Pierre Arcand

Quelle est la place des femmes en cabinet?

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Pierre Arcand

2015-10-26 10:15:00

Constatant que très peu de femmes accèdent au statut d’associée dans son cabinet, une avocate se demande si elle peut y faire sa place. Pierre Arcand lui répond...

Question :

Bonjour M. Arcand,

Je pratique dans un grand cabinet mais pas international. J’arriverai prochainement à l’étape du partnership et je constate qu’il y a très peu de femmes associées avec participation au sein du bureau.

Compte tenu de cela, je me demande si j’y ai ma place ou si les cabinets sont encore la chasse gardée de la gente masculine.

Merci.

Réponse :

Chère lectrice,

Pierre Arcand, recruteur juridique, répond à vos questions
Pierre Arcand, recruteur juridique, répond à vos questions
Il est vrai que malgré le fait qu’il y a plus de femmes que d’hommes dans les facultés de droit, le ratio hommes-femmes dans les cabinets de pratique privée demeure à l’avantage de ceux qu’on appelait traditionnellement le « sexe fort ».

Quelles en sont les raisons ? Est-ce que les femmes y ont leur place ? Je vais tenter de répondre à ces deux questions sans le support d’une étude sociodémographique à grande échelle.

Pourquoi les femmes sont-elles encore minoritaires au sein des groupes d’associés des cabinets ?

Je crois qu’il faut éviter de jeter le blâme sur la gente masculine en concluant qu’ils ne désirent pas une présence accrue des femmes dans leur environnement de travail. Bien au contraire, la majorité des cabinets recherchent activement de futures associées pour leurs groupes. Par contre, ils recherchent des candidates qui correspondent aux critères traditionnels lesquels conviennent peut-être moins au profil général des avocates.

En effet, les critères d’accession au statut d’associé avec participation sont essentiellement économiques (clientèle + heures facturables) et, bien que les femmes soient en mesure de rivaliser avec les hommes sur ces aspects, leur échelle de valeurs les amène parfois à prioriser d’autres aspects de leur vie. Oui, la maternité entre en ligne de compte mais il n’y a pas que cela.

Je crois qu’elles se posent plus rapidement la question de savoir si elles veulent passer leur vie au bureau, et ce indépendamment du fait qu’elles soient mères ou non.

Avant d’aller plus loin, je désire préciser deux choses.

1- Je généralise ouvertement en me référant aux tendances notées dans le cadre de ma pratique. Il y a énormément d’exceptions et ce autant dans un sens que dans l’autre. Il y a beaucoup de femmes carriéristes comme il y a des hommes ultra impliqués au niveau familial. Mais si on doit tracer une ligne médiane, elle aura tendance à pencher du côté traditionnel.

2- On peut être associé en pratique privée sans passer sa vie au bureau, mais il demeure que la pratique est exigeante et requiert un engagement important principalement durant les 20 premières années mais aussi par la suite.

Ces précisions étant faites, je poursuis.

Donc on constate que les critères d’accession au partnership ne semblent pas avoir évolué. Est-ce qu’on peut penser qu’ils évolueront dans le futur ? J’ai bien peur que non. Ces critères sont économiques pour ne pas dire capitalistes et la pratique privée est de la même allégeance.

Chaque avocat en pratique privée est une petite PME qui doit être rentable soit en facturant des heures, soit en faisant entrer des mandats, mais souvent les deux. Ces petites PME se regroupent afin de s’entraider et faciliter la tâche de chacun mais aussi pour maximiser leur rentabilité par le partage des dépenses et l’augmentation de leur visibilité. Le jour où un avocat est moins rentable au sein d’une structure qu’à l’extérieur de celle-ci, il quittera de lui-même ou sera invité à le faire.

Est-ce qu’il ne devrait pas y avoir plus de flexibilité par rapport aux critères afin de faire une place à chacun ? Oui et certains cabinets le font mais ça se traduit par une diminution de la rémunération des associés impliqués ou encore de tous les associés du cabinet. C’est à ce niveau que se situe le principal obstacle à l’évolution des critères. Tout le monde veut des critères plus humains et une qualité de vie mais peu sont prêts à faire des concessions économiques pour y arriver et ce sans distinction de genre.

Je conclus donc que la sous représentation des femmes à titre d’associées dans les cabinets est plus une question de valeurs qu’une question d’ouverture. Par contre, c’est évident que lesdites valeurs sont issues du mode de gestion qui était la façon de faire des gestionnaires masculins d’autrefois.

Malheureusement, la tendance capitaliste est loin de s’estomper surtout avec la mondialisation qui amène les cabinets à fusionner à l’international. S’il y un changement à noter, ce serait probablement l’inverse.

Est-ce que les femmes ont leur place en pratique privée ?

Oui sans l’ombre d’un doute mais elles doivent être conscientes des critères qui sévissent encore aujourd’hui. Si ces critères sont en accord avec leurs aspirations professionnelles et personnelles, alors elles ont de bonnes chances d’avoir du succès et d’être heureuses. Si elles ont des réserves, sans nécessairement quitter la pratique privée, elles doivent joindre un cabinet qui partage lesdites réserves. Ils ne sont pas légions mais il y en a plusieurs.

Je termine en vous soulignant que tous les avocats, hommes ou femmes, devraient avoir la même réflexion avant de conclure qu’il ou elle veut être associé avec participation au sein d’un cabinet.

Outre le prestige et la sécurité financière, il est quand même important de s’accomplir personnellement et cela passe par des valeurs communes à la majorité des associés.

Une hypothèse, juste pour le plaisir de discuter : dans le fond, la sous représentation des femmes comme associée est peut être simplement la conséquence d’une plus grande maturité de leur part laquelle fait en sorte qu’elles se posent plus tôt les questions essentielles…

Bonne réflexion et bonne semaine

La Question au Recruteur

Chaque semaine, le recruteur juridique Pierre Arcand répond à une question posée par vous, chers lecteurs.

La Question au Recruteur de la semaine est choisie parmi toutes celles reçues sur le site. Toutes les questions sont bonnes pour autant qu’elles concernent votre carrière de juriste.

Sur l'auteur

Pierre Arcand s'est spécialisé en recrutement juridique après avoir pratiqué le droit pendant une douzaine d'années. Ayant été associé au sein de cabinets boutiques ainsi que d'un important cabinet de Montréal, il connaît bien la communauté juridique et les enjeux reliés à la pratique du droit tant en cabinet qu'en entreprise. Arcand et Associés, une entreprise spécialisée dans le recrutement de cadres et de professionnels, a été fondée en 1999. Pierre Arcand et son équipe apporte un soutien professionnel tant aux entreprises qu'aux cabinets qui cherchent à recruter les meilleurs candidats disponibles.
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9 commentaires

  1. Isabelle
    Isabelle
    il y a 8 ans
    Passivité
    Excellente réponse.

    J'abonde dans le même sens: on ne devient pas associé en étant "passif", et ce peu importe notre sexe, peu importe le nombre d'heures passées au brueau et nos qualités personnelles (intellectuelles et autres). Il faut ALLER CHERCHER le job

    C'est comme pour devenir décideur ou "leader". Qu'on ne s'y trompe pas: on n'est pas élu ou choisi ou nommé leader - on le devient. On doit aller chercher cette place, et une fois installé, on doit s'y accrocher.

    La passivité n'est pas un défaut en soi, mais elle est incompatible avec certaines fonctions, dont celles d'entrepreneur et de "leader" / dirigeant. Un associé, c'est pas juste un sociétaire brillant ou travaillant: c'est un ENTREPRENEUR et un MENEUR.

    Et pour faire comme le choniqueur, je me permets ici de généraliser: je crois que parmi les employés "passifs ",dans le sens où ils travaillent fort et bien en attendant d'être choisis pour une promotion, il y a davantage de femmes que d'hommes.

    Simple observation personnelle. De ce fait, je ne suis pas surprise qu'il y ait beaucoup moins d'associées que d'associés, pour la même raison que dans le domaine de la finance, il y a moins de femmes que d'hommes parmi les cadres.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 8 ans
    Je suis d'accord
    Merci pour votre honnêteté ainsi que votre excellente réponse.

    Je me questionne toutefois sur l'avenir des femmes tout court. Il n'est pas facile de trouver un poste en contentieux et dans certains contentieux, les avocats passent quand même leur vie au bureau. Quelle est la solution pour une femme qui désire avoir un emploi stimulant, un salaire qui lui permette de payer ses factures et qui lui permettent d'élever ses enfants s'occuper minimalement d'elle, de ses amitiés et de son couple?

    Est ce trop demandė pour une femme avocate de vouloir vivre une vie semi équilibrė? Ou est ce obligatoire de toujours vivre en courant, en frôlant le burn out et en se magasinant un cancer à 55 ans?

    • Avocate
      Avocate
      il y a 8 ans
      la réalité
      La réalité est que le domaine du droit est très exigeant. Il faut faire des choix selon notre situation. Par exemple, avec des enfants en bas âge, il ne faut pas s'attendre à progresser rapidement du côté carrière. Par contre, plus les enfants grandissent plus on se rend compte qu'on a plus de temps à consacrer à la carrière. Je suis présentement dans cette situation avec mes enfants ados. J'ai maintenant beaucoup plus de temps pour le travail-surtout les week end pendant qu'ils dorment jusqu'à midi!

      Pour ce qui est de la vie de couple, il faut un conjoint super compréhensif. S'occuper de soi? Entre le travail et les enfants....... si vous avez trouvé la recette miracle à part avoir deux nounous à temps plein s.v.p. partager!

      Les amitiés......si vos amis sont de vrais amis ils comprendront que vous avez moins de temps pour eux.

      Vivre le moment présent en s'adaptant aux changements et être reconnaissant d'avoir un travail, la santé et une famille, tout part de là

      Bonne chance

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 8 ans
      re Je suis d'accord
      Je suis curieuse: c'est quoi selon vous, "un salaire qui lui permette de payer ses factures" ?

      Et pourquoi vous parlez des femmes, des avocates, et non pas des avocats? Vouloir un emploi sitmulant, salaire corect et élever ses enfants: en quoi est-ce féminin, au juste?

    • Avocate
      Avocate
      il y a 8 ans
      aussi diffcile pour les hommes ou les femmes
      Prenez un Avocat dont la femme ne travaille pas ou est séparé. Son salaire doit être pas mal élevé pour payer toutes ses factures.

      Même chose pour une femme monoparentale dont l'ex ne contribue pas (C'est encore rare qu'une femme ait un conjoint qui ne travaille pas. Son salaire doit être également pas mal élevé pour payer toutes ses factures.

      Le problème dans cette équation est qu'on ne peut avoir un salaire élevé sans travailler fort. Donc il s'agit de choix de vie. Train de vie élevé = factures élevées = beaucoup d'heures de travail

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 8 ans
      re aussi difficile ...
      En effet. C'ets pour ça que je demandais ce qu'elle estime être un "salaire qui paie les factures".

      D'ailleurs pour une raison qui m'échappe, plusieurs croient qu'un bac en droit + Barreau donne "droit" à un salaire élevé. On lit ça souvent, ici.
      Ils croient aussi que le droit, c'est tellement plus complexe que les autres disciplines, et tellement plus stressant que les autres emplois !

      D'où ça sort?!

      Ça vient peut-être du fait qu'il y a fort longtemps (des décennies...)la profession d'avocat comptait parmi les 4 ou 5 les plus "prestigieuses", dans un monde où une infime fraction de la population avait son collège classique / diplôme universitaire.

      Je sais pas.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 8 ans
      réponse
      Je parle d'environ 65 à 85k. Plusieurs postes d'avocats sont aujourd'hui payés autour de 50k sans régime de retraite.

      Je parle des femmes car il s'agit du sujet de l'article et parce que pour les raisons mentionnés dans celui ci, c'est plus souvent les femmes qui se retrouvent dans cette situation. Toutefois, je suis plus que daccord que les hommes aussi aimeraient vivre de façon équilibrée si cela leur était possible.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 8 ans
      réponse
      Merci pour votre très pertinente et inspirante réponse.

      J'espère juste qu'il existe encore des postes où les femmes ne sont pas obligés de progresser rapidement dans leur carrière alors qu'elles ont de jeunes enfants. Car entendons nous bien, on parle d'au moins 5 à 7 ans pendant la trentaine. Les cabinets sont rarement aussi patients surtout ceux (la grande majorité) Où l'accession au partnership est obligatoire après 6 à 10 ans de pratique.

    • Avocate
      Avocate
      il y a 8 ans
      Clarifications
      Tout le plaisir est pour moi. Il y a des standards et des attentes c'est vrai. Cependant, vous seule avez le pouvoir de définir votre carrière. Soyez honnête envers vous même et envers votre employeur. Prenez le temps de définir votre objectif de vie et de poser des gestes concrets pour l'atteindre et Entourez-vous de gens qui supportent votre objectif.

      Les entreprises semblent être plus axées sur l'équilibre travail/famille mais c'est aussi difficile. Le travail d'un avocat est exigeant et les attentes des patrons sont extrêmement élevées.

      Prenez votre mal en patience, faites de votre mieux et ne soyez pas trop dure envers vous-mêmes.

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