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S'il n'était pas avocat, il serait... bien embêté !

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Dominique Tardif

2012-11-07 14:15:00

Dominique Tardif, de ZSA, donne la parole à Pierre Chenard, Vice-président principal, Développement des affaires et Affaires juridiques de Rio Tinto Alcan. Il évoque son parcours, ses challenges et les petits plaisirs de la vie.

1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir une autre profession? Était-ce le fruit du hasard, une vocation, ou un métier qu'on exerce de père en fils ?

Personne dans la famille n’était avocat : je ne peux donc prétendre avoir suivi les traces de quelqu’un qui me serait apparu comme un modèle. En fait, vers la fin de mon secondaire, je me suis aperçu que je réussissais bien en mathématiques et en sciences et j’étais meilleur dans tout ce qui faisait appel à l’abstrait et au raisonnement. Je me suis donc renseigné et j'ai réalisé que le droit semblait bien correspondre à mes compétences. Je suis entré au cégep avec l’idée que j’ai poursuivie ensuite, qui était celle de faire mon droit. C’est une décision que je n’ai jamais regrettée et qui m’a apporté 28 ans de grands plaisirs et d’expériences que je considère comme des privilèges.

2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière ?

Le plus grand défi de Pierre Chenard est d’agir comme chef de développement et chef des affaires juridiques
Le plus grand défi de Pierre Chenard est d’agir comme chef de développement et chef des affaires juridiques
Je pourrais évidemment vous entretenir de dossiers, mais mon plus grand défi est plutôt celui que j’ai en ce moment, à savoir d’agir comme chef de développement des affaires, d’une part, et chef des affaires juridiques pour le groupe aluminium et Rio Tinto Alcan, d’autre part. Chez Cambior, j’ai aussi eu pendant 12 ans à jumeler ces deux types de tâches.

Avec Rio Tinto, les ressources que j’ai à ma disposition et le contexte économique du marché de l’aluminium font en sorte que les défis sont particulièrement intéressants à ce titre. En effet, nous vivons actuellement une période assez difficile pour développer des affaires. Il existe des projets et opportunités potentiellement très lucratifs sur le marché, mais qui le deviendront à long terme, alors qu’ils demandent des investissements considérables dans l’immédiat, souvent dans des pays émergents ou avec lesquels nous avons encore peu travaillé. Quant au portefeuille lui-même, différentes situations et dynamiques se présentent : le marché est plutôt difficile du côté de l’aluminium comme les prix sont bas et que le marché est en excédent d’offre actuellement. À l’inverse, de belles opportunités de marché se présentent du côté bauxite : les prix relativement élevés donnent lieu à différents projets, dont des projets d’expansion en Australie et au Brésil notamment. Mon travail compte donc un mélange de défis différents les uns des autres, avec une partie du portefeuille qui est en situation de maintien et l’autre, en véritable effervescence.

3. Si vous aviez une baguette magique, vous changeriez quoi à la pratique du droit ?

Si je le pouvais, je ferais en sorte que chaque avocat apprécie le contexte dans lequel il travaille, de façon à ce qu’il oriente ses efforts et son temps sur les besoins de ses clients, plutôt que sur le fait d’argumenter et de faire valoir un point de vue. Je crois qu’il est primordial de ne pas manquer la possibilité de régler un dossier. Le focus doit être sur la résolution de problème et la recherche de solution, plutôt que sur la victoire à tout prix. De plus en plus de clients travaillent avec des juristes qui savent adopter cette approche, qu’ils agissent à l’externe ou à l’interne. Je suis d’ailleurs d’avis que nous (les avocats) nous améliorons sur ce point, bien qu’il y ait encore la possibilité de faire mieux.

4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique ? Et pourquoi selon vous ?

Je ne crois pas que la perception ait beaucoup changé. Une partie de la perception qu’a le public envers nous est inhérente à la profession elle-même : en effet, les avocats interviennent quand existent des problèmes difficiles à résoudre, ou que des situations complexes se présentent. Il est évidemment facile d’utiliser les juristes pour se libérer, voire se défouler de son anxiété, et ce phénomène fait jusqu'à un certain point partie du métier. Il existe en effet une tendance naturelle à associer la profession avec celui qui défend un point de vue non populaire auprès de l’autre partie, et il n’est pas toujours facile de changer cette perception à l’effet que certains défendent parfois des points de vue qui ne devraient pas l’être, ou qui devraient l’être autrement. Il est donc important, comme avocat, d’être perçu comme quelqu’un qui sait solutionner les problèmes, de façon à ne pas infliger à la profession une perception négative qui n’a pas lieu d’être.

5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et qui a pour ambition d’être à la tête d’un service juridique comme vous ?

J’ai eu, pour ma part, la chance de travailler sur des dossiers au contexte difficile et dans une plus petite compagnie (Cambior) où j’avais beaucoup de responsabilités : cela m’a beaucoup aidé dans mon cheminement. Il était impératif d’être multidisciplinaire, comme j’avais des relations avec l’ensemble des départements, ce qui me donnait la chance de comprendre différents aspects des choses et de parfaire mes connaissances. Ces connaissances m’ont d’ailleurs très bien servi quand je suis arrivé chez Alcan : j’avais eu l'opportunité de devoir réfléchir comme un membre de la haute direction. Mon expérience en cabinet a, elle aussi, été très positive : c’était un moment très actif sur les marchés à l’époque, et le volume de travail faisait en sorte qu’on devait faire confiance aux jeunes qui se retrouvaient ainsi avec des responsabilités assez grandes. Quand on est à la bonne place au bon moment, de bonnes choses ont tendance à se produire !

Je suis d’avis que les jeunes avocats ne se trompent pas en faisant tout ce qu’ils peuvent, pour enrichir leur bagage technique, surtout dans leurs dix premières années de pratique. Il ne faut pas hésiter à aller au fond des choses quand le dossier s’y prête, pour acquérir des connaissances élargies dans son domaine de pratique. Même après dix ans de pratique, l’apprentissage continue, notamment quant à des aspects autres que le "bagage technique". Plus on avance en carrière, plus les capacités à actionner son réseau et à faire preuve d’aptitudes de gestion et de leadership prennent de l’importance. Ces deux aspects des choses doivent être développés de manière pro active et distincte.


En vrac…

• Le dernier bon livre qu’il ait lu : "The charge" de Brendon Burchard.

• Des films qu’il a aimés récemment : "Moulin Rouge" de Baz Luhrmann et "La Dame de fer" de Phyllida Lloyd.

• Sa chanson fétiche : Don’t stop believing du groupe Journey.

• Une expression qu’on lui connaît : "I need this like I need another hole in the head !"

• Son péché mignon : les amuse-gueules salés comme les chips, cachous et crottes de fromage, sauve qui peut quand il est dans les environs !

• Son restaurant préféré : Le Club chasse & pêche, rue Saint-Claude.

• ses voyages préférés : la Nouvelle-Zélande et la Thaïlande. Il aimerait aussi beaucoup aller au Japon et en Turquie.

• Le personnage historique qu’il admire le plus : Abraham Lincoln, pour la façon dont a évolué. C’est un autodidacte né pauvre et ayant œuvré comme président des États-Unis à un moment difficile pour le pays. C’est un individu qui a réussi à s’allier des gens qui avaient des intérêts très divergents et conflictuels, et qui a réuni un pays qui à l’époque était émergent.

• S’il n’était pas avocat, il serait… bien embêté!! À vrai dire, il est parfaitement comblé avec le rôle qu’il a !

Bio

Me Pierre Chenard est Vice-président principal, Développement des affaires et Affaires juridiques chez Rio Tinto Alcan. Il est responsable du développement des affaires et des services juridiques pour toutes les unités d’exploitation de Rio Tinto Alcan à l’échelle mondiale et assure la coordination du Groupe juridique pour Rio Tinto au Canada. Sa propre pratique du droit chez Rio Tinto Alcan porte notamment sur les fusions et acquisitions, les alliances internationales, le financement de projets, le soutien aux investissements majeurs et la gestion des risques-pays. Me Chenard est àchez Rio Tinto Alcan depuis juillet 2000. Avant cela, il fut pendant 12 ans Vice-président développement corporatif et affaires juridiques chez Cambior inc., une compagnie minière montréalaise. Avant 1988, il pratiquait le droit des valeurs mobilières chez Clarkson Tétrault (devenu par la suite McCarthy Tétrault). Me Chenard détient un baccalauréat en droit civil ainsi qu’un baccalauréat en common law de l’Université McGill à Montréal. Il est membre du Barreau du Québec depuis 1984.
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