Entrevues

Causerie PPP avec Pierre Lefebvre

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Amélia Salehabadi

2007-11-26 14:00:00

Pierre Lefebvre, PDG de l’Agence des partenariats public-privé du Québec a accordé un long entretien sur les PPP à Me Amélia Salehabadi, dans le cadre de la publication de son livre sur le sujet aux Éditions Wilson Lafleur, début 2008.

En avant-première nous publions ici un compte-rendu de l’entretien.

Lors de l’entretien, Pierre Lefebvre revenait tout juste de Paris où il avait participé au 6ième forum annuel des PPP.

Pour partir l’entretien du bon pied, nous n’avons pas manqué de lui faire part des éloges que nous avions recueillis à son sujet, lors de notre passage subséquente dans la ville lumière!

La place des avocats : contestée
Pierre Lefebvre, avocat de formation et un brin provocateur, a commencé sa conférence à Paris en affirmant : « Si en France, les conférences PPP sont fréquentées à plus de 75 % par des juristes, cela va très mal pour ce pays! L'analyse de l'opportunité de faire un PPP doit avant tout reposer sur des ingénieurs et des financiers et non pas sur des avocats. En France, le droit des PPP est un boulet. L’Ordonnance de 2004 en France régit trop strictement les conditions des PPP, en instaurant des critères contraignants comme l'urgence et la complexité. Fait encore plus troublant de l’implication du pouvoir judiciaire dans l’hexagone est le pouvoir dont dispose un juge pour dénoncer un contrat sous forme de PPP. Il peut, en effet écarter des clauses commerciales négociées et les remplacer par des termes qui lui semblent plus appropriés. Au Québec, notre gouvernement a spécifiquement décidé de ne pas légiférer en la matière».

Cas concret
L’exemple du transfert du risque acoustique au privé, dans le cadre du projet de la nouvelle salle de concert de l’Orchestre Symphonique de Montréal, a été analysé par le PDG de l’Agence. Pour Pierre Lefebvre, une évidence s’est imposée à la suite de l’étude approfondie de cette question: le public ne peut transférer au privé un engagement si subjectif.

Le rôle des banquiers : les européens plus innovateurs
Le rôle bien plus actif des banquiers européens comparé aux frileux banquiers canadiens, a été abordé : Pierre Lefebvre a raconté à ce propos une anecdote révélatrice. Il déjeunait récemment avec le PDG d'une grande banque canadienne. Ce dernier lui aurait confié : « écoutez, notre banque a décidé d'investir dorénavant dans les PPP et le financement de projets. Nous avons mis de côté une partie de nos actifs, soit 200 millions de dollars pour démontrer notre sérieux ». Voilà l’exemple d’un certain manque d’envergure des banquiers canadiens à propos de financement de projets complexes.

Malaise envers les PPP : les francophones champions du monde?
Quelques mots sur le malaise que provoquent les PPP en France aussi bien qu’au Québec. Claude Martinand, président de l'Institut de la gestion déléguée (IGD) en France aurait lancé cette boutade « on peut rêver qu'un jour, au lieu de demander à ceux qui recourent aux PPP de justifier ce recours, de demander, au contraire, à ceux qui recourent aux procédures classiques de les justifier ».

Pierre Lefebvre a souligné de son côté, que cette approche existe déjà en Colombie-Britannique où tout projet de plus de 20 millions de dollars canadiens doit être fait sous forme de PPP à moins de la preuve contraire.

La question qui tue : peut-on parler d’un malaise des sociétés francophones, puisque ce besoin de se justifier ad nauseam, ne semble pas faire partie de la culture anglophone? En effet, ce besoin est beaucoup moins prononcé en Grande-Bretagne et dans le reste du Canada.

Est-ce la langue française qui ne souffrirait tout simplement pas la juxtaposition des mots « publics-privés »? Pierre Lefebvre, sans insister outre mesure sur la culpabilité judéo-chrétienne dont semblent souffrir à la fois le Québec et la France, reconnaît qu’il existe bel et bien, une certaine méfiance francophone vis-à-vis du concept PPP. Ne nous leurrons pas, avertit Pierre Lefebvre : « Lorsque ces projets ne sont pas réalisés sous forme de PPP, ils sont néanmoins, d’une façon ou d’une autre, confiés au privé par le biais de la sous-traitance, tout cela sans les balises d'une concurrence loyale, d’une transparence et d’une impunité qu’offrent les PPP. »

Avenir des PPP
Pierre Lefebvre doute que l'Agence ou les projets PPP puissent être remis en question par un éventuel nouveau gouvernement. C’est en effet sous le gouvernement du parti québécois, que la direction des partenariats d'affaires a vu le jour. Par ailleurs, la seule critique émanant de la partie d’opposition officielle, l’ADQ, à propos du mandat confié à l’Agence, serait que ses pouvoirs sont trop limités!

Et le soutien des politiques…
Nicolas Sarkozy, dans une lettre officielle adressée le 1er octobre dernier à son premier ministre, François Fillion, insiste sur l’importance de développer et de faciliter davantage les projets PPP. À la question si l’Agence avait un appui aussi soutenu du gouvernement québécois, Pierre Lefebvre s’est fait très rassurant en soulignant l’appui dont le Premier ministre Jean Charest et la Ministre de tutelle de l’Agence Madame Jérôme-Forget lui témoignaient en toute occasion.

Et si le toit du stade olympique…
…avait été fait en PPP, aurait-on pu éviter le fiasco financier et technique? Sans l’ombre d’un doute pour le PDG de l’Agence. Le toit n’aurait jamais été construit tel qu’il l’est; aucune partie privée n’aurait accepté d’assumer un tel risque insensé!

Le mot de la fin revient à Pierre Lefebvre qui résume ainsi le pourquoi d'un projet PPP : « le projet se fait dans le temps avec les budgets et l’expertise convenus. A contrario, le métro de Laval est un illustre exemple de dépassements de coûts et de délais. Il n'a pas été réalisé sous forme de PPP. Qui peut dire comment l’histoire se serait passée si ça avait été le cas ? »
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2 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 16 ans
    PPP... pourquoi pas?
    Amélia a développé un réel talent pour l'entretien. J'ai hâte au livre...

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 16 ans
      Re : PPP... pourquoi pas?
      > Merci! on sera deux: vous et moi!
      Amélia

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