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Commission Charbonneau : un dangereux précédent
Agence Qmi
2011-11-08 11:15:00
En déclenchant la commission Charbonneau sur la corruption dans l’industrie de la construction, le gouvernement Charest a mis à mal la magistrature et tout l’appareil judiciaire, selon des ex-ministres.
« J’imagine mal qu’on puisse demander une telle chose à la magistrature », a commenté Linda Goupil, qui fut ministre de la Justice de 1998 à 2001 sous le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard.
La séparation qui doit exister entre les pouvoirs judiciaire et politique doit être à ce point étanche qu’un juge n’a pas à demander quoi que ce soit au gouvernement.
« Il a la pleine liberté d’agir dans la mesure où il a le mandat de le faire », a précisé Me Goupil.
Aux yeux de Marc Bellemare, ministre de la Justice de 2003 à 2004, si jamais la juge Charbonneau s’adresse au gouvernement pour réclamer des pouvoirs additionnels, un « lien malsain » se créera aussitôt entre la commission et l’exécutif du gouvernement, ce qui nuira inévitablement à sa très nécessaire indépendance.
« Surtout quand on considère la nature de son mandat, qui consiste à enquêter sur les mafieux de la construction et leurs liens avec le PLQ (notamment), l’apparence d’impartialité et d’indépendance doit être absolue et manifeste. Charest veut tout contrôler et le jupon dépasse », a-t-il insisté.
« Fausser les apparences »
L’exercice enclenché par le gouvernement Charest risque de fausser certaines apparences aux yeux de la population, craignent Mme Goupil et M. Bellemare.
« Cette mécanique de quêteux la (France Charbonneau) discrédite comme elle mine la crédibilité du système judiciaire que le simple citoyen veut indépendant, et pour cause. Cela ne veut pas dire que le gouvernement n’est pas sollicité sur des questions cléricales comme une prolongation du mandat ou l’embauche d’un procureur ou sa rémunération. Mais certainement pas sur ce qui est au cœur de son autorité, comme l’immunité et les pouvoirs d’enquête. Cela prouve que Charest, pourtant avocat de formation et membre du Barreau, ne comprend rien à la justice. Il mandate une juge de la Cour supérieure et la traite comme la dernière des fonctionnaires », a soutenu l’ex-ministre libéral.
Compétence et crédibilité
L’ancienne députée de Lévis était ministre de la Justice quand France Charbonneau travaillait pour le ministère public au procès qui s’est soldé par une longue peine d’emprisonnement pour Maurice « Mom » Boucher.
« C’est une juriste d’une intelligence supérieure qui a une crédibilité extraordinaire. Je trouve triste que ce questionnement existe alors que la compétence et la crédibilité sont au rendez-vous. »
Mme Goupil présume que la juge France Charbonneau croyait, au moment où elle a accepté de présider la commission d’enquête, qu’elle pourrait agir en vertu de la Loi sur les commissions d’enquête.
« Lorsqu’un juge est appelé à présider une commission d’enquête, il a la présomption que les pouvoirs de la loi viennent avec. Moi, quand j’appelais quelqu’un et que je lui demandais quelque chose, j’avais pas à expliquer tout le détail en long et en large. Mon vis-à-vis s’attendait à ce que je lui donne tout le coffre à outils, pas juste une partie. »
Quant à la juge Charbonneau, elle s’est murée dans le silence. Tous les messages à son bureau sont restés sans réponse.
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