Carrière et Formation

Comment concilier travail et famille en grand cabinet

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Camille Dufétel

2022-12-02 15:00:00

Trouver le juste équilibre entre travail et vie de famille peut paraître utopique. Trois avocats d’un grand cabinet partagent leurs solutions…

Mes Annie Bourgeois, Vincent Tremblay et Joannie Proteau. Source: Langlois
Mes Annie Bourgeois, Vincent Tremblay et Joannie Proteau. Source: Langlois
« Il n’y a pas un moule pour tout le monde » en termes de conciliation travail-famille, souligne d’entrée de jeu Me Annie Bourgeois, avocate associée en droit du travail et de l’emploi chez Langlois Avocats à Montréal.

Cette Barreau 2009 forte de près de 14 ans de carrière dans son cabinet et mère de trois enfants estime qu’il y a plusieurs façons de faire les choses, et qu’il faut juste trouver celle « qui marche pour soi ».

Garder une marge de manœuvre

Ce qui l’aide en premier lieu est sa manière de gérer son horaire professionnel. Celle qui aime particulièrement les deux facettes de sa spécialisation, à savoir l’accompagnement du client et l’aspect « litige », se garde ainsi de courts laps de temps durant lesquels elle ne prévoit aucun rendez-vous, pour faire face à d’éventuels imprévus.

« Avec les enfants, on a des horaires, des obligations, on doit aller les porter ou les chercher pour telle heure, donc j’essaie toujours de me garder une marge de manœuvre en début et en fin de journée, dans la mesure du possible », détaille l’avocate.

Un sac oublié chez soi et qu’il faut aller rechercher, plus de trafic qu’à l’habitude… « Il y a toujours des imprévus », souligne Me Bourgeois. « Garder des appels trop près de mon horaire avec mes enfants, ça me générait beaucoup de stress », remarque-t-elle. Se laisser quinze à trente minutes de « répit » lui enlève ainsi « toute l’angoisse ».

Optimiser les temps morts

Me Joannie Proteau, avocate associée en droit des assurances et de la responsabilité chez Langlois Avocats à Québec, où elle a commencé sa carrière en mars 2015, est mère de deux enfants, respectivement de trois ans et d’un an et demi.

L’avocate remarque que si la première fois que l’on a un enfant, « on est dans le flou », prêt à partir en laissant « nos dossiers beaux et prêts comme si on partait à Tombouctou », la deuxième fois, « les choses se passent de manière beaucoup plus souple ». Mais dans tous les cas, une fois que le quotidien au travail a repris, il faut selon elle effectivement prévoir des espaces vides.

« La spécificité de ma pratique fait en sorte que je n’ai pas d’autre choix que d’être très organisée, précise la Barreau 2008. Si on prévoit tout au quart de tour, on n’y arrivera pas, car il y a le facteur imprévu, que ce soit du côté du travail ou de la famille. »

Concrètement, pour l’avocate, tous les temps morts où l’on met par exemple « de la musique en voiture », c’est terminé. « Aujourd’hui, les soirées qui s’étirent jusqu’à neuf heures, c’est moins possible. J’ai ma liste de rappels de gens que je dois contacter. Quand je me déplace, que la route est belle et que tout se passe bien, je fais mes appels en main libre. »

Faire une pause de cellulaire

Me Vincent Tremblay est pour sa part associé en droit des affaires également chez Langlois Avocats à Québec, spécialisé principalement en droit immobilier et en droit de la construction. Ce père d’un garçon de trois ans et demi a remarqué que « contrairement à la mère qui vit sa grossesse pendant neuf mois, du côté du père, le ''reality'' check arrive à la naissance ».

Depuis quelque temps, l’avocat a pour sa part instauré une règle qu’il appelle « plaisir en famille ».« J’essaie d’être là le plus possible le soir, entre 17 heures et 19 heures : pendant cette période, je mets mon cellulaire en mode silencieux, détaille ce Barreau 2008. J’essaie d’être présent au moins pour l’heure du souper et pour la routine dodo. »

Après 19 heures, l’avocat s’autorise à « retomber dans ses courriels ». Il fait par ailleurs en sorte d’être « le plus disponible possible » pour sa famille la fin de semaine.

Communiquer dans son couple

Pour l’associé, l’important est de communiquer et d’établir un « plan de match » dans son couple. Il admet aussi l’importance d’avoir un ou une conjointe faisant preuve de compréhension.

« Je fais beaucoup de développement des affaires et nous sommes dans une période de cocktails, remarque-t-il. Donc c’est certain que ma règle du soir est moins vraie environ un à deux soirs par semaine. »

Me Tremblay estime par ailleurs que la communication est aussi importante sur ce plan avec ses clients. « Dans le monde d’aujourd’hui, les gens comprennent que le papa est de plus en plus présent ».

« Notre enfant, on veut le voir grandir, on veut être présent pour lui, ajoute-t-il. Avant, je pouvais me ''booker'' des déjeuners, en ce moment, je n’en ''booke'' plus pour être plus présent le matin. »

Gérer ses priorités

Un autre point primordial, pour Me Bourgeois, est d’apprendre à revoir ses priorités et à concentrer ses efforts de développement au bon endroit.

« On ne peut pas siéger sur tous les comités », lance l’avocate. Pour elle, il est important d’identifier les efforts de développement qui risquent d’apporter un vrai plus au niveau de sa carrière, plutôt que « d’essayer de tout faire et d’être partout ».

Profiter d’un service de traiteur

Certains cabinets d’avocats le proposent, selon Me Proteau, et c’est le cas de Langlois Avocats. Un service de traiteur dédié aux jeunes parents. Le programme « Parents pressés » permet aux jeunes familles de bénéficier de repas livrés directement au bureau. L’avocate fait appel à ce service en semaine.

Idem pour Me Bourgeois, qui précise que les jeunes parents bénéficient avec ce programme d’un rabais. « On rentre à la fin de la journée avec le souper prêt à manger pour toute la famille. »

Se soutenir entre collègues

Tous soulignent l’importance de la flexibilité du cabinet dans lequel ils travaillent. « Dans le secteur du droit des affaires, on a eu un baby boom, pointe Me Tremblay. Tout le monde est devenu parent dans les trois dernières années. »

Aussi, l’avocat, qui représente notamment divers promoteurs faisant du développement de terrains résidentiels et commerciaux et qui assiste aux transactions, précise que tous se soutiennent quand vient le moment pour l’un ou l’autre de prendre un congé parental. « On s’occupe des dossiers, on travaille tous ensemble dans le but que ce soit plus facile, et personne ne se fait de reproche. »

Me Proteau apprécie également le fait que les départs en congés de maternité et de paternité se fassent de façon « très saine ».

« Quand je suis arrivée chez Langlois, je n’ai pas mis une pancarte sur mon bureau pour annoncer que je voulais être maman, mais je ne me cachais pas pour le dire, s’amuse cette adepte de canot à glace. J’avais d’excellents modèles de mamans avocates accomplies, des mentors incroyables, et des papas aussi. »

S’adapter et être indulgent avec soi

Quoi qu’il en soit, ces trois professionnels insistent sur l’importance de ne pas culpabiliser. « L’important est de trouver l’équilibre, d’y trouver son compte, estime Me Bourgeois. C’est à refaire tous les jours. Parfois, l’équilibre n’y est pas. Est-ce qu’il y a des jours où c’est la folie ? Oui ! »

Me Proteau remarque aussi qu’il ne faut pas « tomber dans le jeu de la comparaison » et être indulgent avec soi. « Il ne faut pas avoir comme volonté d’être parfait partout, accepter que le meilleur de nous-même varie en fonction de nos énergies et de nos épreuves, ce n’est pas statique, assure-t-elle. C’est correct de revoir ses objectifs et ses priorités. »

La seule culpabilité que l’avocate ressent parfois est « auto-induite » et ne date pas d’hier. « J’en ressentais déjà quand je n’étais pas maman, car on se dit toujours qu’on peut toujours en faire plus et s’améliorer. Mais la voix en moi pour apprendre à doser mes attentes est différente, je suis meilleure que je ne l’ai été. »
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