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« Tout changement de carrière demande énormément d’humilité »

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Dominique Tardif

2017-11-01 14:15:00

Cette semaine, Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Me Grégoire Baillargeon, directeur général et Chef, Banque d’affaires et services bancaires aux sociétés de BMO Marchés des capitaux à Montréal.

Me Grégoire Baillargeon directeur général et Chef, Banque d’affaires et services bancaires aux sociétés de BMO Marchés des capitaux à Montréal
Me Grégoire Baillargeon directeur général et Chef, Banque d’affaires et services bancaires aux sociétés de BMO Marchés des capitaux à Montréal
1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier ou une autre profession? Êtes-vous de ceux qui sont « tombés dans la potion magique » quand ils étaient petits?

Je ne suis pas, non, de ceux tombés dans la potion magique. Cela dit, j’ai toujours aimé comprendre le fonctionnement des choses et le droit répondait à cet intérêt, comme il constitue en quelque sorte l’infrastructure de notre société.

Je me dirigeais, malgré cela, vers la finance, qui m’attirait beaucoup. C’est néanmoins avec enthousiasme que j’ai opté pour le droit lorsque j’ai été accepté à McGill : j’y voyais une occasion d’acquérir des bases qui me seraient utiles – et qui me paraissent toujours importantes aujourd’hui – en finance par la suite. Rapidement, je me suis intéressé aux aspects contractuels, fiscaux, bancaires et de valeurs mobilières du droit. J’étais assez convaincu qu’à terme, le droit ne serait qu’un passage…mais il faut l’avouer : il n’était pas si facile d’en sortir, d’autant plus que je prenais beaucoup de plaisir à pratiquer en droit des affaires!

Avocat à New York et à Montréal, j’ai quitté assez tôt pour aller en entreprise, dans le but de « me rapprocher de l’action ». J’ai pendant ce temps complété mon CFA, avec l’intention de faire autre chose ensuite, ce qui m’a conduit au investment banking.

2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?

La transition du monde du droit à celui de l’investment banking constitue, à ce jour, mon plus grand défi professionnel. En effet, tout changement de carrière demande énormément d’humilité, puisqu’on « ne commence nulle part ailleurs qu’en bas», ce qui n’est évidemment pas chose facile quand on est habitué à opérer à un certain niveau. Mes patrons, à l’époque, engageaient non pas un avocat mais bien un banquier, ce pour quoi j’allais désormais être évalué.

Travailler dans une banque plutôt que dans un cabinet d’avocats comportait par ailleurs son lot de changements. Il s’agissait d’une organisation très grande, aux priorités diverses et changeantes et au sein de laquelle je devais apprendre à naviguer. Si j’avais parfois eu l’impression de faire des « horaires de fou » en droit, c’était encore plus exigeant en investment banking. Cela consistait aussi en un changement de mentalité quant à la gestion du temps, faite de façon très différente dans une entreprise de services dont le modèle n’est pas de facturer à l’heure. En droit, il faut moduler le nombre d’heures investies en fonction de ce que le mandat peut supporter. Dans mon travail actuel, je travaille plutôt sur un paiement forfaitaire à long terme et pour lequel aucun autre service que le full speed n’existe. Enfin, et contrairement aux cabinets d’avocats, où les clients sont encore très loyaux à leurs avocats, la plupart des clients, dans mon milieu, travaillent avec la plupart des banques. La compétition est donc constante pour tous les mandats sans exception, d’où peut-être une paranoïa beaucoup plus élevée, dit-il dans un rire, mais aussi un éventail de clients beaucoup plus large.

3. Vous qui voyez maintenant la profession de l’externe, mais qui vous y connaissez : si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?

Si j’avais une baguette magique, et sans pour autant prétendre avoir en mains la solution pour y parvenir, je ferais en sorte que tous les avocats voient « le côté client » en travaillant en entreprise pendant une partie de leur carrière. À mon avis, l’un des irritants qu’ont les clients envers leurs avocats, à savoir cette façon théorique de voir les choses, serait ainsi atténué : les avocats comprendraient mieux la demande du client, ses besoins et, en fait, « l’autre côté de l’équation ».

4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?

Je pense que les choses sont un peu mieux aujourd’hui qu’elles ne l’étaient auparavant. J’ignore jusqu’où l’on peut parcourir le chemin de l’amélioration, mais les choses évoluent à mon avis dans la bonne direction.

De façon générale, je constate en effet que les gens ont une meilleure perception du rôle de l’avocat dans la société. Cela s’explique peut-être par le fait que la profession a été moins entachée, dernièrement, de scandales ou de situations impliquant des gestes malhonnêtes, ou peut-être par le fait que nous avons aujourd’hui de meilleurs paramètres pour assurer et encadrer l’éthique de la profession. Les avocats, je l’espère, comprennent aussi mieux, aujourd’hui, les stigmates parfois associés à la profession, et font conséquemment doublement attention à la façon dont ils se comportent en société.

5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière en droit et souhaitant devenir investment banker? Quel est le truc, pour celui qui en rêve?

Il faut beaucoup de conviction pour y arriver! Cela implique de ne jamais abandonner le projet et de toujours « pousser la balle » dans la direction souhaitée, en ajoutant constamment des cordes à son arc et en allant chercher le plus d’expérience possible.

Dans ce domaine, la curiosité est un excellent atout pour la réussite. Il faut savoir, comme avocat, s’intéresser aux autres aspects d’une transaction financière et poser des questions. L’avocat de droit transactionnel doit s’exposer aux transactions tombant dans le créneau de l’investment banking de façon à bien comprendre ce que ces derniers font dans la transaction. Je réalise assez régulièrement qu’il existe une certaine solitude entre ces deux mondes : très peu de banquiers comprennent ce que les avocats font vraiment, et vice versa, même si les deux sont pourtant essentiels aux rouages d’une transaction.

  • Le dernier bon film qu’il a vu : Unbroken (réalisatrice : Angelina Jolie)

  • Sa chanson fétiche : It Ain’t Me (Kygo & Selena Gomez), qui lui rappelle de bons souvenirs avec l’amour de sa vie et leurs deux enfants.

  • Sa citation préférée: « La meilleure façon de prédire l’avenir, c’est de le créer. »

  • Son péché mignon : La tarte au sirop d’érable du Marché Jean-Talon!

  • Son restaurant préféré : Le Leméac (avenue Laurier à Outremont), pour la vie entre amis!

  • Le pays qu’il aimerait visiter : La Chine.

  • Le personnage historique qu’il admire le plus : Martin Luther King, pour le pouvoir des mots et la preuve que le leadership peut changer bien des choses.

  • Il a déjà troqué le droit pour devenir banquier et, s’il n’était ni avocat ni banquier, il serait…certainement entrepreneur!




Me Grégoire Baillargeon est directeur général et Chef, Banque d’affaires et services bancaires aux sociétés de BMO Marchés des capitaux à Montréal. Il est responsable des relations clients et est conseiller pour les grandes entreprises dans divers secteurs. Au cours de son expérience chez BMO Marchés des capitaux, il a complété avec succès divers mandats en conseil financier et en fusions et acquisitions (incluant des acquisitions hostiles, des évaluations formelles, des acquisitions privées et des cessions), ainsi que des mandats de financement par actions et par dette pour des clients basés au Québec (incluant des PAPE, des placements publics et privés, des financements par dette convertible, des financements bancaires et obligataires et des financements de projets).

Avant de rejoindre BMO en 2004, il a exercé la fonction d’avocat spécialisé en droit des affaires et des valeurs mobilières chez Telesystem International Wireless Inc. ainsi qu’au sein de cabinets d’envergure à Montréal et à New York entre 1998 et 2004.

Grégoire est membre du Conseil d’administration du Musée McCord à Montréal et du Conseil d’administration de la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour Enfants. Il est membre du Conseil d’administration du Cercle Canadien de Montréal et est membre du Cabinet de campagne de Centraide du Grand Montréal. Il est Analyste financier agréé (CFA) et a complété le Cours sur les valeurs mobilières au Canada (CSC). Il dispose d’un Baccalauréat en Common Law et en Droit civil de l’Université McGill, et est admis au Barreau du Québec, de New York et du Massachussetts.
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