La Presse

La justice à moindre coût

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Rene Lewandowski

2007-11-21 12:49:00

Trop chère, la justice? C'est vrai: seuls les riches ou les personnes vivant dans une extrême pauvreté y ont accès. Il existe pourtant de nombreux moyens méconnus pour obtenir justice sans se ruiner

Un cas classique. Sisi Ramos, de Montréal, croyait bien avoir droit à l'aide juridique, en mai dernier, lorsqu'elle a voulu divorcer et obtenir une pension alimentaire de son ex. Avec trois enfants à charge, un maigre salaire de 23 000$ par année - plus ses prestations d'assurance-emploi -, cette cuisinière du Centre Bell, qui ne travaille que l'hiver, était convaincue qu'elle n'aurait rien à débourser en frais juridiques.

Erreur! Parce que son revenu dépassait le seuil d'admissibilité, l'aide juridique lui réclamait une contribution de 700$ pour s'occuper de son dossier, une somme qu'elle ne possédait pas. "Après le loyer, la nourriture et les dépenses des enfants, il ne me reste rien à la fin du mois", dit cette femme de 35 ans qui n'a toujours pas divorcé et qui a un peu perdu confiance en la justice, qu'elle trouve inaccessible.

Actuellement, une personne seule doit gagner moins de 10 504$ par an et posséder moins de 2500$ dans son compte de banque pour obtenir l'aide juridique gratuite. Pour un couple avec deux enfants et plus, les barèmes sont respectivement de 19 042$ et 5000$. La valeur des biens ne doit pas dépasser 47 500$ pour un locataire ou 90 000$ pour un propriétaire

"L'aide juridique est une farce!" dit Me Miville Tremblay, qui estime comme à peu près tous les acteurs juridiques que les seuils d'admissibilité devraient être haussés.

Cela dit, en attendant que le législateur agisse, ce médiateur professionnel et bâtonnier de l'Outaouais a un message pour Mme Ramos et tous les Québécois qui ont perdu espoir dans le système judiciaire: malgré les apparences, dit-il, il est encore possible de trouver des solutions à moindre coût pour obtenir justice.

Comment? En s'informant davantage, en posant les bonnes questions, en privilégiant la prévention, en utilisant des outils comme la médiation et l'arbitrage, en choisissant le bon avocat, en s'initiant à la justice collaborative et même en s'assurant contre les risques de poursuites judiciaires!

Le problème, c'est que beaucoup de gens renoncent à l'exercice de leurs droits avant même de commencer parce qu'ils pensent que ça leur coûtera trop cher, soutient Miville Tremblay. "Les avocats doivent combattre ce préjugé défavorable."

C'est justement l'objet de ce dossier.

CONSEILS ET OUTILS POUR OBTENIR JUSTICE

Avant d'intenter des poursuites ou de renoncer à vos droits, suivez ces quelques conseils.

Informez-vous

Ça paraît évident, mais bien des gens renoncent à l'exercice de leurs droits simplement parce qu'ils manquent d'information ou, pire, parce qu'ils ne prennent pas le temps de s'informer.

Ils ont l'impression qu'ils n'ont pas les moyens de payer un avocat ou de financer les coûts d'un long délai.

Or, il existe au Québec une foule de ressources permettant de se tenir à jour et d'être mieux armé juridiquement. À commencer par le Barreau, qui se fera un plaisir de répondre à vos questions et de vous guider vers les bonnes ressources.

À Montréal, l'Association du jeune Barreau de Montréal (AJBM), qui regroupe près de 4000 avocats de moins de 10 ans de pratique, est particulièrement efficace. Elle offre notamment chaque année, en mai, une service de consultation téléphonique qui vous permet de composer un numéro sans frais et de poser n'importe quelle question à un avocat.

Un des points de départ de toute démarche juridique est le site Educaloi.qc.ca.

Cet organisme à but non lucratif s'est donné pour mission d'informer les Québécois de leurs droits et obligations en mettant à leur disposition de l'information juridique de qualité dans un langage simple et accessible. Les sujets sont regroupés par thèmes (famille, travail et affaires, droit criminel et pénal, consommation et finances, etc.), ce qui rend la visite conviviale et simple.

Prévenir avant de guérir

Évidemment, si vous êtes en instance de divorce et que vous recevez mise en demeure sur mise en demeure, il est probablement trop tard pour suivre ce conseil. La prochaine fois, peut-être!

Mais si tout va bien dans votre vie, prenez le temps de consulter avant de prendre une décision importante. Vous voulez acheter ou vendre une maison? Demandez à un avocat qu'il vous explique tous les tenants et aboutissants des vices cachés.

Même chose si vous vous apprêtez à convoler en justes noces ou à vous lancer en affaires avec un ou plusieurs associés. Ces quelques centaines de dollars seront de l'argent bien dépensé, qui pourrait en bout de piste vous en faire épargner bien davantage.

"La prévention en justice, c'est comme prendre soin de sa santé, dit Miville Tremblay. Ça évite les gros problèmes plus tard."

Consultez avant de procéder

Avant de vous lancer dans une procédure à l'emporte-pièce, consultez un avocat presque gratuitement!

Depuis quelques années, le Barreau du Québec offre en effet un service de consultation avec un avocat, dont les 30 premières minutes sont à prix modique ou sans frais.

Près de 2000 avocats de différentes régions du Québec et offrent ces services. Le Barreau vous suggère toutefois de toujours clarifier à l'avance les honoraires avec l'avocat une fois la première demi-heure passée, car les honoraires facturés par la suite seront généralement plus élevés.

Optez pour la médiation...

Si vous avez connu un divorce, vous connaissez probablement la médiation, qui permet à deux parties de régler un litige grâce à l'assistance d'un médiateur indépendant.

Ce que peu de gens savent, toutefois, c'est que l'on peut recourir à la médiation dans tous genres de litiges. Qu'il s'agisse d'un problème avec votre voisin, d'un vice caché, de la non-exécution d'un contrat, d'un conflit entre actionnaires, il est possible de régler un litige dans des délais beaucoup plus courts et pour beaucoup moins cher que si l'on se retrouve au tribunal.

Seule obligation: les parties doivent être d'accord tant sur le moyen que sur le choix du médiateur. Puisque les deux parties partagent les coûts, cette méthode permet littéralement de diviser les frais par deux, dit Miville Tremblay.

Mieux, dans certains cas, le gouvernement du Québec va payer les frais du médiateur (généralement de trois à six heures). Et encore mieux, l'entente intervenue lie les deux parties: elle est donc exécutoire en cour.

Le site du Barreau du Québec permet de trouver un avocat-médiateur selon votre région et le type de causes: droit civil et commercial, droit familial, petite créances.

... ou pour l'arbitrage

C'est le même principe que la médiation, sauf que c'est l'arbitre qui prend la décision après avoir entendu les parties. C'est un peu comme un mini-procès, mais avec des délais plus courts et des coûts moindres.

L'arbitrage coûte plus cher que la médiation, mais, fait intéressant, la plupart des palais de justice offrent des salles d'audience gratuitement.

À noter cependant que l'arbitrage ne s'applique qu'à des causes civiles et commerciales, et non au droit familial.

Les décisions de l'arbitre sont entérinées par la cour.

... ou pour les deux!

Ça s'appelle le med-arb, pour médiation et arbitrage.

Il s'agit d'un processus qui débute avec une médiation, mais les parties se sont entendues pour que, en cas d'impasse, le médiateur devienne arbitre, avec pouvoir décisionnel.

Le droit collaboratif

C'est de plus en plus populaire aux États-Unis, mais assez nouveau au Québec. La méthode est simple mais efficace, car elle met l'accent sur la négociation: les parties et leurs avocats s'engagent à négocier jusqu'à la conclusion d'une entente. Mais, un peu comme dans Loft Story, il y a une conséquence en cas d'impasse: les avocats des parties doivent se retirer.

"Ça met de la pression à la fois sur les parties et sur les avocats pour trouver une entente", explique Miville Tremblay. En effet, les opposants ne veulent pas se retrouver dans une situation où ils auront à chercher un nouvel avocat, et les avocats ne veulent vraiment pas se retirer d'un dossier. Les négociations peuvent durer de quelques heures à quelques rencontres.

L'assurance

Pierre Gagnon, de Québec, est un avocat prévoyant.

Il y a quelques années, il a souscrit à une assurance juridique, juste au cas où. Il ne pensait pas en avoir besoin, jusqu'au jour où la copropriété dont il fait partie a dû poursuivre un de ses membres. Son assureur a alors pris le relais et a couvert tous ses frais juridiques.

"Contrairement aux autres propriétaires, ça ne m'a rien coûté!" dit-il. Pour seulement 4$ par mois, vous aussi pourriez vous assurer.

En fait, si vous êtes propriétaire, il est probable que votre assurance habitation contient un avenant; sinon, faites-en la demande à votre courtier.

Avec ce type d'assurance, on peut couvrir à peu près tous les risques juridiques - sauf les causes criminelles. L'assureur paie les frais d'avocats et d'experts en cas de besoin.

La plupart des polices d'assurance sont limitées à 5000$ par litige et à trois litiges par année. En augmentant les primes, on peut toutefois hausser ces limites.

Le site de l'assurance juridique (www.assurancejuridique.ca) dresse une liste d'assureurs qui offrent ce service.
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