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Violence dans le sport : l’État doit-il intervenir?

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Amélia Salehabadi

2007-08-21 17:42:00

''« Je préfère ta putain de sœur »'', aurait dit Marco Materazzi à Zinedine Zidane lors de la finale de la Coupe du Monde de Football 2006, selon un magazine italien.

Juste avant l’insulte, Materazzi n’arrêtait pas de tirer sur le maillot de Zidane et ce dernier, ironiquement, aurait demandé au joueur italien s’il voulait avoir son vêtement. Materazzi répliqua en insultant la sœur du Zidane, qui lui donna alors son désormais célèbre coup de boule.

Tout le monde connaît la suite, Zizou hérite d’un carton rouge et est expulsé du match. Personne ne comprend.

Les récents aveux du joueur Italien, plus d’un an après les faits mais un mois avant un France-Italie qui s’annonce chaud, vont certainement relancer le débat sur la violence verbale et physique au sein du foot mais également dans le sport en général.

L'exemple de l'Angleterre
Cela me rappelle un cas célèbre et par ailleurs véritable saga judiciaire qui m’a toujours fascinée, car elle a provoqué un changement important dans la Loi sur le football en Grande-Bretagne.

En 1995, Cantona, joueur de nationalité française mais jouant pour une équipe anglaise, est expulsé lors d’un match de soccer pour avoir donné un coup de pied à un adversaire. Il se dirige vers les vestiaires lorsqu’un spectateur surgit subitement et l’insulte copieusement, verbalement et ‘digitalement’ (je laisse cela à votre imagination).

Le spectateur anglais aurait dit au joueur français « fucking, cheating, French cunt. Fuck off back to France, you mother fucker ». Cantona, en bon méditerranéen, réagit violemment et s’en prend physiquement au spectateur.

Bien entendu, la version de ce dernier est bien différente. Il aurait prétendu devant le tribunal qu’il n’avait que hurlé les mots « off, off, off » en lui montrant du doigt les vestiaires.

Cantona est accusé d’assaut et il plaide coupable à son procès. Ses deux semaines de prison seront commutées en 120 heures de travaux communautaires qu’il effectuera en entraînant des jeunes écoliers de banlieues défavorisées.

Au moment de l’affaire Cantona, le spectateur agressif ne pouvait pas être accusé en vertu du Football Act de 1991 pour un comportement indécent et raciste car, ayant agit seul, il tombait en dehors du cadre de la loi. À cette époque en effet, la responsabilité d’un spectateur n’était engagée uniquement que lorsqu’elle était collective: « words, or sounds are chanted in concert with one or more others which are threatening, abusive (…) to a person by reason of his colour, race, nationality or ethnic or national origins » (art 3). Il fut néanmoins poursuivi en vertu du droit commun et trouvé coupable de comportement menaçant ; procès plus difficile et nettement plus long.

Cette affaire a eu le mérite de clairement exposer les limites de la Loi 1991 et a évidemment provoqué de multiples débats au sein de la population, des sportifs mais également des professionnels de la justice, notamment les avocats, professeurs de droit et les parlementaires.

Et la Loi dans tout ça?
Plusieurs questions nous touchant directement, nous les juristes, étaient alors en jeu : Où s’arrête un sport et où commence la violence ? Comment arrêter le harcèlement psychologique entre deux équipes adverses ? Quel est le rôle de l’État, donc du Législateur, dans le sport ?

Après quatre années de débats assez féroces, la Loi de 91 fut amendée en 1999 et l’offense d’agression verbale est désormais individualisée.

Si vous croyez que ces questions n’intéressent que l’Europe, détrompez-vous ! Souvenez-vous de l’affaire Shane Doan, en décembre 2005. Le capitaine des Coyotes de Phœnix avait écopé d'une punition pour inconduite extrême après avoir présumément proféré des insultes racistes contre des arbitres francophones, les traitant de « Fucking French ».

Bien que les règlements de la Ligue nationale de hockey interdisent toute injure à connotation raciste, ni la LNH ni le Comité olympique canadien n’ont entrepris d’enquête exhaustive sur l’incident. On accuse même certaines grosses têtes d’avoir camouflé les faits afin de permettre à Doan de participer aux Jeux olympiques de Turin.

Le rapport du juge de ligne Michel Cormier à ce sujet, jusqu’ici confidentiel, vient tout juste d’être rendu public. La question de la violence dans les sports et du traitement que doit lui réserver le droit québécois et canadien est donc on ne peut plus d’actualité.

Avec l’avènement des nouvelles générations de technologie, le sport et les sportifs de haut niveau bénéficieront d’une visibilité sans cesse croissance à travers le monde. Ce sont eux les véritables stars de demain. Déjà, le sport représente plus de 3 % des échanges commerciaux mondiaux.

Que nous réserve l’affaire Zizou? Comment pouvons-nous, juristes et avocats de ce monde, aider à préserver l’intégrité mais aussi le plaisir d’un sport, tout en défendant les droits fondamentaux tels les droits des femmes, des minorités, des animaux et la non-discrimination ? Est-ce que le Législateur devrait intervenir plus souvent ou au contraire laisser le sport aux sportifs et aux fédérations? J’attends vos commentaires.

En attendant, n’oubliez pas que la nouvelle saison de hockey de la LNH débute dans quelques semaines.

Amelia Salehabadi est la fondatrice et l'Associée principale de Salehabadi, Cabinet d'avocats, de Montréal.
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4 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 16 ans
    Un texte utile
    Merci Me Amélia de cette réflexion... à l'aube des saisons de sport mineur, je crois que cet article fera réfléchir.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 16 ans
    Too much
    A very well written article but, it would seem to me that it goes to far. Rather the desire to monitor, regulate, punish goes to far. Should I fear what I might say in the heat of the moment of a very emotional and physical contest.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 16 ans
    Une réflexion importante
    Votre texte montre bien le problème du sport en général. Les sportifs provoquent chez nous des émotions très vives : il faut donc trouver un moyen d'encadrer «ces débordements». Le coup de boule de Zidane est pour moi impardonnable même si il y a eu insulte : il est un modèle pour beaucoup de personnes et en tant que tel, il n'avait pas agir de la sorte. Il a été puni. Cependant, maintenant que Materazzi a avoué sa provocation, il devrait aussi avoir à subir les conséquences de son acte.

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a 16 ans
    Un ex joueur
    Pour avoir joué de nombreuses années au soccer, je trouve le geste de "zizou" innadmissible, d'autant plus que c'est un professionnel de haut niveau. De surcroit, c'était sa seconde participation a une finale de coupe du monde et le joueur frappé est aussi son "collegue" de travail!!
    Cet article intéressant me remémore l'incident Cantona qui a été puni par la justice. Depuis ce temps la, les anglais ont pu calmer les ardeurs de leurs supporteurs. Je crois aussi qu'une action judiciaire aurait pu etre entreprise dans le cas "Zidane" car le ballon n'était pas l'enjeu de ce coup de boule.
    Merci de rapeller l'incident "Cantonna", car les joueurs de soccer ont, eux aussi, la mémoire courte. C'est donc aux dirigeants de la FIFA d'y réfléchir...

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