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Saga Castor Holdings – Un « véritable dérapage judiciaire »

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Alain Bisson

2011-04-08 13:15:00

L’invraisemblable saga de l’affaire Castor Holdings, considérée comme le plus long procès de l’histoire canadienne et que la Cour d’appel du Québec a qualifiée de « véritable dérapage judiciaire » en 2007, arrive à terme, 17 ans après le dépôt des premières poursuites réclamant plus de 1 G$ à la firme de vérification Coopers & Lybrand.

Le bureau de la juge chargée du dossier depuis septembre 2007, Marie Saint-Pierre, de la Cour supérieure de Montréal, a confirmé à Rue Frontenac que le jugement est en cours de rédaction et qu’il sera « bientôt » déposé.

Une kyrielle de poursuites – une quarantaine au départ en 1994 et une vingtaine encore pendantes en 2007 – déposées par des investisseurs et des créanciers à la suite de la faillite de la société d’investissements immobiliers Castor Holdings, en 1992, réclament une somme dépassant le milliard de dollars à Coopers & Lybrand.

Les poursuivants estiment que la firme de vérification n’a pas fait son travail correctement lors de la préparation des états financiers de la société et qu’elle aurait dû y noter la grande dépendance de Castor Holdings à l’égard d’une autre entreprise en faillite et les prêts hasardeux consentis par Castor à d’autres sociétés du groupe, résume la Cour d’appel.

Début du procès

L'histoire de cette ahurissante épopée judiciaire débute en août 1992 lors de l’assemblée des actionnaires de Castor Holdings dans un hôtel montréalais.

Le président de l’entreprise, Wolfgang Stolzenberg, y avait dressé un portrait de la situation financière catastrophique de Castor Holdings, puis aurait profité de la confusion pour filer par une porte dérobée et sauter dans un avion pour l’Allemagne. Il y séjournerait toujours, malgré un mandat d’arrêt émis contre lui par la GRC en 2000.

Après une interminable série de procédures pré-procès, l’audition des poursuites civiles contre Coopers & Lybrand commence le 8 septembre 1998 devant le juge Paul Carrière. Ce dernier a consacré au procès l’essentiel de sa carrière de magistrat avant de se retirer pour cause de maladie, en 2006. Il a présidé plus de 1000 journées d’audition, mais la preuve de la défense n’a débuté qu’en 2005. Elle devait durer trois autres années.

Un expert-comptable appelé à la barre a témoigné à raison de quatre jours par semaine, dix mois par année, pendant quatre ans. Son seul contre-interrogatoire a occupé la moitié de cette période.

Le chroniqueur judiciaire Yves Boisvert a relaté en 2004 sa saisissante visite de l’antre du procès Castor Holdings au palais de justice de Montréal. Tous les bancs de la salle d’audience avaient été déboulonnés pour faire place à des classeurs, racontait-il, et le bureau du juge et ses dépendances croulaient sous la volumineuse preuve documentaire déposée pour analyse.

Le juge en chef de la Cour supérieure, François Rolland, a passé le relais à la juge Marie Saint-Pierre en septembre 2007, avec un échéancier serré. Deux ans maximum pour compléter la preuve et un jugement à rendre au plus tard à l’été 2010.

Requête en récusation

Le 19 septembre 2007, les avocats de Coopers & Lybrand avisent la juge Saint-Pierre qu’ils demandent sa récusation parce que ses deux enfants travaillent pour le cabinet Stikeman Elliott, lequel représente le syndic Richter & Associés dans la faillite de Castor Holdings.

La juge refuse de se récuser et sa décision est confirmée en appel.

Dans son jugement, le plus haut tribunal du Québec concède que les litiges entourant l’affaire Castor Holdings posent des questions sérieuses, mais il avance que la machine s’est emballée sans justification avec une avalanche de requêtes et de procédures soumises au fil des ans à la Cour supérieure, à la Cour d’appel et même à la Cour suprême du Canada.

« Certes, ces questions méritent un examen juridique approfondi au regard d’une preuve complète administrée par les parties devant un tribunal indépendant. Mais elles ne méritent pas que des ressources judiciaires hors de proportion avec la nature réelle du problème leur soient consacrées pendant plus d’une décennie… Il n’est pas exagéré de dire que l’affaire Castor Holdings constitue un cas exceptionnel dans les annales judiciaires du Québec, un véritable dérapage judiciaire. »

Aussi attendu soit-il, il serait étonnant que le jugement Saint-Pierre mette définitivement un terme à l’affaire Castor Holdings, considérant la nature de la bête.

Cet article a été publié sur Ruefrontenac.com. Il est reproduit ici avec l'autorisation de l'auteur.
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