Bastarache

Rondeau admet être intervenu auprès de Bellemare

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La Presse Canadienne

2010-09-21 19:50:00

Le collecteur de fonds libéral Charles Rondeau a reconnu mardi qu'il a suggéré à l'ancien ministre de la Justice Marc Bellemare un candidat pour le poste de juge en chef de la Cour du Québec.

M. Rondeau a affirmé que la première réaction de M. Bellemare n'avait pas été "super", lors d'une rencontre durant l'été 2003. Mais le ministre lui a ensuite annoncé que Michel Simard, qui était déjà magistrat, obtiendrait plutôt une promotion au poste de juge en chef adjoint.

À la commission Bastarache, M. Rondeau a expliqué que M. Simard, qu'il avait connu lors d'activités militantes au Parti libéral du Québec, l'avait lui-même approché pour proposer ses services après le retour au pouvoir des libéraux.

"Il m'a dit: 'si jamais tu vois le ministre Bellemare et qu'il se cherche un bon juge en chef, je pense que j'ai beaucoup d'expérience et je lui ferais un mosus de bon homme"', a déclaré M. Rondeau durant son témoignage, qui se poursuit mercredi.

Le collecteur de fonds, qui milite au PLQ depuis les années 1970, ignorait que le poste était ouvert, mais dans des circonstances dont il ne se souvient plus, il a relayé l'information au ministre Bellemare, peut-être à l'occasion d'une activité de financement.

"Il n'a pas eu une super réaction, a-t-il dit. Ce devait être en été. M. Bellemare m'a rappelé _ je ne sais pas si c'est deux jours, trois jours, quatre jours, sept jours ou 11 jours après. Il m'a dit: 'Charles, je ne peux pas nommer ton juge Simard juge en chef. J'en ai un autre."

M. Bellemare lui a plutôt annoncé la promotion de M. Simard au poste d'adjoint, même si le magistrat avait déjà indiqué qu'il était seulement intéressé par le poste de juge en chef.

Devant la commission, présidée par Michel Bastarache, M. Bellemare s'est dit l'objet de pressions de la part de M. Rondeau et de son collègue collecteur de fonds Franco Fava concernant la nomination de trois juges, dont M. Simard.

Durant son témoignage, mardi, M. Rondeau a expliqué qu'il avait participé activement à la recherche de candidats pour des nominations dans les divers organismes et sociétés d'État, qui sont entérinées par le conseil des ministres.

Le collecteur de fonds a raconté qu'après l'arrivée au pouvoir du premier ministre Jean Charest, il avait travaillé sur ce dossier avec une collaboratrice de son cabinet, Chantal Landry, elle-même une ancienne responsable de l'organisation du PLQ dans l'est du Québec.

"Il y avait un paquet de nominations à faire au gouvernement et Mme Landry ne peut pas passer ses journées à se creuser la tête", a dit M. Rondeau.

Selon des registres d'entrée au cabinet de M. Charest à Québec, entre août 2003 et mars 2004, M. Rondeau s'est déplacé 19 fois pour rencontrer Mme Landry.

"On faisait des listes, on essayait de trouver des gens pour remplacer une personne, pour combler les postes qu'il y avait à combler, a-t-il dit. On téléphonait, on vérifiait avec d'autres."

Dans son témoignage, M. Bellemare a situé Mme Landry au coeur des nominations gouvernementales. Un secrétaire général associé du Conseil exécutif, Yves Pleau, est aussi venu témoigner qu'il transmettait à Mme Landry l'identité des avocats que le ministre de la Justice souhaite nommer juge.

La commission, mandatée pour examiner les allégations de trafic d'influence de M. Bellemare, a eu une journée chargée, mardi, avec quatre témoins à l'horaire.

Assigné à comparaître, le ministre Norman MacMillan a déclaré qu'il n'a fait que jouer son rôle de député lorsqu'il est intervenu auprès de M. Bellemare pour aider le fils d'un organisateur libéral de sa région à obtenir un poste de juge, en 2003.

M. MacMillan a affirmé qu'il avait agi ainsi parce qu'il connaissait Marc Bisson, un procureur de la Couronne dont le père, Guy, a travaillé activement pour faire élire le député dans l'Outaouais.

Guy Bisson, l'organisateur en chef de M. MacMillan, lui avait d'abord fait part de la candidature de son fils, en 2003.

Après une rencontre avec Marc Bisson à l'Assemblée nationale, le 6 novembre 2003, M. MacMillan est aussitôt passé à l'action en relayant l'information à M. Bellemare, qu'il a rencontré par hasard dans un corridor de l'Assemblée nationale.

"C'est le rôle d'un député quand quelqu'un lui demande d'intervenir ou de vérifier pour voir s'il a une chance de pouvoir être nommé juge, a-t-il dit. Ce n'est pas de la pression."

M. MacMillan a par la suite admis que Marc Bisson, qui a été nommé juge le 26 novembre 2003, avait été le seul avocat à bénéficier de son aide dans le processus, même si d'autres s'étaient adressés à lui auparavant avec des demandes similaires.

Michel Després, un ancien ministre libéral en fonction en même temps que M. Bellemare, est quant à lui venu expliquer qu'un cousin l'avait avisé, en octobre 2003, de la candidature de son épouse à un poste de juge à la Chambre de la jeunesse.

En février ou mars 2004, M. Després s'est informé de l'avancement du processus auprès de son collègue ministre et avocat.

"Je me suis enquéri auprès de Me Bellemare en ce qui concerne la nomination du gouvernement du Québec au tribunal de la jeunesse pour savoir si le gouvernement allait faire une nomination prochainement", a-t-il dit.

Selon M. Després, M. Bellemare était au courant du lien familial entre lui et Lyne Gosselin-Després, qui a ensuite été nommée juge en mars, quelques semaines avant la démission du ministre de la Justice.

"Je lui ai répondu: 'Oui, c'est la femme d'un cousin. Elle s'appelle Lyne Gosselin-Després."

L'audience de mardi avait débuté par la fin du contre-interrogatoire de Georges Lalande, un ancien sous-ministre de la Justice qui a corroboré les allégations de M. Bellemare.
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1 commentaire

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 13 ans
    Pragmatisme
    Le témoignage de M. Rondeau me semble dépeindre correctement de quelle façon les organisateurs politiques ou les «sages» non élus interviennent auprès des élus ou sont mis à contribution par les élus, tous partis politiques confondus. Surtout en début de mandat. Qui est surpris que des organisateurs politiques non élus soient consultés par les élus ou fassent des suggestions aux élus dans le cadre du processus de nomination...politiques ? Si les élus ne peuvent les consulter, vers qui devront-ils se tourner ? Des fonctionnaires non élus ? Des listes constituées par des fonctionnaires non élus ? Le résultat sera tout aussi politique et, d'une certaine manière, les suggestions des fonctionnaires ne seront pas moins partisanes. Je suis convaincu que l'organisateur politique est d'abord et avant tout consulté ou écouté par l'élu parce que ce dernier le connaît et lui fait confiance. C'est humain. C'est comme ça dans le vie. Mais c'est évidemment de bon ton dans les médias d'y voir plutôt systématiquement du trafic d'influence. Cela fait vendre de la copie.

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