Nouvelles
Un cabinet poursuivi pour sexisme et discrimination sexuelle
Caroline G. Murphy
2011-02-15 15:00:00
« Il faut que tu sois plus qu’un joli minois. Tu ne t’aides pas en arrivant au bureau bien arrangée comme ça ! » Exaspérée d’entendre des commentaires de la sorte, une avocate poursuit aujourd’hui le cabinet, duquel elle a été congédiée en 2009, pour discrimination sexuelle.
D’après les allégations rapportées en cour, un associé senior du cabinet Osler, Hoskin & Harcourt ne se serait pas gêné pour émettre plusieurs commentaires sexistes à l’égard des femmes, disant entre autres que « l’Université Harvard était remplie de jolies femmes qui font semblant d’étudier le droit » ou encore qu’il détestait travailler avec des avocates puisqu’elles finissent toujours par tomber enceintes et s’en vont. Ce qui donnerait environ une bonne année de productivité sur trois pour les femmes.
Jaime Laskis, l’avocate de 34 ans qui poursuit Osler, affirme qu’elle a été victime de discrimination et que ses plaintes l’ont fait congédier. La femme, originaire de Toronto, gagnait 220 000$ lorsqu’elle a été remerciée en 2009. Elle travaille aujourd’hui pour un autre cabinet de Manhattan, même si elle affirme qu’un autre associé senior a tenté de l’empêcher d’obtenir un nouveau poste en ternissant sa réputation.
« C’est une situation vraiment horrible. Je ne suis pas ce genre de personne, je ne veux pas de problème. Je veux juste faire mon travail », a commenté l’avocate.
Rien n’a encore été prouvé en cour. Osler, qui compte environ 500 avocats, doit maintenant présenter sa défense. Le cabinet a envoyé un communiqué au quotidien The Star indiquant qu’il allait enquêter sur les affirmations de Laskis et qu’il regrettait que cette dernière choisisse de trainer le cabinet devant les tribunaux.
De promotion à congédiement
Jaime Laskis a été engagée comme avocate au bureau d’Osler à Toronto en 2003. L’année suivante, elle poursuivait sa carrière au bureau de New York. Selon le témoignage de l’avocate, elle avait un parcours exemplaire jusqu’en 2008.
Si tout a mal tourné, la faute revient à Kevin Cramer, un américain qui s’est joint à Osler en 2006, et dont le cabinet a augmenté les responsabilités en 2008. L’auteur des commentaires sexistes et discriminatoires, ce serait lui, cet avocat expert en fusions et acquisitions qui a travaillé pour deux cabinets internationaux avant de se joindre à Osler. En plus des commentaires à l’endroit de Laskis, il aurait affirmé à une collègue qui prévoyait prendre un congé de maternité qu’elle allait « complètement gâcher ses chances de devenir associée. »
Laskis souligne que Cramer l’a fait chanter et lui aurait dit que « le cabinet ne croyait pas qu’elle souhaitait devenir associée. » L’avocat lui aurait alors recommandé de « montrer à quel point elle tenait à son job », puis l’a informé que le cabinet gelait son salaire. C’est aussi lui qui lui aurait conseillé d’arrêter d’être seulement un joli minois. Laskis lui aurait alors demandé comment améliorer ses performances, ce à quoi Cramer aurait répondu « Cesse donc d’agir comme une enfant en pénitence à qui on donne la fessée. »
Une deuxième fois
C’est la deuxième fois qu’un des cabinets les plus prestigieux du Canada se fait poursuivre pour discrimination sexuelle. En 2009, l’avocate Diana LaCalamita avait lancé une poursuite de 12 millions contre McCarthy Tétrault, se plaignant de discrimination systématique basée sur le sexe. Cette poursuite est d’ailleurs encore devant les tribunaux présentement.
Laskis affirme que ses plaintes avaient d’abord eu un certain impact. En 2008, Kevin Cramer a été retiré du comité d’évaluation de la performance. Mais six mois plus tard, ce même comité rendit une appréciation négative des performances de Laskis. Selon la principale concernée, certains des commentaires de son évaluation venaient de gens avec qui elle n’avait jamais travaillé.
Puis, en juin 2009, Laskis est renvoyée. Selon le témoignage de l’avocate, ce sont ses plaintes à l’endroit du cabinet qui l’ont fait congédier. Aujourd’hui, elle a subi divers dommages, dont la détresse émotionnelle et l’angoisse mentale.
L’avocate affirme que si elle a eu la force d’entreprendre toutes ces démarches judiciaires, c’est parce qu’elle était célibataire et avait des économies. « Je suis convaincue de ne pas être la seule femme à vivre ce genre de scénario. Par contre, moi j’ai la chance d’être en mesure de me rendre justice, ce que d’autres femmes ne peuvent pas faire. »
Téléchargez la plainte
Pour consulter la plainte déposée en Cour, cliquez ici
Publier un nouveau commentaire