Procès Turcotte: Isabelle Gaston demande des changements

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La Presse Canadienne

2011-08-08 10:15:00

Isabelle Gaston a pris acte de la décision du jury, qui a déclaré son ancien conjoint, Guy Turcotte, non criminellement responsable des meurtres de ses deux jeunes enfants. Mais de là à dire qu'elle l'accepte, il y a un monde.

"Je respecterai toujours la décision que (le jury) a pris. Je suis amère, c'est certain. J'ai appris à vivre avec le verdict, mais je n'ai pas perdu le droit d'avoir une opinion. Ce verdict, c'est une autre injustice qu'Olivier et Anne-Sophie ont à subir, mais jusqu'à la fin de mes jours, je ne serai pas dans un mutisme", a-t-elle déclaré avec aplomb lors de son passage au palais de Justice de Montréal, où s'étaient réunies un peu plus de cent personnes.

Isabelle Gaston espèrent que des psychiatres seront mandatés pour évaluer les accusés plaidant l'aliénation
Isabelle Gaston espèrent que des psychiatres seront mandatés pour évaluer les accusés plaidant l'aliénation
Isabelle Gaston espère que dorénavant, dans des cas similaires, trois psychiatres indépendants soient mandatés pour évaluer les accusés qui plaident l'aliénation mentale en invoquant l'article 16 du Code criminel canadien, et que leurs conclusions soient fondées sur une vingtaine d'heures de rencontres avec l'accusé. Une séance de soixante minutes ne suffit pas à véritablement cerner un accusé, a-t-elle souligné.

Mme Gaston soutient par ailleurs que l'article 16 du Code criminel devrait être évoqué "dans de très, très rares occasions" et que le trouble d'adaptation avec humeur dépressive, qui a été diagnostiqué dans le cas de Guy Turcotte, en soit exclu _ d'autant plus que selon elle, Guy Turcotte n'était pas aux prises avec des problèmes psychiatriques lorsqu'il a commis l'irréparable.

Pour ses deux frères, Patrick et Raymond Gaston, il s'agissait carrément d'un acte de vengeance. "Il était lucide pendant qu'il a commis tous ses gestes. Il a eu un diagnostic de trouble d'adaptation avec humeur dépressive. Tous ceux qui se séparent vivent ça", s'est désolé Patrick Gaston.

"C'est injuste. D'après moi, c'est un pur acte de vengeance contre ma sœur, a ajouté son frère Raymond. C'était le seul moyen de l'atteindre, de s'en prendre aux enfants. Il n'était pas malade. Il était en maudit et il s'est vengé."

Isabelle Gaston s'est montrée touchée de voir autant de gens se présenter au palais de Justice, samedi matin, avec leurs chandails à l'effigie des deux jeunes victimes, leurs toutous en peluche et leurs pancartes dont les slogans témoignaient de l'indignation de ceux qui les transportaient à bout de bras.

"C'est plus qu'un léger baume. Parfois, ça a été la ligne entre continuer ou abandonner. Quand tu te culpabilises de ce qui est arrivé à tes enfants _ parce que je vais toujours m'en vouloir de ne pas avoir pensé que quelqu'un pourrait leur faire du mal _, d'avoir des gens qui te donnent des petites tapes sur les épaules et qui t'encouragent à continuer, ça fait la différence. En tout cas, dans ma balance à moi, ça a fait la différence."

Pour Me Hébert, les victimes ont déjà leur place dans les procès criminels
Pour Me Hébert, les victimes ont déjà leur place dans les procès criminels
Bruno Serre, dont la fille Brigitte a été assassinée dans une station-service en 2006, était venu témoigner de son soutien à l'endroit de Mme Gaston. Il est lui aussi en faveur d'une révision de l'article 16. "Il faut essayer de faire changer les lois. L'aliénation mentale, c'est vaste. On ne peut pas blâmer le jury, il a rendu la décision qu'il avait à rendre avec les outils qu'il avait. Mais le fait de leur laisser le choix de dire que (Guy Turcotte) a été fou sur l'instant... Tout tueur, je pense, est fou lorsqu'il commet un meurtre", a-t-il soutenu.

"Donc, cet article-là, il faut le rétrécir et le rendre moins vague pour que le jury soit dans une impasse lorsqu'il a une décision à rendre", a tranché M. Serre, qui s'implique maintenant au sein de l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues.

Quant à Laurie et Jim, les deux jeunes instigateurs de ce rassemblement, ils défendent l'idée que les victimes et leurs proches puissent être représentés par leur propre avocat au tribunal. Dans certains pays, notamment en France, les parties civiles ont le droit d'intervenir dans les procès criminels, ce qui n'est pas le cas dans notre système judiciaire.

"Le gros point négatif que je vois à cette façon de faire, c'est que lorsqu'on accuse quelqu'un, c'est son procès. C'est la personne accusée qui risque sa liberté. Ce n'est pas le procès de la victime, ce n'est pas le procès des intérêts des proches de la victime", nuance le Me Jean-Claude Hébert, spécialiste en droit criminel.

Selon Me Hébert, les victimes ont déjà leur place dans les procès criminels. Et partir du procès Turcotte est une "très mauvaise idée" pour faire la promotion de cette idée de réforme.

"Celle qui incarne la victime, c'est la mère des deux enfants (Isabelle Gaston). Elle a témoigné longuement comme témoin à charge. On ne peut pas imaginer ce qu'elle aurait pu dire de plus (...) pour que le point de vue de la victime soit devant le juge et le jury."

La jeune Laurie, âge de 14 ans, ne partage pas cette opinion. "S'il y avait trois avocats, il y aurait plus de preuves qui seraient présentées au jury, donc le jury pourrait prendre une décision plus éclairée et rendre un verdict qui ferait l'affaire de tous."

"Les victimes ne sont pas représentées dans un procès. Je pense qu'elles méritent leur place et qu'elles devraient être représentées, et qu'elles ont le droit d'être défendues", a poursuivi la cofondatrice de la page Facebook "Contre le verdict du procès de Guy Turcotte", que plus 23 000 personnes avaient rejoint en date de samedi après-midi.

C'est grâce à cette page que les manifestations populaires ont pris naissance. Samedi, dans plus d'une dizaine de villes au Québec, des rassemblements avaient été organisés pour dénoncer le verdict qui a été prononcé dans l'affaire Turcotte.

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