Comment les positions du Barreau du Québec sont-elles définies?

Main image

Claude Provencher

2012-05-25 08:30:00

Voilà une question qui a été transmise plusieurs fois dans la dernière semaine au Directeur général du Barreau du Québec, Me Claude Provencher, à la suite de la prise de position publique du Barreau à l’égard du projet de loi 78, qui a fait l’objet de débats fortement polarisés dans l’opinion publique. Le DG répond...

Chaque année, en moyenne à plus de 60 reprises, le Barreau du Québec prend position publiquement à l’égard de projets de loi ou lors de débats publics. Ses interventions prennent la forme de mémoires ou de lettres, adressés principalement à l’Assemblée nationale, à la Chambre des communes, aux ministres fédéral et provincial de la Justice et aux ministres responsables de chacune des lois, ou encore d’interventions judiciaires ou de communiqués de presse. Historiquement, le Barreau est intervenu dans plusieurs débats sociaux comme le débat sur les soins de fin de vie, sur le mariage entre conjoints de même sexe ou sur l’avortement.

Le Barreau est un ordre professionnel

Les prises de position du Barreau se font toujours dans le respect de la mission que lui confère la loi, soit la protection du public (voir Code des professions, Loi sur le Barreau). En ce sens, son rôle diffère d’organisations de nature associative où l’adhésion est volontaire et dont la mission est de représenter les intérêts des membres. Son énoncé de mission, largement diffusé, est le suivant :

"Afin d’assurer la protection du public, le Barreau du Québec maximise les liens de confiance entre les avocats et les avocates, le public et l’État. Pour ce faire, le Barreau surveille l’exercice de la profession, fait la promotion de la primauté du droit, valorise la profession et soutient les membres dans l’exercice du droit."

On définit généralement la primauté du droit comme un concept purement juridique, mais elle a aussi une dimension politique procédant d’une conception particulière des rapports entre l’État, les individus, la société civile et le marché. Puisque le droit touche à tous les aspects de la vie en société, le droit dans son ensemble évolue pour répondre aux besoins fondamentaux de la société. Dans ce contexte, la primauté du droit aux yeux du Barreau sert de principe directeur pour faire évoluer la société dans le sens des valeurs de liberté, de démocratie et de dignité de la personne humaine véhiculées dans nos chartes. La vision de la primauté du droit adoptée dans notre Bilan de l’état de droit, rendu public en janvier dernier, se réfère à cette conception politique, qui est plus large que celle donnée à ce concept dans la jurisprudence et la doctrine classique.

Le processus qui mène à la prise de position

Les positions du Barreau sont le résultat d’un vaste travail effectué par des membres qui composent nos comités consultatifs et statutaires et la permanence de l’Ordre. Le Barreau compte une cinquantaine de comités consultatifs. Ils sont formés de membres bénévoles, provenant de tous les horizons, et qui participent à ces comités en raison de leur expertise dans un domaine donné. Ces membres sont nommés par le Comité exécutif du Barreau. Chaque année, un appel à tous est effectué par l’entremise du Journal du Barreau et du site Web pour recruter des candidats selon certains critères. Ce sont les membres de ces comités consultatifs qui analysent les projets de législation, avec l’aide des avocats du Service de recherche et législation du Barreau. Leur appui est inestimable et leur engagement à l’égard de la défense de la primauté du droit indéfectible. Les recommandations de ces comités à l’égard d’une position publique sont acheminées au Comité exécutif pour décision. Le Comité exécutif, rappelons-le, est composé de 12 membres élus provenant de Montréal, de Québec et de la province. Si on compte les membres des comités consultés, les avocats du Service de recherche, ceux de la direction générale et les avocats membres de notre Comité exécutif, il n’est pas rare de qu’une position donnée soit le résultat du travail de plus d’une trentaine d’avocats chevronnés.

Ces positions sont par la suite transmises en langage clair à l’intention de tous les intervenants au débat. Le directeur général et le bâtonnier portent publiquement ces positions à titre de porte-parole de l’Ordre.

À la lumière de ce processus, l’idée véhiculée ou perçue que le bâtonnier décide seul de la position à adopter mérite d’être rectifiée. Les positions du Barreau sont le fruit d’un processus transparent ou des membres élus démocratiquement décident des prises de position publiques en s’appuyant sur l’expertise de membres bénévoles œuvrant au sein de divers comités.

Le projet de loi 78

C’est après avoir attentivement analysé la situation et mûrement réfléchi à la valeur ajoutée que le Barreau pourrait apporter au débat que le Comité exécutif, après consultation de ses comités consultatifs, a décidé de contribuer au débat entourant le conflit étudiant et le projet de loi 78.

Comme le mentionnait notre vice-président, Me Nicolas Plourde, dans une communication à un membre, « Je tiens à vous rappeler que les interventions du Barreau du Québec sont toujours motivées par un certain nombre de principes, dont la protection du public, la promotion de la primauté du droit et l’importance de maximiser les liens de confiance entre les avocats, le public et l’État. Ce sont ces valeurs qui ont guidé le Barreau dans son intervention ». Si vous relisez attentivement les communiqués émis par le Barreau, vous remarquerez que l’intervention de l’Ordre se résume à un appel au respect de la primauté du droit dans son sens large, tel que cité ci-haut, au respect mutuel et à la médiation. Et cela n’est pas sans rappeler ce qu’écrivait, en 1997, le bâtonnier Claude Masse :

« Malgré toutes ses responsabilités quotidiennes, le Barreau du Québec doit garder sa place dans les débats publics sur les enjeux juridiques. Il est l’un des seuls à pouvoir le faire librement face aux pouvoirs publics. Cette liberté de parole est essentielle pour préserver l’équilibre social, l’indépendance judiciaire et la primauté de la règle de droit dans notre société. On doit dire haut et fort que le Barreau du Québec est libre face aux pouvoirs publics et qu’il doit le rester plus que jamais. »

Nous avons reçu un volume imposant de communications de citoyens et de membres du Barreau, contenant des points de vue divers, favorables, défavorables ou nuancés quant à la position publique du Barreau à l’égard du projet de loi 78. Nous sommes heureux de recevoir vos commentaires et nous vous remercions d’avoir pris le temps de nous les faire parvenir. Tout comme je le faisais en janvier 2011, je vous invite, si vous souhaitez participer activement aux prises de position de l’Ordre, à démontrer votre intérêt à participer à l’un ou à l’autre de nos comités statutaires ou consultatifs. Votre participation a une valeur inestimable tant par le nombre d’heures que vous donnez que par l’expertise que vous mettez à notre disposition.

Note
Ce billet a été publié sur le blogue du Directeur général du Barreau du Québec. Il est reproduit ici avec l'autorisation du Barreau.
4075

Publier un nouveau commentaire

Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires