Pierre Arcand

Devenir notaire, pour les juristes timides?

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Pierre Arcand

2015-08-31 10:15:00

D’un tempérament introverti, une étudiante envisage d’opter pour le notariat. Elle demande à Pierre Arcand si elle fait bien de faire ce choix considérant sa personnalité...

Question :

Bonjour,

Je suis étudiante en techniques juridiques et j'aimerai poursuivre mes études en droit pour devenir notaire. Je pense que j'ai choisi cette voie plutôt que le Barreau parce que je suis timide et je ne crois pas avoir la bonne personnalité pour être avocate.

Quel serait le meilleur choix selon vous ? Merci !

Réponse :

Chère lectrice,

Pierre Arcand, recruteur juridique, répond à vos questions
Pierre Arcand, recruteur juridique, répond à vos questions
Dans un premier temps, permettez-moi de vous préciser que vous n’avez pas à prendre votre décision entre le notariat et le Barreau avant la fin de votre troisième année à la faculté de droit.

Par conséquent, vous pouvez poursuivre votre formation et pendant vos trois années d’études en droit, vous aurez l’occasion de vous familiariser un peu plus avec les deux professions et leurs différences.

Mais avant d’aller plus loin, je dois vous ramener à l’ordre car vous semblez faire la même erreur que beaucoup de gens, c'est-à-dire penser qu’il faut être extraverti pour avoir du succès à titre d’avocat et qu’on n’a pas besoin de l’être pour être notaire. Dans les deux cas, cet énoncé est faux.

Pour les notaires, s’il est vrai que le travail est essentiellement clérical, la pratique en soi ne l’est pas. Sans disposer de statistiques à cet effet, je vous dirais que la grande majorité des notaires pratiquent à leur compte (à titre d’associé ou en pratique solo). Par conséquent, à moins d’avoir hérité de la pratique d’un notaire retraité, ils doivent bâtir leur propre clientèle.

Vous comprendrez qu’on ne peut parler de développement de clients sans impliquer une certaine vente de vos services. Les clients ne cogneront pas nécessairement à votre porte et même s’ils le faisaient, encore faudrait-il les convaincre de la qualité des services que vous offrez. Si vous êtes timide et le demeurez, les premières années de votre pratique notariale risquent d’être pénibles.

Il y a bien quelques exceptions impliquant des notaires salariés mais elles sont rares. Les fonctions de notaire à titre de tierce partie indépendante font en sorte qu’il trouve moins sa place à titre de salarié, à moins de délaisser la pratique traditionnelle notamment celle de recevoir des actes.

S’il délaisse la pratique traditionnelle, il devient alors un conseiller juridique accomplissant essentiellement les mêmes fonctions qu’un membre du Barreau qui ne ferait pas de représentations devant les tribunaux. Ce qui constitue par ailleurs la majorité de la pratique des membres du Barreau. En fait, les dernières statistiques que j’ai consultées parlaient de 10% des avocats qui plaideraient dans le cadre de leur pratique.

Seulement 10% (ou peut-être un peu plus) des avocats plaident donc 90% pourraient se permettre d’être timide? Ne sautez pas si vite aux conclusions.

La réalité précédemment exposée en ce qui a trait au développement d’une clientèle s’applique également aux avocats. Par contre, ces derniers, timides ou non, disposent de plusieurs options s’ils désirent quitter la pratique privée. Les entreprises vont recruter un avocat bien plus souvent qu’un notaire.

Le gouvernement, même si on exclut les procureurs et tous les autres avocats qui plaident, emploie plus d’avocats que de notaires. Les organismes parapublics, les organismes sans but lucratif et les organisations internationales (la pratique notariale n’existe pas dans la majorité des pays) sont dans la même situation.

Et pour la majorité de ces postes, un avocat timide pourrait faire le travail sans aucun problème. Les tâches vont varier mais essentiellement elles seront liées aux textes de loi, aux contrats et aux aspects juridiques reliés aux activités de l’entreprise ou de l’organisation. Évidemment, il lui faudra à l’occasion plaider son point de vue ou défendre ses arguments mais ça c’est la réalité de la vie, peu importe la profession choisie.

À la lecture de mes propos, vous pouvez constater qu’une personne timide aurait avantage à choisir le Barreau plutôt que le notariat, sous réserve que le travail de notaire soit sa réelle passion. Mais encore là, vous avez amplement le temps de creuser la question et de prendre le tout « en délibéré ». Les cours que vous suivrez pourraient vous être utiles dans votre démarche.

En terminant, si vous avez l’impression que je dénigre la pratique notariale, ce n’est pas mon intention. Cependant, bien qu’il s’agisse d’une belle profession, noble et intéressante, elle n’offre que peu de débouchés à ses membres.

La Chambres des Notaires travaille très fort à élargir les champs d’activités de ses membres et il est vrai qu’ils pourraient en couvrir beaucoup plus large. Ses membres sont souvent aussi qualifiés que les membres du Barreau pour poser un grand nombre d’actes juridiques qui sont confiés habituellement aux avocats.

Mais les fonctions d’un notaire sont depuis longtemps perçues, à tord ou à raison, différemment de celles de l’avocat et cette perception pourrait s’avérer très bien ancrée chez les employeurs.

Il s’agit d’une réalité du marché de l’emploi et des constatations d’un professionnel du recrutement juridique. Il ne s’agit pas d’une opinion personnelle sur la pratique notariale mais d’un conseil visant à orienter la carrière d’un ou plusieurs individus. Dans cette situation, je me dois de dresser le portrait de la situation réelle même si c’est au détriment de ce qu’elle devrait être dans le meilleur des mondes.

Sur ce, je vous souhaite une bonne semaine.

La Question au Recruteur

Chaque semaine, le recruteur juridique Pierre Arcand répond à une question posée par vous, chers lecteurs.

La Question au Recruteur de la semaine est choisie parmi toutes celles reçues sur le site. Toutes les questions sont bonnes pour autant qu’elles concernent votre carrière de juriste.

Sur l'auteur

Pierre Arcand s'est spécialisé en recrutement juridique après avoir pratiqué le droit pendant une douzaine d'années. Ayant été associé au sein de cabinets boutiques ainsi que d'un important cabinet de Montréal, il connaît bien la communauté juridique et les enjeux reliés à la pratique du droit tant en cabinet qu'en entreprise. Arcand et Associés, une entreprise spécialisée dans le recrutement de cadres et de professionnels, a été fondée en 1999. Pierre Arcand et son équipe apporte un soutien professionnel tant aux entreprises qu'aux cabinets qui cherchent à recruter les meilleurs candidats disponibles.
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