La Presse

Small is beautiful

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Rene Lewandowski

2007-11-23 09:25:00

L'avocat James Woods a un pif d'enfer. En 1982, alors qu'il venait à peine d'être nommé associé au bureau de Toronto de Stikeman Elliott, il s'est rendu compte que de minuscules cabinets spécialisés en droit criminel y poussaient comme des champignons et connaissaient un vif succès.

Il a donc décidé de s'exiler à Montréal pour reproduire le modèle et y fonder son propre bureau. Pas en droit criminel, mais en litige civil et commercial.

"À Montréal, il n'y avait à l'époque que des grands et petits cabinets généralistes, explique l'homme de 59 ans. J'y ai vu l'occasion de développer une niche qui n'existait pas."

Quelle décision! Car en 25 ans, même si le cabinet qui porte son nom est toujours petit -il ne compte que 18 avocats-, James Woods est devenu l'un des plaideurs les plus en vue au pays. Le magazine LEXPERT le classe dans son guide annuel des 500 meilleurs avocats au Canada. Les grandes entreprises font appel à ses services, et il participe régulièrement aux plus grandes causes. Présentement, il représente Teachers -pour tout ce qui touche les aspects litigieux au Québec- dans son offre d'achat de BCE.

Alors que la consolidation de l'industrie juridique se poursuit et que les grands cabinets deviennent de plus en plus gros, les cabinets boutiques comme celui de James Woods connaissent une croissance époustouflante.

Ces cabinets regroupent un certain nombre d'avocats spécialisés dans un domaine de droit bien particulier. Ils sont au monde juridique ce que les épiceries de produits fins sont à l'industrie alimentaire, en opposition aux grands cabinets qui ressemblent davantage à des supermarchés du droit.

Des pros dans leur domaine
On les retrouve surtout dans les secteurs du litige, du droit de la propriété intellectuelle et du droit du travail. Mais on en dégote aussi en droit de la construction ou dans des créneaux hyperspécialisés comme le droit de l'environnement, l'insolvabilité ou le transport. En 2006, le magazine Canadian Lawyer en a répertorié 52 au Canada, surtout à Toronto.

Certains domaines du droit se prêtent toutefois peu à ce modèle d'affaires. En fusions et acquisitions, par exemple, on en retrouve peu ou pas. "Parce que ce genre de transactions requièrent une armée d'avocats et beaucoup de ressources que les boutiques ne possèdent pas", explique la directrice de ZSA Montréal, Dominique Tardif.

Cela dit, il ne faut pas confondre les cabinets boutiques avec les petits cabinets généralistes. "Les premiers sont des experts d'un seul domaine alors que les seconds touchent à pleins de secteurs", explique la présidente de la firme de recrutement juridique Shore & Associés, Barbara Shore.

Les boutiques peuvent ainsi compter aussi peu que cinq ou six avocats, mais quelques-unes à Toronto en ont jusqu'à 50. Et aux États-Unis, certaines regroupent plus de 150 avocats!

Au Canada, certaines boutiques ont même des succursales dans tout le pays. Bereskin & Parr, spécialisée en propriété intellectuelle, a des bureaux à Montréal, Toronto, Mississauga et Waterloo. Tout comme Smart & Biggar Fetherstonhaugh, aussi en propriété intellectuelle, présente à Montréal, Ottawa, Toronto et Vancouver.

Vive les conflits d'intérêts!
À Montréal, la stratégie de James Woods a fait des petits. Il y a 10 ans, Doug Mitchell et son collègue Colin Irving ont ainsi quitté McMaster Meighen (devenu depuis BLG) pour fonder à Montréal Irving Mitchell Kalichman, également spécialisé en litige. "On a réalisé qu'on pouvait profiter des conflits d'intérêts dans les grands cabinets pour obtenir des mandats", explique Doug Mitchell.

Il y a conflit d'intérêts lorsqu'un client se présente dans un cabinet et que ce dernier ne peut le servir parce qu'il sert déjà un autre client concurrent. Avec la consolidation de l'industrie, les conflits d'intérêts sont d'ailleurs de plus en plus nombreux, et les grands cabinets sont heureux de pouvoir envoyer ailleurs un client potentiel pour le dépanner.

"C'est pratique de compter sur des avocats compétents pour bien servir nos clients", dit l'associé Jean Bertrand, d'Ogilvy Renault.

James Woods estime que 30% de ses mandats lui viennent de grands cabinets qui recommandent son bureau. Chez Irving Mitchell Kalichman, c'est près de la moitié.

Pour obtenir ces mandats, les boutiques doivent cependant respecter une règle d'or: ne jamais solliciter les clients référés pour d'autres dossiers, car les grands cabinets ne veulent pas se voir chiper leur clientèle. "À moins d'avoir l'autorisation du cabinet", précise Daniel Belleau.

En 2001, Daniel Belleau a troqué un poste d'associé chez Davies Ward Phillips & Vineberg pour fonder, avec Benoît Lapointe, la boutique Belleau Lapointe, spécialisée en litige. Ils ne sont que six avocats dans leur bureau du Vieux-Montréal, mais cela ne les empêche pas de toucher à de très gros dossiers, comme celui du recours collectif de 2 milliards de dollars entamé contre Nortel par des actionnaires mécontents.

Dans certains grands cabinets, on utilise les boutiques pour servir la clientèle dans un domaine de droit que l'on ne couvre pas. Chez Osler, par exemple, on n'a pas de département en droit du travail. On préfère alors envoyer les mandats chez Loranger Marcoux, boutique de Montréal de 13 avocats spécialisés.

"L'avantage pour Osler, c'est que l'on ne les concurrencera jamais dans leurs champs d'expertise", dit Jean-Claude Turcotte, associé de Loranger Marcoux.

Il arrive aussi que les grands cabinets réfèrent des mandats pour des raisons d'affaires. Ainsi, aucun grand cabinet ne prendrait le risque de représenter un client dans une poursuite contre une grande banque canadienne. Ni contre la Caisse de dépôt d'ailleurs, qui distribue ses mandats juridiques à une foule de cabinets.

Dans ces cas-là, les grands cabinets préfèrent passer leur tour, envoyer le mandat à une boutique, plutôt que de courir le risque de poursuivre un client important ou un gros client potentiel.

En 25 ans de carrière, James Woods a ainsi poursuivi la Caisse une dizaine de fois!
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1 commentaire

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 16 ans
    James Woods
    James Woods était associé de Stikeman en 1982 au bureau de Montréal et non pas celui de Toronto

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