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Un Sénat réformé, l’État de droit bonifié

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Stéphane Beaulac

2014-02-28 11:15:00

Constitutionnaliste et professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, l’auteur réagit à la proposition de réforme de la chambre haute du chef du parti libéral du Canada, Justin Trudeau...

Stéphane Beaulac est professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal
Stéphane Beaulac est professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal
S'agissant du projet de réforme du Sénat amorcé par l’expulsion des 32 sénateurs libéraux du caucus du PLC, l’historique constitutionnel et les paramètres légaux du système actuel sont au coeur de la proposition de M. Trudeau.

La clef du succès se trouve dans le délicat équilibre des principes en présence, eu égard au mandat original envisagé par les Pères de la Confédération pour cette chambre et aux réalités contemporaines du parlementarisme bicaméral de style britannique. En bout de course, l’État de droit sera bonifié par une telle réforme du Sénat.

Outre la représentation des régions, la principale fonction historique du Sénat concerne l’examen pondéré et serein des projets de loi (« sober second thought »). Il s’agit en fait d’une variante d’un principe sous-jacent à l’État de droit, à savoir celui du contrepoids (« check and balance »).

À la base de la séparation des pouvoirs selon Montesquieu (législatif, exécutif, judiciaire), ce principe est également d’application à l’intérieur des branches de l’État, de telle sorte qu’un gouvernement, voire un Parlement, doit avoir les moyens d’établir des contrepoids. En ce qui touche le pouvoir exécutif, plusieurs agences (par exemple le vérificateur général) participent à l’opérationnalisation de ce principe.

Pour la branche législative, lorsqu’on parle d’examen pondéré et serein des projets de loi, il s’agit d’un mécanisme de « check and balance ». Cela étant, s’il y a un positionnement conflictuel entre la Chambre des communes et le Sénat, le principe démocratique doit avoir préséance sur celui du contrepoids.

Comme l’expliquait Errol Mendes la semaine dernière dans l’Ottawa Citizen, l’autorité morale d’un Sénat composé de gens hautement crédibles et respectés renforcerait cette fonction et pourrait apporter un contrepoids plus réel à la quasi-omnipotence d’un premier ministre ayant une majorité à la Chambre.

Éviter le double emploi

Justin Trudeau, chef du parti libéral du Canada
Justin Trudeau, chef du parti libéral du Canada
Dans le cadre de la réforme du processus de nomination des sénateurs, je crois primordial de préserver et de valider cette fonction historique de la Chambre haute, son éthos, et par la même occasion éviter de faire double emploi avec la Chambre des communes. Que ce soit suivant un processus qui s’apparente à celui des lauréats de l’Ordre du Canada, des juges à la Cour suprême, voire du gouverneur général, ou en essayant de tirer des leçons du modèle britannique (cf. House of Lords Appointments Commission), les valeurs de l’État de droit relatives aux contrepoids doivent orienter les discussions, autant sinon plus que l’obnubilant principe démocratique.

En définitive, la composition d’un comité de sages et ses travaux de consultation non partisane aux fins de recommandation des nouveaux sénateurs devraient être axés sur la méritocratie, sur la diversité en matière linguistique, culturelle et régionale, ainsi que sur les intérêts des minorités et les enjeux chers à la société civile. Un tel Sénat, composé de personnes indépendantes jouissant d’une autorité morale faisant consensus, sera un pas de géant pour la réforme des institutions et contribuera à bonifier l’État de droit au pays.
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