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Magistrature : Ottawa nomme un opposant à la loi 21

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Radio -canada

2021-12-21 10:15:00

Le ministre de la Justice du Canada a nommé un nouveau juge à la Cour supérieure du Québec dans le district de Montréal. Qui est-il ?

Me Azim Hussain. Photo : Archives
Me Azim Hussain. Photo : Archives
Le gouvernement fédéral a accordé un poste de juge à la Cour supérieure du Québec à un avocat montréalais qui avait défrayé les manchettes durant la contestation judiciaire de la Loi québécoise sur la laïcité de l’État.

En 2020, Azimuddin Hussain représentait la Coalition Inclusion Québec devant la Cour supérieure du Québec lorsqu’il a soulevé de nombreux exemples historiques de lois discriminatoires au Canada et à l’étranger. Il voulait ainsi démontrer qu’en permettant une forme de discrimination protégée par la clause dérogatoire, la loi 21 ouvrirait la porte à des cas encore plus graves de discrimination.

M. Hussain a soulevé l’exemple des lois antisémites - surnommées les lois de Nuremberg - sous l’Allemagne nazie en faisant ses arguments, ce qui lui a valu une série de critiques parmi les supporteurs de la loi 21.

En vigueur depuis 2019, la Loi sur la laïcité de l'État interdit que certains employés d'État en situation d'autorité affichent des signes religieux dans l'exercice de leurs fonctions, dont les enseignants. La Loi sur la laïcité a été assortie d'une disposition de dérogation – souvent appelée clause nonobstant – pour limiter la contestation judiciaire par ceux qui feraient valoir que la loi est discriminatoire et contraire à la Charte canadienne des droits et libertés.

Cette nomination de M. Hussain à la Cour supérieure du Québec survient au moment où le gouvernement fédéral de Justin Trudeau est à couteaux tirés avec le gouvernement québécois de François Legault sur la question de la loi 21.

Une analogie controversée

Dans une série d’échanges en cour l’an dernier, M. Hussain et le juge Marc-André Blanchard ont abordé le traitement discriminatoire des Canadiens d’origine japonaise durant la Seconde Guerre mondiale.

La discussion a amené M. Hussain sur le terrain des lois antisémites adoptées par les nazis en 1935. M. Hussain n’a pas fait de comparaison directe ou indirecte avec la loi 21, mais il s’est servi de cet exemple pour illustrer le fait qu’une loi pouvait éventuellement mener à des cas plus graves de discrimination.

Les commentaires de M. Hussain avaient fait couler beaucoup d'encre à l’époque, le Journal de Montréal titrant : « Loi 21: un avocat fait un lien avec les nazis ». Le chroniqueur de La Presse Yves Boisvert avait rapidement défendu les interventions de M. Hussain, affirmant que ce dernier n’avait pas effectué de « rapprochement » avec les lois de Nuremberg.

Voici une traduction de l’échange qui avait soulevé la controverse :

- Juge Blanchard : Malheureusement, les situations de guerre ne font pas ressortir le meilleur des sociétés.

- M. Hussain : Et bien, les lois de Nuremberg n’ont pas été adoptées en temps de guerre. (...) Et les lois de Nuremberg ont mené à une situation qui s’est empirée, alors qu’au moment du passage des lois de Nuremberg, ce qui est éventuellement arrivé à cette minorité (juive) n’était pas envisagé.

Lors d’une apparition à l'émission ''Tout le monde en parle'', l’essayiste et chroniqueur Mathieu Bock-Côté affirmait que M. Hussain - sans le nommer - avait « associé la loi 21 au nazisme ».

Mathieu Bock-Côté sur le plateau de l'émission Tout le monde en parle. Photo : Radio-Canada
Mathieu Bock-Côté sur le plateau de l'émission Tout le monde en parle. Photo : Radio-Canada
Le lendemain, M. Hussain a clarifié ses commentaires en cour, affirmant avoir abordé la question de l’Allemagne nazie pour explorer les besoins de limiter l’utilisation de la cause dérogatoire par une assemblée législative. Son objectif, disait-il, était de dénoncer le fait qu’il n’y a aucune protection constitutionnelle pour les minorités s’il n’y avait pas de limites quant à l’utilisation de la clause dérogatoire par les gouvernements.

« Je n’ai pas, et je n’aurais jamais, suggéré que le contexte social, économique ou historique dans lequel ces lois ont été adoptées et le contexte d’aujourd’hui sont équivalents », a-t-il affirmé.

Il a ajouté que son objectif initial en utilisant un exemple hypothétique - à savoir ce qui arriverait si la loi 21 obligeait les gens de couleur de s’asseoir à l’arrière d’un autobus - était de voir si la clause dérogatoire pouvait bel et bien servir à protéger une violation « odieuse » des droits de la personne.

La contestation judiciaire à laquelle M. Hussain a participé a largement échoué alors que le juge Blanchard a maintenu la quasi-entièreté de la loi. Le dossier ira devant la Cour d’appel du Québec et, selon toute éventualité, aboutira éventuellement devant la Cour suprême du Canada.

Legault contre Trudeau

La nomination de M. Hussain à la magistrature illustre parfaitement le différend juridique et politique qui oppose les gouvernements du Canada et du Québec sur la loi 21.

Alors que le gouvernement Legault défend vigoureusement sa loi devant les tribunaux et sur la place publique, le gouvernement Trudeau dénonce la mesure et se réserve le droit de la contester devant la Cour suprême du Canada.

En vertu du processus de vérification des candidatures, l’intervention de M. Hussain devant les tribunaux a sûrement été considérée lorsque son dossier a été évalué au sein du gouvernement fédéral.

Le cas d’une enseignante de Chelsea, qui a récemment perdu son poste en raison de son port du hijab, a capté l’attention de la population à travers le pays et relancé le débat politique entourant la loi.

« Je suis en désaccord profond avec (la loi 21) », a dit M. Trudeau le 13 décembre. « Je ne trouve pas que, dans une société libre et ouverte, quelqu'un devrait perdre sa job à cause de sa religion ».

En entrevue à l’émission 24/60, le ministre responsable de la Laïcité au Québec, Simon Jolin-Barrette, a dit que M. Trudeau devrait plutôt « s'occuper de ses affaires ».
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16 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 2 ans
    Reductionist article
    As someone who worked with Azim, he is an excellent lawyer and wonderful person. To reduce his career simply to his opposition to bill 21 is shameful. He is not being nominated for this reason, he has many qualifications that the article fails to mention.

    He is an incredibly accomplished lawyer who has achieved a lot and had a very good career. He is very qualified for this role and will be an excellent judge.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 2 ans
      Not a question of reduction.
      His public remarks concerning any subject of public interest are fair game for examining the motives behind his nomination and/or his ability to both be and to appear to be impartial in similar matters before the Court. It's not a question of reducing him to one comment but of wondering whether he possesses the good judgment (no pun) necessary to the job description.

      The man has publicly invoked the vile memory of racial purity laws adopted under the Third Reich in his arguments against a statute passed by the Quebec legislature. He could have uttered an insensitive remark about pretty much anything else and been "cancelled" in this day and age, but his very public lesson in "what not to say in your trial arguments 101" was either:

      (A) intentionally overlooked when reviewing his candidacy; or
      (B) was actually considered an advantage in favour of his nomination.

      It can't be both.

      Other than that, I am sure he is a perfectly fine, capable and brilliant lawyer. There are lots of those. Not many of them are appointed to the Superior Court by Justin Trudeau.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 2 ans
      Mais encore
      Tous autant que nous sommes possédons des qualités et des défauts. Toutefois, ici, une fois de plus, on ne peut que constater une nomination politique, ce qui ne devrait pas avoir lieu dans un pays comme le nôtre.

      Déjà que de nombreux juges manquent de partialité, d'ajouter celui-ci à la liste est d'ajouter l'insulte à l'injure. Beau doigt d'honneur du fédéral au provincial.

    • IncX
      Reductionist
      He may be a very good lawyer, maybe even the best in Quebec. But he will always be known as a probable political appointee. You know how the Supreme Court says that its not enough to be impartial, but there should also be an appearance... it goes to that. We'll see how he'll be received by the legal community,but I wouldn't be surprised if it doesn't go too well. I wouldn't be surprised if it does either.

    • Roscoe Pound
      Roscoe Pound
      il y a 2 ans
      Well
      If all lawyers who had overstated their case were disqualified from appointments to the Superior Court, I am not sure many litigators would be eligible. In any case, the objections to the remarks are a tempest in a teapot, deliberately raised in order to distract everyone from the fact that Québec has enthusiastically adopted legislation that violates the Charter right to equality but invoked the notwithstanding clause to foreclose any challenges.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 2 ans
      Fair point.
      "If all lawyers who had overstated their case were disqualified from appointments to the Superior Court, I am not sure many litigators would be eligible."

      This case was *particularly* overstated, let's say. It doesn't really get much more overstated than that, but fair point anyways.

      "Québec has enthusiastically adopted legislation that violates the Charter right to equality but invoked the notwithstanding clause to foreclose any challenges."

      The Notwithstanding Clause is every bit a part of the Charter as any of the other sections. It was put there deliberately as a compromise, without which there might not even be a Charter today.

  2. Avovatdudiable
    Avovatdudiable
    il y a 2 ans
    Trudeau
    Je ne connais pas le type, donc, je vais m'abstenir de commentaires à son endroit. Mais quel doigt d'honneur du gouvernement libéral à l'endroit du Québec.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 2 ans
      Pas un doigt d'honneur
      Je présume que le gouvernement fédéral devrait selon vous nommer des juges dont les opinions politiques sont identiques aux opinions politiques provinciales du moment. Assez ridicule - pour ne pas dire dangereux.

    • Wow
      Shameless
      You're not even pretending that you don't hate Muslims and are outraged by their existence.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 2 ans
      Attention
      Attention très cher, quand on vise un poste de notoriété, on arbore le comportement qui vient avec, ici le devoir de réserve sur un sujet d'intérêt public.

      Non seulement cette nomination nuit à la réputation du système judiciaire, mais c'est déjà un caillou pointu dans le soulier de la magistrature qui tôt ou tard devra le gérer. Que l'on soit rouge, bleu, vert ou orange, converse dans ton salon, pas sur la place publique.

      Comme quelqu'un le dit plus haut, c'est une nomination politique et pour la nomination d'un juge qui possède le pouvoir sur la vie des gens, c'est abject. Pas étonnant que de plus en plus de citoyens ne fassent plus confiance au système judiciaire. Nomination du fédéral pour une cour du provincial, il est grand temps de revoir ce fondement.

  3. A
    A
    Le titre est trompeur.
    On ne sait pas si le nommé est un opposant à la Loi 21.
    On sait seulement que son client l'est.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 2 ans
      Il a aussi pris position en ce sens, de façon personnelle
      (i.e. en dehors de son travail de représentant).

      Googlez, et vous trouverez !

  4. Paul t
    Paul t
    il y a 2 ans
    Inacceptable
    Encore un juge d’Ottawa qui étouffera le Québec. Quelle nomination partisane et anti Québec.

    Bien qu’il nuance ses propos sur son association entre le Québec et l’état nazi, il a fait cette analogie inacceptable et anti démocratique. Très mauvaise nomination.

  5. Gustavo
    Gustavo
    il y a 2 ans
    Clown time!
    Don't have a suitable response? Just tell the other side to mind their own business! Classic.

    Also, anyone who takes Mathieu Bock-Cote seriously lacks critical thinking skills.

    • Pirlouit
      Pirlouit
      il y a 2 ans
      Pinochet
      "Also, anyone who takes Mathieu Bock-Cote seriously lacks critical thinking skills"

      C'est plutôt les personnes affirmant ce genre de propos limités avez zéro exemples qui en manquent. En tous cas, les Français semblent en désaccord avec vous.

  6. Antoine le vieux québécois
    Antoine le vieux québécois
    il y a 2 ans
    retraité de l'enseignement
    on ne demande pas à un pantin de penser ???????

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