Procès Turcotte : la cause qui a tout changé

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Céline Gobert

2015-12-07 11:15:00

L’intoxication volontaire ne soutient plus la défense de trouble mental. Ce changement de cap, après le premier procès Turcotte, pourrait être lié à un jugement rendu par la Cour suprême

L’intoxication volontaire ne soutient plus la défense de trouble mental.
L’intoxication volontaire ne soutient plus la défense de trouble mental.
L’affaire du jeune Tommy Bouchard-Lebrun remonte à 2005. Elle annonçait déjà le débat autour du lave-glace, ainsi que le verdict, du deuxième procès Turcotte, selon L’Actualité…

Pour rappel, le garçon âgé de 20 ans avait pris de l’ecstasy et des amphématines avant de rouer de coups deux hommes, dont l’un a subi des dommages irréversibles au cerveau. L’accusé Bouchard-Lebrun a ensuite tenté d’obtenir un verdict de non-responsabilité criminelle en raison de la psychose causée par la drogue.

Cela n’a pas marché : il a été condamné à cinq ans de prison.

« On ne peut pas présenter une défense de troubles mentaux quand on a volontairement pris une drogue. » Voilà le verdict des juges rendu dans l’affaire Bouchard-Lebrun en 2011, et ce quelques mois après que Turcotte ait été reconnu non responsable criminellement à son premier procès.

Une affaire citée dans le jugement

L’affaire Bouchard-Lebrun revêt une grande importance dans le procès Turcotte puisqu’elle a d’ailleurs été citée dans le jugement des juges de la Cour d’appel ayant ordonné le nouveau procès : « lorsqu’une psychose est due exclusivement à une intoxication volontaire, la défense de troubles mentaux n’est pas recevable», peut-on y lire.

Ils poursuivent : « le jury n’a pas été instruit sur une question importante qu’il devait trancher, à savoir si c’est le trouble mental ou l’intoxication qui a rendu l’intimé incapable d’un jugement rationnel.»

À quoi est dû l’état mental de l’accusé ?

Le juge André Vincent a posé la même question à chacun des psychiatres appelés à la barre par la Couronne et par la défense, rappelle L’Actualité : « L’état mental dans lequel se trouvait Guy Turcotte était-il dû à un facteur interne, c’est-à-dire une maladie mentale, ou alors à un facteur externe, c’est-à-dire une intoxication ? »

La première psychiatre experte de la défense, la Dre Dominique Bourget, a répondu que c’était le trouble d’adaptation qui avait mené Turcotte à tuer ses enfants. Même son de cloche du côté du deuxième psychiatre expert de la défense, le Dr Louis Morissette, qui a également répondu qu’il excluait l’intoxication pour expliquer l’état mental de l’accusé.

Conclusion : l’intoxication au lave-glace, comme les drogues dans l’affaire Bouchard-Lebrun ne pouvait donc plus soutenir la défense de trouble mental.
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3 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 8 ans
    Cherchez l'erreur
    Cherchez l'erreur !

    1) le 5 juillet 2011, le jury prononce un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.

    2) l'arrêt Bouchard-Lebrun est statué par la Cour Suprême du Canada le 30 novembre 2011.

    3) la décision de la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Guy Turcotte est prononcée le 13 novembre 2013.

    Comment est-ce que la Cour d'Appel peut reprocher (erreur de droit) au juge Marc David (cour de première instance) de ne pas avoir tenu compte d'une décision de de la Cour Suprême du Canada prononcé après la tenue du procès de Guy Turcotte ?

    • Me Daniel Atudorei
      Me Daniel Atudorei
      il y a 8 ans
      Me Daniel Atudorei
      Il faut lire:

      La Cour d'appel dit:

      [79] Il est vrai que le juge de première instance n'avait pas le bénéfice de l'arrêt Bouchard-Lebrun au moment où il a décidé de soumettre la défense au jury. Par contre, l'aurait-il eu que le résultat aurait été le même à l'égard de cette question.

      L'arrêt Bouchard-Lebrun fut prononcé en mars 2010 par la Cour d'appel. Il représentait l'état du droit sur la question et était donc disponible fin juin 2011, lorsque le Juge a formulé ses directives au Jury. La Cour suprême a confirmé cet arrêt de la CA.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 8 ans
      Puisqu'il le faut ...
      Puisqu'il le faut ...

      Les juges de la Cour d'Appel du Québec Duval Hesler, Doyon, et Dufresne, dans l'arrêt Turcotte, 2013 QCCA 1916 (CanLII), renvoient à l'arrêt de la Cour Suprême:

      [71] Le concept de troubles mentaux (ou de maladie mentale) est vaste et sa portée l’est tout autant. Il demeure évolutif. Le juge LeBel le rappelle d'ailleurs dans R. c. Bouchard-Lebrun, 2011 CSC 58, [2011] 3 R.C.S. 575

      et non à l'arrêt Bouchard-Lebrun, 2010 QCCA 402 (CanLII).

      Dans l'arrêt Bouchard-Lebrun, 2011 CSC 58, [2011] 3 R.C.S. 575, qui a été prononcé le 30 novembre 2011, donc quelques mois après le verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, le juge LeBel écrit:

      [88] Au regard de la jurisprudence existante, il est plausible de prévoir que les tribunaux auront à effectuer cet exercice de qualification juridique dans des circonstances beaucoup plus délicates que celles du présent dossier. Il en sera notamment ainsi lorsque la condition mentale révélera la présence d’un trouble mental sous-jacent mais que la preuve indiquera aussi que la psychose toxique a été déclenchée par une consommation de stupéfiants dont la nature et la quantité auraient pu provoquer le même état chez une personne normale. Dans de telles circonstances, il convient d’inviter les tribunaux à faire preuve d’une minutie particulière dans l’application de la « méthode plus globale » décrite dans l’arrêt Stone.

      Ainsi, cette invitation à la minutie particulière, accompagnée d'une vision prémonitoire des choses à venir en ce qui a trait au deuxième procès de Guy Turcotte, intervient "A Posteriori" du verdict initial en question.

      Au moment du procès initial de Guy Turcotte, ni le juge, ni les avocats, ni les témoins experts avaient le bénéfice de l'arrêt Bouchard-Lebrun, 2011 CSC 58, [2011] 3 R.C.S. 575.

      Enfin, les juges de la Cour d'Appel écrivent:

      [86] Cette théorie voulant que l'élément déclencheur ne soit pas l'intoxication, même s'il s'agit d'un facteur contributif, n’est pas dénuée de fondement. Comme l'intoxication a été le moyen choisi par l’intimé pour mettre fin à sa vie, il n'est pas exclu que l'élément déclencheur principal demeure le choc psychologique allié au trouble d'adaptation avec anxiété et humeur dépressive. L'absorption du liquide lave-glace pourrait alors faire partie des troubles mentaux, puisqu'elle ne résulterait pas de l'exercice du libre arbitre.

      Je répète: " L'absorption du liquide lave-glace pourrait alors faire partie des troubles mentaux, puisqu'elle ne résulterait pas de l'exercice du libre arbitre."

      L'article 33.1 du Code Criminel traite de l'intoxication volontaire. Alors, pourquoi exiger, "A Posteriori", que le juge de première instance ait attiré l'attention du jury sur la question de l'intoxication et de ses effets au moment d'expliquer la défense de troubles mentaux, si l'intoxication n'était pas volontaire ?

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