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Un juge en chef nous parle du n.C.p.c.

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Agence Qmi

2016-01-11 13:15:00

Meilleur accès à la justice, réduction des coûts et délais en encourageant le règlement des différends: voilà l’esprit du nouveau Code de procédure civile,entré en vigueur le 1er janvier…

Le juge en chef associé de la Cour supérieure, Robert Pidgeon
Le juge en chef associé de la Cour supérieure, Robert Pidgeon
Entente à l’amiable, simplification du processus judiciaire, réduction de la paperasse, ajout de formulaires standards, contestations orales plutôt qu’écrites, encadrement des interrogatoires et des expertises : plusieurs nouveaux outils ont été mis en place lors de la réforme du Code de procédure civile.

Un virage nécessaire ? Attendu ? « Obligatoire ! », tranche sans hésiter le juge en chef associé de la Cour supérieure, Robert Pidgeon. « Les grosses corporations, les gouvernements, les compagnies d’assurances, les personnes morales sont devant les cours de justice, mais les citoyens ordinaires ont délaissé ça parce que c’était trop onéreux et trop lent », analyse-t-il.

Rôle actif des juges

Cette nouvelle édition – la deuxième en 14 ans, rappelle le juge Pidgeon – tentera de pallier à ces problèmes en allant « plus loin » en matière d’accessibilité à la justice. Les juges hériteront du coup d’un rôle « très actif » dans le processus pour atteindre cet objectif. Ils disposeront en effet de pouvoirs accrus de gestion dans la mise en application des nouvelles règles du Code.

« Avant, le juge était là uniquement pour entendre la cause. Aujourd’hui, le juge prend la direction du dossier. Quels sont les problèmes ? Voici les solutions. Quelles sont vos requêtes ? Quelles précisions voulez-vous ? Pourquoi avoir recours à deux experts quand on peut en avoir un ? On peut intervenir dans tout ça. Pour les juges, ça va être très exigeant », concède-t-il.

À l’heure actuelle, dans la région de Québec, un dossier « standard » est normalement entendu en moins d’une année. Le juge Pigdeon est persuadé que l’arrivée du nouveau code pourra faire diminuer davantage ces délais, lui qui rêve de les voir fondre de moitié.

Sept modifications inscrites dans le nouveau code

Place au débat loyal : Les parties doivent favoriser un « débat loyal », selon le nouveau Code. « Les jeux de cache-cache, c’est fini », précise le juge en chef associé de la Cour supérieure. La volonté est telle qu’à la fin d’une procédure, le juge pourrait condamner l’une des parties à payer les honoraires des avocats de l’autre, s’il ne respecte pas cette mesure. « C’est une disposition novatrice qui va décourager ceux qui veulent cacher des choses ou faire des effets de toge en bout de liste », dit-il.

Éviter la multiplication des expertises : Il pourrait bien être révolu le temps où une multitude d’experts s’affrontent en cour pour des causes « normales ». Plutôt que chaque partie se dote d’un ou de plusieurs experts, le juge pourra désormais recommander la présence d’un seul expert dans certains dossiers. Le juge aura ainsi le pouvoir d’inciter les parties à s’entendre sur un témoin commun, sans quoi il pourrait lui-même le choisir. « On vient encore amoindrir les coûts », se réjouit le juge Pidgeon.

Limiter les interrogatoires préalables : Le Code s’attaque à une « autre plaie » du système de justice, soit les interrogatoires préalables qui se déroulent hors cour, avant le procès. Le Code limite maintenant à trois heures la durée de ces interrogatoires pour les litiges de moins de 100 000$ et à cinq heures pour ceux dont les réclamations sont au-dessus. « On n’est pas allé assez loin à ce niveau-là, selon moi. En bas de 150 000$, on ne devrait pas avoir d’interrogatoire préalable », commente Robert Pidgeon.

Éliminer la paperasse : « C’est dans notre culture, en matière civile, de faire des défenses écrites », déplore le juge Pidgeon, qui accueille à bras ouverts la notion d’oralité inscrite dans le nouveau Code. À moins d’un dossier complexe, les éléments de contestation d’une partie pourront être livrés à l’oral et consignés au procès-verbal de l’audience ou dans un exposé sommaire. « On veut supprimer l’écrit, la paperasse. Fini les procédures de 6, 7, 10, 15, 20 pages », avance le magistrat.

Favoriser les règlements à l’amiable : Le nouveau Code prône haut et fort la culture de l’entente plutôt que celle du procès par l’entremise de la négociation, le règlement à l’amiable et l’arbitrage. Avant même d’introduire une demande en justice devant les tribunaux, les parties doivent maintenant considérer un recours aux services d’un médiateur pour tenter de régler leur litige, affirme le juge Pidgeon. « Le but est de prévenir un différend à naître ou de régler un différend déjà né », résume-t-il.

Conciliation des dossiers familiaux : En cas de séparation chez des conjoints de fait, les dossiers du partage des biens et de la garde des enfants seront joints, ce qui était le cas uniquement pour les personnes mariées. « Avant, il y avait un dossier en civil d’un côté et la garde des enfants de l’autre », explique le juge Pidgeon. Les délais pour une expertise psychosociale concernant la garde des enfants sont d’ailleurs resserrés à trois mois. « Pendant un certain temps, on attendait jusqu’à un an », déplore-t-il.

La règle de la proportionnalité : Le législateur introduit la règle de la proportionnalité pour enrayer les procédures exagérées. L’objectif est d’éviter qu’un justifiable ait à débourser 3000 dollars pour un expert, alors qu’il ne réclame que 5000 dollars à une partie, par exemple. « Ça n’a pas de bon sens, ça. On a disproportionné les choses. Ne prenez pas un canon pour tuer une mouche. Prenez une tapette à mouches. Les gens qui vont utiliser des moyens extrêmes vont se faire ramener à l’ordre », prévient le magistrat.
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12 commentaires

  1. Roger Breton
    Roger Breton
    il y a 8 ans
    Avocat
    Il faut parler et parler de ces nouvelles mesures pour les faire connaître et les assimiler. C'est un changement de paradigme que l'on veut opérer. Un beau défi, mais une belle occasion de regagner l'estime des justiciables qui ont déserté les tribunaux.

    Belle initiative de notre Juge en chef!

  2. anonyme
    anonyme
    il y a 8 ans
    Réforme?
    Le discours du Juge Pigeon....comme le chantait Dalida.....paroles, paroles, paroles....

    • Avocat
      Avocat
      il y a 8 ans
      Avocat
      Euh, non
      non
      désolé.
      Le monde a évolué. On n'a plus ces références antiques et poussiéreuses de l'époque de Dalida. Si vous avez fait votre Barreau dans les années 60, soit...

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 8 ans
    En bas de 150 000$, on ne devrait pas avoir d’interrogatoire préalable
    "En bas de 150 000$, on ne devrait pas avoir d’interrogatoire préalable"

    Il est surprenant que le juge ait cet avis dans la mesure où 150k$ c'est bcp d'argent pour le justiciable moyen. Il est normal de chercher à assurer une défense en connaissance de cause ce qui est plutôt difficile dans bien des cas sans cet interro. Et cet interro souvent aide les parties à régler...

    • Avocat
      Avocat
      il y a 8 ans
      Exactement
      On veut à tout prix pousser les parties à régler en restreignant les façons par lesquelles elles peuvent aller chercher l'information leur permettant de le faire.

      Complètement déconnectée, cette réforme.

  4. Me Gagnon
    Me Gagnon
    il y a 8 ans
    Paroles anonymes ?
    Anonyme, vous faites bien de conserver ce pseudonyme pour semer au vent vos paroles, paroles .. ;). Monsieur le juge PIDGEON, lui, est dans l'action.

  5. The King
    The King
    il y a 8 ans
    Plus ça change, plus c'est pareil....
    « Avant, le juge était là uniquement pour entendre la cause. Aujourd’hui, le juge prend la direction du dossier. Quels sont les problèmes ? Voici les solutions. Quelles sont vos requêtes ? Quelles précisions voulez-vous ? Pourquoi avoir recours à deux experts quand on peut en avoir un ? On peut intervenir dans tout ça. Pour les juges, ça va être très exigeant », concède-t-il.

    Ils disaient exactement la mëme chose avant la réforme de 2003. Le problème est qu'ils ont oublié d'intervenir. D'où la réforme actuelle.

  6. Isabelle
    Isabelle
    il y a 8 ans
    Proportionnel à quoi?
    "L’objectif est d’éviter qu’un justifiable ait à débourser 3000 dollars pour un expert, alors qu’il ne réclame que 5000 dollars à une partie, par exemple. "

    Ok. Et je fais quoi pour faire valoir un droit, si la question qui se pose est de nature technique/scientifique?

    Il y a des litiges dont le quantum est élevé mais l'enjeu est très simple. Et vice versa.

    Le principe de proportionnalité est, malheureusement, évalué seulement en fonction de la valeur financière du recours. Je ne comprends pas en quoi ça peut être juste.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 8 ans
      Exact
      Et il ajoute :
      « Les gens qui vont utiliser des moyens extrêmes vont se faire ramener à l’ordre », prévient le magistrat.

      Et quand est-il de ceux qui force justement la partie adverse à en arriver là ? Quand ce n'est pas le système lui-même !

      On a qu'à penser au rapport d'un psychologue qui devra éventuellement témoigné à grand frais pour un simple dommage moral facilement identifiable mais qu'il faut prouver autrement que par simple témoignage

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 8 ans
      Et j'ajouterais...
      ...qu'il est complètement erroné de penser que les mécanismes de présentation de preuve doivent différer pour un montant moindre. La rigidité de la règle de preuve est la même, peu importe la somme en jeu. Plusieurs justiciables se cassent la gueule et ne réussissent pas à prouver leur dire en essayant justement de sauver des frais d'experts. Et que dire des sommes allouées. Si on avait des "quantum" plus élevés, 3000$ pour une expertise deviendrait peut-être raisonnable...

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 8 ans
      Calcul simple
      Si tu as un litige de 5000$ avec deux parties qui paient une expertise à 3000$ chaque, ça coûte plus cher d'expert que le montant en jeu.

      Si tu as un litige de 5000$ avec deux parties qui partagent un expert commun à 3000$, ça fait 1500$ par partie. Et l'avis d'un expert commun favorise GRANDEMENT le règlement du dossier, dont économie de frais d'avocats. C'est déjà mieux non.

      Les avocats vont devoir entrer dans la réalité moderne pour éviter que l'industrie soit décimée, et pratiquer autrement.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 8 ans
      Abus?
      Tout à fait d'accord avec le principe que vous décrivez, cependant j'aimerais être capable de faire ce choix pour mon client plutôt que de me le faire imposer en raison du montant sans autres considérations.

      Poussant votre argument au bout, litige de 5000$, l'expertise de 3000$ ne sera jamais rentable ou logique. Coupe plutôt la poire en deux. On encourage donc les gens à "créer" des litiges puisqu'ils sauront que le système mettra de la pression pour régler au milieu sans égards pour la validité des positions.

      C'est ce qui est préconisé par le nouveau code, l'accès au système de justice ne devrait pas évacuer la notion même de justice.

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