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D'ex-hassidim qui poursuivaient Québec sont déboutés

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Radio -canada

2020-12-04 10:15:00

Le juge estime que, depuis 2017, le gouvernement a pris des mesures suffisantes pour s’acquitter de ses obligations vis-à-vis des enfants hassidiques en matière d’éducation.

Mes Bruce Johnston, Matthieu Charest-Beaudry et Clara Poissant-Lespérance, du cabinet Trudel, Johnston et Lespérance, représentaient le couple.
Mes Bruce Johnston, Matthieu Charest-Beaudry et Clara Poissant-Lespérance, du cabinet Trudel, Johnston et Lespérance, représentaient le couple.
Yochonan Lowen et Clara Wassertein se sont vu refuser jeudi leur requête en jugement déclaratoire qui visait à faire reconnaître que le gouvernement du Québec avait contrevenu à ses obligations vis-à-vis des enfants hassidiques en vertu, notamment, de la Loi sur l’instruction publique.

Le couple reprochait au gouvernement d’avoir toléré pendant des années que les enfants de cette communauté reçoivent un enseignement presque exclusivement religieux.

Si le jugement relate qu’en effet, pendant des années, les enfants hassidiques, et plus particulièrement les garçons, ont été privés d'enseignement laïque, il note que, depuis trois ans, Québec a pris une série de mesures pour encadrer l’obligation de fréquentation scolaire de ces derniers.

Ainsi, le juge Martin Castonguay remarque que depuis l’adoption du projet de loi 144, en 2017, « l’enseignement à la maison permet de parfaire l'enseignement de matières séculières ». Il concède, par ailleurs, qu’il « s’agit d’un processus ardu tant pour les élèves que pour les parents qui partent de loin ».

Toutefois, selon l’interprétation du juge, un jugement déclaratoire doit statuer sur une situation actuelle et non sur le passé.

Ils voulaient changer les choses

En 2014, Yochanan Lowen avait 37 ans. Il venait de quitter la communauté Tosh de Boisbriand où il avait grandi, notamment pour que ses quatre enfants aient accès à une instruction laïque.

Cela était impossible dans sa communauté, à l’époque, particulièrement pour les garçons qui, selon la tradition hassidique, doivent se consacrer exclusivement à l’étude des textes sacrés à partir de l'adolescence.

Me Amélie Bellerose faisait partie des avocats représentant le Procureur général du Québec. Photo : LinkedIn
Me Amélie Bellerose faisait partie des avocats représentant le Procureur général du Québec. Photo : LinkedIn
À l’époque, M. Lowen se sentait comme un extraterrestre dans le monde des laïques. Il était alors incapable de se trouver un travail.

S’il maîtrisait l’hébreu, le yiddish et l’araméen, les textes sacrés du Talmud et de la Torah, il ignorait le français, les mathématiques, la géographie et avait une mince connaissance de l’anglais.

Or, il comprenait tout de même qu’une série de lois encadrent l’éducation au Québec, et que celle-ci est un droit garanti aux enfants. En entrevue avec Radio-Canada à l’époque, il disait : « Je ne comprends pas pourquoi ces lois ne s'appliquent pas aux enfants hassidiques. »

Avec sa femme, il a donc décidé d’entreprendre des démarches judiciaires contre le gouvernement du Québec, en plaidant que l’État aurait failli à son obligation de fournir, à lui ainsi qu’à des milliers d’enfants hassidiques, une éducation séculière de base, un droit pourtant garanti par les lois en vigueur au Québec.

Nouvelle stratégie

Représenté au départ par la clinique juridique Juripop, M. Lowen réclamait de Québec un dédommagement de plus d’un million de dollars pour défaut de scolarisation. Puis, en 2015, lui et sa femme ont changé d’avocats et décidé, du même coup, d’abandonner cette tactique. Ils ne voulaient plus d’argent. Ils étaient représentés, dorénavant, par Mes Bruce Johnston, Matthieu Charest-Beaudry et Clara Poissant-Lespérance, du cabinet Trudel, Johnston et Lespérance.

Ce qu’ils voulaient avant tout, c’était demander aux tribunaux d’intervenir pour changer les choses et faire en sorte que les enfants hassidiques puissent étudier autre chose que des matières religieuses.

Ils ont donc demandé aux tribunaux de se prononcer dans un jugement déclaratoire. Le but : que la cour statue si, oui ou non, le gouvernement du Québec avait failli à ses obligations vis-à-vis de lui, de sa femme, Clara, et des enfants hassidiques en général.

Me David Banon, du cabinet Spiegel Sohmer.
Me David Banon, du cabinet Spiegel Sohmer.
« [...] à l’occasion des modifications législatives et réglementaires de 2017, l’État s’est donné les moyens pour que la difficulté ayant eu cours auparavant n’existe plus », écrit toutefois le juge Castonguay pour expliquer le rejet de la requête des demandeurs.

Le couple Lowen a décidé de ne pas accorder d’entrevue pour l’instant, mais par la voie d’un communiqué rédigé par leurs procureurs de la firme Trudel, Johnson et Lespérance, ils ont tenu à exprimer leur inquiétude, malgré les mesures mises en place.

En effet, le couple n’est pas entièrement rassuré quant à la situation actuelle des jeunes juifs hassidiques de Boisbriand et de Montréal. « Le juge Castonguay reconnaît que les enfants des communautés hassidiques continuent toutefois de fréquenter des écoles religieuses à temps plein, sans pourtant conclure que ces écoles sont illégales. Cette situation continue de préoccuper le couple Lowen, qui y voit un frein à la scolarisation de ces enfants », écrivent les avocats.

D’ailleurs, le couple Lowen et leurs avocats n’écartent pas l’idée de porter le jugement en appel.

Mes Éric Cantin et Amélie Bellerose, du contentieux de Justice Québec, représentaient le Procureur général du Québec dans cette affaire.

Me David Banon, du cabinet Spiegel Sohmer, représentait quant à lui les nombreuses institutions juives qui étaient également défenderesses.
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