La Presse

Maryse Bertrand, la négociatrice

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Rene Lewandowski

2007-10-12 13:31:00

Maryse Bertrand n'aurait jamais cru devenir avocate. Jeune, elle voulait plutôt être médecin, comme son père.

Mais comme elle avait deux ans d'avance dans son cheminement scolaire, elle a décidé, "en attendant", de tâter le droit. Et ne l'a jamais quitté.


"Le défi intellectuel du droit me stimule", dit l'associée de Davies Ward Phillips & Vineberg, 48 ans, alors qu'elle reçoit La Presse dans son bureau de Montréal où s'entassent des piles de dossiers.

Quelle décision! Embauchée en 1981 comme jeune avocate, elle est devenue en 25 ans l'un des meilleurs juristes au pays en droit des affaires.

Son nom figure régulièrement dans les classements des magazines spécialisés, notamment dans The World's Leading Lawyers (depuis 2002) de Chambers Global, qui la recommande comme avocate de pointe en matière de droit des sociétés et de fusions et acquisitions.

Mieux, c'est aussi dans ce cabinet qu'elle y a trouvé un mari, William Brock, lui aussi associé, en litige, avec qui elle a deux enfants.

Depuis quelques années, Maryse Bertrand vit à fond de train le boom des fusions et acquisitions.

Elle a tour à tour dirigé la fusion entre Abitibi-Consolidated et Bowater, l'acquisition de La Senza par The Limited Group, la privatisation de Ciment St-Laurent, la prise de contrôle d'InterTan (Radio Shack) par Circuit City, l'acquisition par Couche-Tard de la société The Circle K Corporation. Et à Montréal, elle fut pour son cabinet l'avocate principale pour BCE dans sa privatisation par Teachers.

En fait, depuis deux ans, elle a été tellement occupée qu'elle n'a pas pris une journée de vacances. "Sauf à Noël!"

Un pit-bull qui ne mord pas
Ses clients l'apprécient pour ses compétences techniques, mais surtout pour sa fougue et ses talents de négociatrice.

"Elle a les qualités d'un chef d'orchestre", dit Stéphanie Leclaire, avocate principale chez Abitibi-Consolidated, pour qui Maryse Bertrand a agi lors de sa fusion avec Bowater.

"Quand on va à la guerre, on veut l'avoir de son côté", ajoute Martine Turcotte.

La chef principal du service juridique de Bell Canada lui a d'ailleurs trouvé un sobriquet amusant: "Maryse est un pit-bull diplomatique!" dit-elle. Pit-bull, parce que durant une négociation, elle lâche rarement le morceau; diplomatique, parce qu'elle demeure toujours d'un calme désarmant qui déstabilise ses adversaires.

Ses concurrents la respectent au plus au point. "Une excellente négociatrice qui ne s'embourbe pas dans les faux problèmes. Avec Maryse, on arrive rapidement au but", dit l'associé d'Ogilvy Renault, Francis Legault, qui représentait Bowater lors des discussions de la fusion avec Abitibi-Consolidated.

Une transaction, c'est du gâteau!
Maryse Bertrand, elle, se voit plutôt comme un grand chef, capable de mélanger des ingrédients juridiques pour en faire des recettes sur mesure. "Dans le fond, les clients viennent nous voir pour qu'on leur fasse un gâteau!"

Cette année, sa plus belle pâtisserie est sans contredit la fusion entre Abitibi-Consolidated et Bowater, une pièce-montée de 4,3 milliards US. "Une transaction d'une grande complexité, particulièrement sur le plan fiscal", explique-t-elle.

En effet, parce que la transaction impliquait une entreprise canadienne possédant des filiales aux États-Unis avec une entreprise américaine possédant des filiales au Canada, le défi fiscal était considérable. "Il fallait trouver une structure corporative appropriée", dit-elle.

"C'est une "fusion d'égaux" qui combine les opérations des deux entreprises et leur permettra de réaliser des synergies de l'ordre de 250 millions US pour faire face à la concurrence dans ce milieu et à la consolidation de l'industrie."

Dans ce dossier, Maryse Bertrand fut impliquée dès le début, en septembre 2006, avant même que les deux entreprises se parlent.

Avec les dirigeants d'Abitibi, elle élabore en premier lieu une stratégie de discussions, qui incluait une foule de paramètres tels que le prix, la fiscalité, la gouvernance, le lieu du siège social, les aspects réglementaires, etc.

Elle convoque ensuite une première réunion avec Bowater, ce qu'elle appelle "la danse de la séduction".

Une fois l'intérêt commun confirmé, elle met en place une équipe d'une vingtaine d'avocats de son cabinet pour travailler au dossier. Quatre couloirs de spécialisation sont créés, en vérification diligente, en fiscalité, en gouvernance, et en structure corporative.

Chaque semaine, tout ce beau monde se réunit pour faire le point. "Ça me permet d'avoir en tout temps une vue d'ensemble sur l'évolution du dossier", explique-t-elle.

C'est elle qui se charge aussi de mobiliser des ressources juridiques aux États-Unis, en réquisitionnant les services du grand cabinet new-yorkais Paul, Weiss, Rifkind, Wharton & Garrison pour les aspects américains de la transaction.

Joint par courriel au Japon, où il est en voyage d'affaires, l'associé de ce cabinet, Toby S. Myerson, déclare que "Maryse Bertrand est l'un des meilleurs avocats qu'il a rencontrés en plus de 30 ans de pratique".

Maryse Bertrand est plus modeste. Et elle a encore des doutes. Après chaque transaction, elle s'impose d'ailleurs un exercice d'introspection où elle s'interroge si elle a bien agi, ou si elle aurait pu mieux faire.

Chose certaine, elle n'aura pas trop de temps pour méditer dans les prochains mois. Car même si le rythme des fusions et acquisitions est un peu moins fou ces temps-ci, l'avocate travaille présentement à une grosse transaction, dont elle ne peut évidemment pas dévoiler les détails.

Mais elle risque une prédiction: "Ça ne sera pas aussi gros que la privatisation de BCE, mais ça fera assurément les manchettes."
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