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Une juge libère un détenu pour « mauvais traitements »

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Radio -canada

2018-08-23 14:15:00

Elle invoque « des conditions de détention indûment sévères » pour expliquer la libération avant son jugement d'un petit trafiquant de drogue...

L'avocate de M. Duncan, Gina Igbokwe
L'avocate de M. Duncan, Gina Igbokwe
Robert Duncan a été arrêté après avoir vendu de l'héroïne à un policier en civil. Il a purgé plus de 200 jours de détention au Centre de détention de Toronto-Sud avant son procès, selon la décision du juge.

Il a été mis à 38 reprises en cellule de confinement durant ce séjour derrière les barreaux, atteste une lettre d'un responsable de la sécurité de l'établissement. Cette lettre a été déposée au tribunal et obtenue par CBC Toronto. Presque à chaque fois, c'était à cause de pénuries de personnel et 15 fois la mise en confinement a duré plus de 24 h.

Le temps passé par M. Duncan en détention provisoire était oppressif et physiquement préjudiciable, écrit la juge Katrina Mulligan dans sa décision. Elle ajoute qu'elle a condamné M. Duncan à une amende et à une probation.

La défense a soutenu que la détention provisoire de son client devait être multipliée à un taux normal, c'est-à-dire 1.5 jour pour chaque jour passé en détention. Selon elle, M. Duncan méritait également un crédit supplémentaire de 56 jours. Ce qui équivaut à un an en prison, le temps approprié pour son crime, avait réussi à démontrer son avocate.

La juge Mulligan a aussi constaté que M. Duncan souffrait de douleurs chroniques au dos et avait reçu un traitement médical « discutable » quand il séjournait en prison.

M. Duncan n'a pas pu être joint par téléphone pour commenter le sujet, mais il a décrit par écrit dans une déclaration déposée sous serment devant un tribunal le temps qu'il avait passé en détention provisoire.

Il a entre autres déclaré qu'il avait éprouvé de la « douleur et de l'engourdissement » à la suite d'une blessure qu'il s'est faite en 1999. Il avait reçu un diagnostic d'arthrose de la colonne lombaire ainsi que des opioïdes après avoir épuisé les autres traitements.

Il affirme s'être vu refuser des médicaments lors de sa détention.

En dépit du fait que j'avais des ordonnances de ma pharmacie, ils ne me fournissaient pas les médicaments prescrits, écrit-il dans sa déclaration, ajoutant que sa douleur avait monté au seuil « d'insupportable ».

Le centre de détention souvent montré du doigt

La décision de la juge suscite des inquiétudes quant aux problèmes persistants dans le centre de détention de Toronto qui a ouvert ses portes en 2014. Il a accueilli en moyenne 873 détenus en 2017, selon la province.

Des avocats spécialisés en droit criminel ont déclaré à CBC Toronto que les fermetures de prison ont contribué à raccourcir les peines imposées aux détenus, mais il n'existe pas de chiffre précis à ce sujet.

Ils ont aussi expliqué que les mesures de confinement se produisent régulièrement dans ce centre de détention provisoire et que cela peut durer durant de longues périodes.

Pouvez-vous vous imaginer assis dans une cellule avec comme compagnon quelqu'un qui ne s'est pas douché pendant cinq jours consécutifs?, questionne l'avocat Ryan Handlarski.

L'avocate de M. Duncan, Gina Igbokwe, ajoute de son côté que les mises en confinement peuvent entraîner des restrictions pour les détenus à pouvoir prendre une douche, rencontrer leur famille ou leurs avocats, mais aussi à sortir prendre l'air dans la cour.

Le gouvernement tient son cap

Un porte-parole du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels de l'Ontario a dit dans un courriel que les détenus en isolement « peuvent encore être autorisés à assister à des programmes, assister aux visites publiques ou professionnelles et prendre des appels téléphoniques, etc. »

Toutefois, poursuit le porte-parole « des restrictions peuvent être imposées, comme la restriction des mouvements, l'annulation d'un programme, etc. (Le choix est fait) en fonction de la raison de la mise en confinement ».
Les juges, pour leur part, commencent à reconnaître davantage le stress de vivre dans ces conditions dans certains cas, et peuvent parfois réduire les peines compte tenu de ces éléments.

Une pénurie de personnel

M. Handlarski raconte ainsi avoir récemment représenté un client reconnu coupable de trafic de drogue et que le juge a accordé quatre mois de réduction de peine après avoir reconnu que la mise en isolement au centre de détention était principalement dû à une pénurie de personnel.

Le président de la division des services correctionnels du Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario affirme aussi que le centre de détention manque de personnel.

Je dirais que nous sommes probablement maintenant à un bon 50 à 100 employés à temps plein de moins que ce que nous devrions être, dit-il.

Mais selon un porte-parole de la province, il y a « suffisamment de personnel pour gérer l'établissement de manière sûre et de nouveaux employés sont régulièrement ajoutés ».

Le porte-parole ajoute dans son courriel qu'il ne commentera pas en détail les effectifs, citant des « raisons de sécurité » non spécifiées.

Selon les statistiques provinciales, 138 détenus ont agressé du personnel de ce centre de détention en 2017.

Respect des droits de l'homme, selon son avocate

En février, le détenu est tombé de sa couchette et s'est ouvert la tête après avoir consommé de l'alcool de contrebande. Selon les rapports rédigés par le personnel et obtenus par CBC Toronto, M. Duncan a été décrit comme un belligérant et utilisant un langage raciste et misogyne avant d'être conduit à l'hôpital.

Dans sa déclaration sous serment, M. Duncan déclare qu'après avoir été soigné à l'hôpital il a été conduit en fauteuil roulant vers la camionnette qui devait le ramener au centre, où le personnel du centre de détention lui a demandé de se lever. Il affirme qu'il était alors dans l'incapacité de le faire et que le personnel l'avait soulevé par les bras.

Ils m'ont ensuite jeté dans la camionnette, la tête la première puis ont balancé mes jambes, écrit-il.

À son retour, il dit avoir été placé en isolement sans matelas ni oreiller.
La juge cite la façon dont a traité M. Duncan par le personnel comme des conditions « sévères », notamment en raison de la mauvaise gestion de l'état de santé du détenu.

De son côté, l'avocate Igbokwe rappelle que les droits de l'homme doivent être respectés à l'intérieur des centres de détention, même si « la prison n'est pas destinée à être un merveilleux endroit ».
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