Les « tweets » du Parlement jouissent-ils d’immunités?

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Philippe Senécal

2009-11-23 11:15:00

Inspiré par un incident survenu mardi sur la Colline du Parlement à Ottawa, je me permets de revenir sur un sujet effleuré lors de ma chronique précédente : la responsabilité de l’auteur d’un message expédié via Twitter.

Durant la réunion d’un comité à l’éthique, la députée libérale ontarienne, Michelle Simson, a expédié un microbillet à propos du député conservateur, Dean del Mastro. Apparemment, le comportement perturbateur de M. del Mastro agaçait plusieurs membres du comité dont Mme Simson. Ainsi, à 6h59 elle a expédié un microbillet suggérant que M. del Mastro devrait « grandir » (maturité) plutôt que d’élargir : « In committee this morning. M.P. del Mastro should grow up (not out). »

Vous comprendrez que M. del Mastro est passablement corpulent. À 7h37, Mme. Simson récidive avec un autre microbillet dérisoire à l’endroit de M. del Mastro, suggérant qu’il devrait cesser de faire la gueule et sourire : «Gosh, I hate to see a grown M.P. pout. Smile, Dean! ».

À la suite de la période des questions de la journée, M. del Mastro a livré une allocution chargée d’émotions et demandé à la Chambre des communes un rappel au règlement au motif que les microbillets de Mme. Simson étaient particulièrement humiliants, discriminatoires et indignes d’une députée du Parlement. Bien entendu, Mme. Simson a dit regretter son geste et a présenté de très sincères excuses à M. del Mastro pour ses microbillets. L’affaire s’est poursuivie lorsque le député du NPD, M. Charlie Angus, a pris la parole pour demander au Président de la Chambre d’interdire l’utilisation de Twitter durant les activités officielles du Parlement au motif que le populaire logiciel perturbait le décorum parlementaire. Le Président n’a pas donné suite à la suggestion de M. Angus.

Cet incident survient quelques semaines seulement après que le député libéral, Ujjal Dosanjh, a dû présenter ses excuses pour avoir dévoilé sur Twitter de l’information issue d’une réunion confidentielle d’un comité du département de la Défense. D’ailleurs, il est possible qu’une enquête soit initiée sur la conduite de M. Dosanjh.

Est-ce que les députés jouissent toujours de l’immunité parlementaire pour les propos qu’ils tiennent dans leurs microbillets? Existe-t-il une distinction entre les propos prononcés de vive voix par les députés dans le cadre d’activités parlementaires et ceux qu’ils expriment dans l’univers virtuel de Twitter?

Rappelons-nous que le principe de l’immunité parlementaire a été enchâssé dans la Déclaration des droits de 1689 (Bill of Rights) afin de protéger les élus de l’ire de la Couronne. L’article 8 s’y lit comme suit : « Que la liberté de parole, ni celle des débats ou procédures dans le sein du Parlement ne peut être entravée ou mise en discussion en aucune cour ou lieu quelconque autre que le Parlement lui-même. »

Le Canada a adopté ce principe britannique dans la Loi constitutionnelle de 1867. Ainsi, la liberté de parole permet à nos élus d’exprimer leurs observations dans le cadre des travaux à la Chambre ou en comités tout en jouissant d’une immunité de poursuite. L’immunité s’étend également aux propos à saveur diffamatoire prononcés dans le cadre du processus parlementaire.

Mais l’immunité parlementaire a ses limites car elle s’applique uniquement aux propos exprimés lors des travaux parlementaires et en comités. Les propos tenus par les députés à l’extérieur ou diffusés ailleurs que dans les publications officielles du Parlement ne sont pas protégés par cette immunité. Ainsi, si un député expédie un microbillet potentiellement diffamatoire, il s’expose à une poursuite et cela même si le microbillet est envoyé durant les fonctions parlementaires.

Donc, comme tous les autres usagers de ces nouvelles technologies, nos élus devront apprendre que les règles de droit s’appliquent au monde virtuel. L’internet ne confère pas un droit absolu de liberté d’expression.


Retour à Windows 7

Vous vous souviendrez que je vous mentionnais dans ma première chronique que Windows 7 offrirait la possibilité de faire fonctionner Windows XP en mode virtuel. Depuis que Windows 7 est disponible, j’ai reçu quelques courriels de lecteurs me demandant où se cachait cette fonctionnalité. Alors pour ceux que cela intéresse, vous pourrez télécharger gratuitement le logiciel d’installation directement de Microsoft en cliquant ici.


Droit et Techno

Deux fois par mois, Dominic Jaar et Philippe Senécal, conseillers juridiques de Conseils Ledjit, rédigent pour vous des billets rapportant des nouvelles technologiques liées au droit ainsi que des nouvelles juridiques relatives aux technologies. Pour consulter toutes leurs chroniques, cliquez ici.
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