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On ne peut pas être conciliateur et juge dans un même dossier

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Florence Tison

2020-11-09 11:15:00

La décision est tombée : les rôles de conciliateur et de juge sont différents et mutuellement exclusifs. Un avocat explique...

Me Gérard Lévesque. Photo : Twitter
Me Gérard Lévesque. Photo : Twitter
La juge Claude Dallaire de la Cour supérieure a tranché, annonce le chroniqueur de L’express Me Gérard Lévesque. Une même personne ne peut être juge (adjucateur) et conciliateur dans un même dossier.

« Selon nous, le rôle de gardien des droits fondamentaux des justiciables justifie notre Cour d’intervenir, en révision judiciaire, pour corriger les effets d’un cas aussi patent d’accroc au principe de séparation des fonctions d’adjudicateur et de conciliateur, puisqu’une même personne ne peut servir aux deux postes, dans un même dossier », indique la juge Dallaire dans sa décision.

Me Lévesque a décortiqué pour L’express ce que la décision signifie quant aux rôles de juges et de conciliateurs.

Trois séances de conciliation, aucun résultat

Dans une affaire concernant un congédiement, l’ingénieure américaine d’origine indienne Sushmita Baskaran dépose deux plaintes contre son ancien employeur, l’Agence mondiale antidopage, en vertu de la Loi sur les normes du travail.

Deux séances de conciliations ont lieu, et aucune n’aboutit à un règlement.

Le juge administratif Jean Paquette entend finalement le dossier en première instance, et puisque l’ingénieure n’est pas représentée par un avocat, il propose la tenue d’une autre séance de conciliation pour accélérer le processus.

La juge Claude Dallaire. Photo : Archives
La juge Claude Dallaire. Photo : Archives
Le juge Paquette évoque même l’idée d’agir lui-même comme conciliateur, mais finit par proposer le conciliateur Donald Beauchamp, qui avait d’ailleurs présidé d’une des deux conciliations de Mme Baskaran.

Le chroniqueur Me Gérard Lévesque explique dans L’express qu’il comprend « des propos du juge qu’il a déjà parlé au conciliateur de la manière dont la conciliation pourrait avoir lieu. L’on comprend aussi que le juge entend participer à la conciliation. Le juge déclare qu’il sera sous les ordres du conciliateur. »

Cependant, un juge ne peut pas être sous les ordres du conciliateur, a confirmé la juge Dallaire dans son jugement. C’est d’ailleurs ce qu’aurait indiqué d’emblée le conciliateur Donald Beauchamp, en exigeant que le juge quitte la salle à un certain moment.

Le juge Paquette ne quittera pas, finalement. Il semblait en outre « préoccupé par la possibilité de perdre les quatre jours d’audience qu’il a présidés », indique Me Lévesque.

La conciliation est de nouveau un échec, et l’audition reprend sous la présidence du juge Paquette. Ce dernier s’exprime en français, bien que la plaignante ne comprenne pas la langue. Le juge Paquette traduit certains échanges, mais pas tous, et pas entièrement.

Les deux plaintes de Mme Baskaran seront rejetées après 20 jours d’audience.

Le juge n’aurait pas dû participer au processus de conciliation

En appel de la décision, les avocats de Mme Baskaran Mes Karim Renno et Justine Covey, du cabinet Renno Vathilakis, plaident que le juge Paquette n’aurait pas dû participer à la conciliation et que les droits linguistiques ont été bafoués.

Mes Karim Renno et Justine Covey. Photos : Site web du cabinet Renno Vathilakis
Mes Karim Renno et Justine Covey. Photos : Site web du cabinet Renno Vathilakis
« À titre de renseignement, indique le chroniqueur Me Lévesque, l’article 23 de cette Charte stipule que toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu’il s’agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle. »

La juge Claude Dallaire va dans le même sens.

« Non seulement le juge n’aurait-il pas dû participer au processus de conciliation, mais s’il n’a pu résisté à l’appel de le faire, il ne lui restait plus qu’à se dessaisir, après en avoir constaté l’échec. Les rôles d’adjudicateur et de conciliateur sont mutuellement exclusifs, dans un même dossier, et, par définition, incompatibles, puisque leur cumul porte un coup dur à la garantie d’impartialité qui doit guider la suite de l’audition, lorsque celle-ci s’avère être le seul remède possible pour apporter une solution au litige opposant des parties. »

L’agence mondiale antidopage a demandé d’aller en appel de la décision, ce que la Cour d’appel a refusé le 9 octobre dernier.
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