Le fisc réclame près de 300 000 $ à un caïd

Une enquête de l’Agence QMI a permis d’établir que les vérificateurs du fisc québécois ont découvert ces revenus cachés lors d’une opération conjointe menée avec la police de Montréal sur les produits de la criminalité. Cette enquête ciblait les finances personnelles du caïd, qui était alors le propriétaire ou le copropriétaire d’au moins deux entreprises.

Revenu Québec a depuis enregistré une hypothèque légale sur la vaste maison de Ducarme Joseph à Dollard-des-Ormeaux afin de récupérer les sommes qui lui sont dues. En mai dernier, un jugement de la cour supérieure évaluait ce montant à 290 992 $.

Nom de code : Projet NAPHTA

Portant le nom de code Projet NAPHTA, l’enquête policière a commencé en août 2009, selon une déclaration solennelle de la vérificatrice aux enquêtes spéciales de Revenu Québec, Chantal Corbin.

Dans un document déposé au tribunal lors des procédures pour faire inscrire l’hypothèque légale et dont QMI a obtenu copie, elle précise que Joseph n’a pas produit de déclarations d’impôt au Québec depuis 1998. Et, cette année-là, il a déclaré comme seul revenu ses prestations d’assurance-emploi, soit une somme de 8 932 $, écrit Mme Corbin.

En cours d’enquête, les vérificateurs ont également découvert que Joseph était le propriétaire ou le copropriétaire de deux entreprises qui devaient au moins 30 000 $ à Revenu Québec.

Impliqué dans les soins infirmiers?

La première entreprise, Santé Universelle Plus Inc, se présente comme une « agence de placement personnel en soins infirmiers ».

Ducarme Joseph est identifié comme vice-président et deuxième actionnaire, selon ce qui a été inscrit au registre des entreprises. L’adresse du siège social de l’entreprise enregistrée est le 2 400, rue Sauvé Est. Ce petit immeuble abrite également une entreprise de services financiers, qui offre des services de transfert d’argent vers les Caraïbes et les paradis fiscaux que sont les îles Turks et Caïcos. Revenu Québec affirme que Santé Universelle Plus n'a jamais produit de déclaration de revenus; les vérificateurs estiment néanmoins que cette entreprise doit 20 000 $ au gouvernement.

Les informations au dossier ne permettent cependant pas de déterminer avec certitude si le chef de gang a vraiment été impliqué dans le secteur de personnel infirmier temporaire.

La boutique a été fermée

La seconde compagnie liée à Joseph porte le numéro 9193-7045 Québec Inc, mieux connue comme la boutique de vêtements Flawnego sur la rue Saint-Jacques Ouest, dans le Vieux-Montréal. C’est là qu’un homme armé a tenté d’abattre le caïd en 2010. Joseph était sorti indemne de la fusillade, mais un garde du corps avait été tué.

Revenu Québec affirme que la boutique, maintenant vidée de son contenu après avoir été presque tout le temps fermée depuis l'attentat, doit 10 000 $ au gouvernement.

L’avocat montréalais Philip Fine, qui représente Joseph dans une autre cause devant les tribunaux, a refusé de commenter.

« Pourquoi ne le laissez-vous pas tranquille? », a-t-il lancé.

Revenu Québec doit veiller à ce que tous les contribuables, même les « gangsters », déclarent intégralement leurs revenus et doit effectuer des vérifications lorsque cela s’impose.

La banque aussi à ses trousses

La Banque HSBC Canada, une filiale du géant bancaire mondial, a effectivement déposé une procédure judiciaire en Cour supérieure du Québec afin de prendre possession de la luxueuse maison de Joseph, située à Dollard-des-Ormeaux, en banlieue de Montréal.

L’avocat Marc Savoie, qui représente la HSBC, allègue dans des documents judiciaires que Joseph est en retard de 10 mois sur le paiement de son hypothèque de 1 million $. Le prêt exige des versements mensuels de 4 912 $, mais il n'a rien payé entre octobre 2010 et juillet 2011, affirme Me Savoie.

Ducarme Joseph et ses proches font donc maintenant face à l'expulsion de leur résidence de la rue Radisson.
« Je ne pense pas vraiment que c'est digne d'intérêt, pour être honnête », a lancé Me Philip Fine, qui représente Joseph et son ex-femme, la créatrice de mode Cheryl Ann Bailey.

La banque paie les taxes

HSBC a également révélé que ce sont les représentants de la banque, et non pas Joseph ou ses associés, qui ont discrètement payé les taxes municipales de 52 000 $ en 2010 pour éviter la saisie de la maison pour non-paiement des taxes foncières.
L’Agence QMI avait révélé l'an dernier que la résidence cossue du 64 rue Radisson avait été mise en vente pour la somme de 1,6 million $, après que Joseph se soit retrouvé en prison à la suite de la tentative ratée d’assassinat contre lui. On lui reprochait alors d’avoir violé ses conditions de probation.

La propriété n’apparaît plus sur le site de l'Association canadienne de l'immeuble, aussi connu sous le signe MLS. HSBC cherche désormais à obtenir une ordonnance du tribunal, afin de mettre la maison sur le marché au prix de 801 225 $, ce qui équivaut à 75 % de l’évaluation foncière (1 068 300 $). Ducarme Joseph a jusqu’au 15 novembre pour répliquer à la procédure intentée par la banque.

De mystérieuses transactions?

Trois curieuses transactions concernant la luxueuse résidence de Ducarme Joseph, à Dollard-des-Ormeaux, ont fait en sorte que son prix de vente a plus que doublé entre 2006 et 2008.

Joseph est devenu officiellement propriétaire de la maison le 8 septembre 2009, selon le Registre foncier du Québec. Or, dans une demande de carte de crédit électronique soumise à la banque HSBC en août 2008, le chef de gang indique être propriétaire et habiter la résidence de la rue Radisson depuis janvier 2006.

Pourquoi toutes ces transactions si Joseph était déjà propriétaire de la maison? Son avocat nous a coupé la ligne avant même qu’on puisse lui poser la question.