Le papier ne vaut rien!

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Dominic Jaar

2009-12-10 14:15:00

Malgré l’adoption généralisée des technologies de l’information, force est de constater qu’après maintenant plus d’une décennie, le papier règne toujours en maître (lire : en mètres)!

Et si cette habitude de tout imprimer avait pour effet d’anéantir la valeur juridique de vos documents et de ceux de vos clients?

Cette question, surprenante par la réponse qu’elle évoque, est pourtant légitime lorsqu’on s’arrête à la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (« LCCJTI »). Ses articles 17 et suivants traitent de « transfert technologique » qui jusqu’ici a été compris à sens unique. On associe normalement à cette expression la numérisation de documents papier, de microfiches ou d’acétates : une interprétation tout à fait juste qui, par ailleurs, omet le transfert de documents technologiques vers le papier, c.-à-d. le fait d’imprimer…

La LCCJTI signifie clairement que « l'information d'un document qui doit être conservé pour constituer une preuve, qu'il s'agisse d'un original ou d'une copie, peut faire l'objet d'un transfert vers un support faisant appel à une technologie différente. »(Art. 17 al. 1) Toutefois, pour que le document source puisse être détruit et remplacé par le document qui résulte du transfert, tout en conservant sa valeur juridique, le transfert doit être documenté de sorte qu'il puisse être démontré que le document résultant du transfert comporte la même information que le document source et que son intégrité est assurée. (Art. 17 al. 2) C’est donc dire que, lorsque vous ou vos clients imprimez, vous devriez documenter le processus et être à même de démontrer l’intégrité de l’impression.

La LCCJTI édicte que « la documentation comporte au moins la mention du format d'origine du document dont l'information fait l'objet du transfert, du procédé de transfert utilisé ainsi que des garanties qu'il est censé offrir, selon les indications fournies avec le produit, quant à la préservation de l'intégrité, tant du document devant être transféré, s'il n'est pas détruit, que du document résultant du transfert. » (Art. 17 al. 3) Cette documentation doit être conservée durant tout le cycle de vie du document résultant du transfert, c.-à-d. « depuis sa création, en passant par son transfert, sa consultation et sa transmission, jusqu'à sa conservation, y compris son archivage ou sa destruction. » (Art. 6 al. 2)

Bien que ce critère puisse sembler onéreux quant aux processus à mettre en place pour documenter le transfert, les légistes derrière cette loi ont fait montre d’un esprit pratique exemplaire en prévoyant que « la documentation peut être jointe, directement ou par référence, soit au document résultant du transfert, soit à ses éléments structurants ou à son support. » (Art. 17 al. 4) En pratique, l’une des solutions pour alléger et automatiser la création de cette documentation est d’imprimer les métadonnées du document électronique (au verso svp!). Ainsi, lors de l’impression seront automatiquement capturés le format d’origine (Word, Powerpoint, PDF, etc.) ainsi que la marque et le modèle de l’imprimante. Quant aux garanties qu'est censé offrir l’imprimante relativement à la préservation de l'intégrité « selon les indications fournies avec le produit », il suffit de conserver une copie des spécifications ou du guide de l’administrateur ou de l’usager de l’imprimante en question.

Quant au second critère, qui vise le maintien de l’intégrité du document dans le cadre du transfert, on doit s’assurer :
1) « qu’il est possible de vérifier que l'information
a. n'est pas altérée et
b. qu'elle est maintenue dans son intégralité, et
2) que le support lui procure la stabilité et la pérennité voulue. » (Art. 6 al.1)
Pour ce dernier point, « il n'y a pas lieu de prouver que le support du document ou que les procédés, systèmes ou technologies utilisés pour communiquer au moyen d'un document permettent d'assurer son intégrité, à moins que celui qui conteste l'admission du document n'établisse, par prépondérance de preuve, qu'il y a eu atteinte à l'intégrité du document. »

En ce qui a trait à la première exigence, de pouvoir vérifier que l’information n’est pas altérée et qu’elle est maintenue dans son intégralité, il s’agit d’une question de fait que vient supporter la documentation discutée plus tôt. En effet, celle-ci vient généralement démontrer que le processus d’impression a bel et bien saisi l’intégralité du document d’origine, i.e. son entièreté. Quant à la question de l’altération, elle reprend un principe déjà connu dans le monde papier et vise à s’assurer que l’information contenue dans le document n’a pas été modifiée, préalablement à l’impression, par celle-ci ou par la suite. Tout comme pour un document papier, cette question sera ouverte à des témoignages venant confirmer, ou infirmer, que le document n’a pas changé depuis sa création.

Par contre, là où la situation de vos documents est la plus précaire, c’est lorsqu’on s’intéresse à la « possibilité de vérifier » les critères susdits. Peut-on prétendre que le document imprimé représente l’intégralité du document technologique lorsqu’on en perd les métadonnées? Et si c’était le cas, comment vérifier les possibles altérations au document apportez préalablement à l’impression?

Espérant qu’il s’agisse là d’un nouveau clou dans le cercueil des cabinets qui, encore aujourd’hui, exigent, politiques à l’appui, que les employés de leur firme impriment tout!

À défaut, prenez acte du fait que tous ces documents imprimés au quotidien risquent de n’avoir aucune valeur juridique. Suite à ce constat, peut être choisirez-vous d’aviser vos clients ou votre assureur?
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