que de presser le citron de petits juticiables sans moyens (comme le font beaucoup de praticiens en droit familial).


    Le problème est qu'il n'y ait personne dans l'univers médiatique pour dénoncer cette escroquerie, ou tendre le micro à ceux qui le font.

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