Ces avocats à mieux connaître

Un pont entre deux continents

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Emeline Magnier

2015-06-25 15:00:00

Cet avocat n’a pas attendu la négociation de l’accord Canada-Union européenne pour offrir ses services aux entrepreneurs français. Il revient sur son parcours et sa pratique...

William D. Hart est associé du cabinet Langlois Kronström Desjardins depuis 1993.
William D. Hart est associé du cabinet Langlois Kronström Desjardins depuis 1993.
Inscrit au Tableau de l’Ordre en 1979, Me William D. Hart est associé du cabinet Langlois Kronström Desjardins depuis 1993 où il préside le groupe de pratique France-Québec.

Après avoir étudié en France, puis exercé dans une société publique québécoise, c’est son retour à la pratique privée qui le conduira rapidement à développer des relations d’affaires avec des entrepreneurs de l'Hexagone, qui occupent aujourd’hui la majeure partie de son activité.

Originaire de la Saskatchewan, il a notamment été Président de la Chambre de commerce française au Canada, ce qui ne manque pas de le faire sourire considérant sa langue maternelle.

Avant le droit, vous avez étudié au Canada et en France en économie et gestion. Pourquoi ce cheminement ?

Je voulais aller en droit parce que j'avais autour de moi des avocats performants. Mon cousin travaillait dans un très grand cabinet dans l'Ouest du Canada, et a été Procureur général de Saskatchewan. Son activité m'a impressionné et m'a démontré que le droit pouvait s'exercer à un haut niveau avec des dossiers très intéressants tout en contribuant aux intérêts de la société.

Avant de s'inscrire à la faculté de droit, il fallait un autre diplôme. Je suis alors allé en sciences économiques à la faculté de Saskatchewan, c'était complémentaire avec le droit des affaires. J'ai beaucoup aimé étudier en marge du droit et je le conseille aux étudiants. À la fin de mon bac, je suis allé en France pour être assistant d'anglais dans un établissement de Pontoise et j'y ai rencontré mon épouse. À l'époque, l'ESSEC ouvrait le concours d'entrée pour les étrangers et j'ai été admis. Je suis ensuite revenu au Canada et j'ai étudié le droit à la faculté McGill.

Je pense qu'il faut respecter les décisions instinctives que l'on prend quand on a 20 ans ; elles sont souvent plus réfléchies qu'on ne le pense, il faut ensuite les canaliser et les aligner avec celles prises par la suite.

D'ailleurs, votre début de pratique reflète votre double intérêt pour le droit et les affaires…

Me Hart préside le groupe de pratique France-Québec de LKD
Me Hart préside le groupe de pratique France-Québec de LKD
J'ai fait mon stage au cabinet connu aujourd'hui sous le nom de Dentons avec toujours comme objectif de faire du droit des affaires. Même si les temps étaient aux stages en rotation, j'avais clairement affiché mes intentions dès le départ. Par la suite pendant trois ans, je me suis occupé des financements publics et des prospectus. Mais Internet n'existait pas et j'allais souvent passer la nuit chez l'imprimeur à Toronto. C'est un travail intéressant mais au bout de la dixième fois, c'est répétitif et je voulais voir d'autres avenues et aussi appliquer mes connaissances en gestion.

J'ai alors intégré le groupe de supermarchés Steinberg qui a été le deuxième plus gros employeur au Québec et la plus grande chaîne d'épiceries. Lors de mon arrivée en 1983, l'entreprise était toutefois en descente et connaissait une phase de turbulences, ses parts de marché étaient grugées par la concurrence. J'ai été vice-président affaires juridiques et j'ai participé à la vente des différentes parties de l'entreprise lors de la faillite. Le contexte n’était pas réjouissant mais c’était une expérience extraordinaire et riche.

Qu'est ce qui vous a alors conduit à revenir à la pratique privée et à vous joindre au cabinet qui deviendra quelques années plus tard LKD ?

Me Raynold Langlois était l'avocat de l'acheteur de Steinberg, nous avons donc beaucoup travaillé ensemble. C'était un juriste très chevronné. Quand la page Steinberg fut tournée, il m'a proposé de venir le rejoindre au sein de son cabinet qui était alors en expansion à Montréal.

Il ma fallait alors trouver des clients et j'ai ouvert ma boîte à souvenirs et contacté d'anciens camarades de classe de l'ESSEC en France. Certains avaient besoin de conseils juridiques et mon réseau s'est progressivement élargi. Je me suis aussi beaucoup impliqué. J'ai été président de la Chambre de commerce française au Canada et membre de l’exécutif de l'Union des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger. J'ai fait de nombreux voyages en France et j'ai cogné à beaucoup de portes. Ce sont des avocats qui donnent du travail aux autres avocats qui s'intéressent au rapport entre la France et le Québec. Ils veulent trouver un correspondant pour conseiller leurs clients à l'étranger.

Pouvez-vous nous décrire votre pratique aujourd'hui ?

J'interviens dans le cadre de fusions et acquisitions entre des entreprises québécoises et françaises ou québécoises et américaines dans différents secteurs d'activités. Le cas classique, c'est une entreprise française qui achète une participation dans une entreprise familiale québécoise qui manque de relève et qui veut vendre. Les acheteurs ont souvent comme objectif de se développer ailleurs au Canada voir aux États-Unis et testent le marché.

J'agis également comme conseil pour les membres de la haute direction en cas de changement de contrôle pour de grandes sociétés, comme les produits récréatifs Bombardier, Van Houtte ou The Hockey Company. Dans ce genre de transactions, les cabinets nationaux s'intéressent plus aux mandats des acheteurs ce qui laisse de la place aux cabinets de taille moyenne pour agir pour les cadres seniors. Enfin, j'interviens aussi dans le domaine de la gouvernance.

Selon vous, l'accord de libre échange entre le Canada et l'Union européenne va-t-il changer la donne pour les relations d'affaires France-Québec ?

Avant d'ouvrir les négociations, une étude de faisabilité a été réalisée et il est apparu que les retombées de l'entente seraient substantielles. Elle a été négociée surtout à la demande des Européens particulièrement intéressés par l'accès aux marchés publics canadiens qui représentent entre 7 et 8% du PIB. La clause de règlement des différends et la possibilité de la poursuite d'un état par une compagnie a toutefois ralenti le processus en septembre.

Pour Me Hart, la réelle nouveauté en ce qui concerne l'accord de libre échange Canada-UE se situe au niveau des marchés publics
Pour Me Hart, la réelle nouveauté en ce qui concerne l'accord de libre échange Canada-UE se situe au niveau des marchés publics
Les échanges entre le Canada et la France s'évaluent à 8 milliards de dollars par année, ce qui correspond à quatre jours d'échanges avec les États-Unis. Disons donc que ce n'est pas une priorité à l'agenda. Les entreprises traversent l'Atlantique malgré tout mais la ratification pourrait accentuer ce qui a déjà été entrepris. Pour moi, la réelle nouveauté se situe au niveau des marchés publics et des dispositions qui empêchent la discrimination possible entre les sociétés nationales et étrangères.

Vous êtes chez LKD depuis plus de 20 ans. Une telle longévité dans un même bureau est plutôt rare aujourd'hui…

Je n'ai pas changé de bureau mais le bureau, lui, a beaucoup évolué. Fondé à Québec, il s'est réinventé à Montréal. Raynold a eu la vision de venir et a su gérer, comme un véritable homme d'affaires, une pratique complexe et active avec la création d'un cabinet. La gestion d'un cabinet est un travail à temps plein je ne sais pas comment il a fait !

Quand je suis arrivé, l'activité découlait de sa pratique et par la suite, il a élargi la base et laissé la place à d'autres pour se développer. Il a transformé une entreprise familiale en institution. Peu de bureaux m'auraient laissé développer une pratique avec la France comme LKD l'a fait. C'est un bureau tenace qui fait preuve d'une grande adaptabilité et qui pousse ses gens en dehors de leur zone de confort !

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