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Des jugements plus longs

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Jean-francois Parent

2019-06-27 14:30:00

La longueur moyenne d’une décision rendue par un tribunal québécois a augmenté de plus de 40 % en 15 ans. Pourquoi?

Le président et chef de la direction de CanLII, Xavier Beauchamp-Tremblay estime que les jugements sont de plus en plus longs.
Le président et chef de la direction de CanLII, Xavier Beauchamp-Tremblay estime que les jugements sont de plus en plus longs.
C’est ce que constate le président et chef de la direction de CanLII, l'Institut canadien d'information juridique, Xavier Beauchamp-Tremblay.

Dans un billet de blogue du magazine Slaw.ca, l’ex-avocat en propriété intellectuelle chez Stikeman, puis Norton Rose, dans une chronique pour le magazine CanLII, s’est livré à un exercice de mathématique amusant avec les jugements civils rendus par les trois instances judiciaires du Québec.

Des bases de données de CanLII et de la SOQUIJ, il a ainsi extrait quelque 400 décisions civiles par an, par tribunal, pour un grand total de 18 000 décisions publiées sur 15 ans.

Il constate ainsi que de 2003 à 2017, en Cour supérieure du Québec, le nombre moyen de caractères par décision est passé de 18 000 à 28 000. La longueur moyenne d’une décision est ainsi passée de 11 à 17 pages.

En Cour du Québec, pour la même période, les décisions se sont allongées de 7 000 caractères, passant de 8 à 13 pages.

Sur 15 ans, les deux cours ont donc augmenté la longueur de leurs décisions de 44 % et 43 % respectivement.

La Cour d’appel, cependant, n’a ajouté que 20 % de longueur à ses décisions, le jugement moyen passant de 13 000 à 17 000 caractères. La longueur de la décision moyenne est donc passée de 8 à 11 pages.

Ce sont là des augmentations de longueur qui laissent supposer que le droit civil est en train de changer, poursuit le patron de CanLII.

De doctrine et de jurisprudence

Le droit civil, historiquement, met davantage l’accent sur la doctrine par rapport aux faits et à la jurisprudence.

La common law, au contraire, mise plutôt sur la trame factuelle et les précédents—la case law—pour motiver une décision.

Il ressort ainsi que les décisions rendues par les tribunaux en droit civil sont historiquement plus succinctes. L’exemple français, où les décisions des tribunaux inférieurs sont particulièrement courtes, est éloquent à cet égard, relève Xavier Beauchamp-Tremblay.

Au Québec cependant, « les avocats, comme ailleurs au Canada, aiment tout autant la jurisprudence, et il n’est donc pas rare de voir de substantielles plaidoiries être rédigées pour des affaires civiles de routine », constate Xavier Beauchamp-Tremblay.

Il reste que les jugements augmentent en longueur.

Une hausse qualitative

La question est maintenant de savoir pourquoi.

Xavier Beauchamp-Tremblay postule que la disponibilité toujours plus grande d’information juridique pourrait expliquer en partie cette augmentation.

L’avènement des ressources comme Soquij et CanLII, qui rendent l’information juridique plus facilement accessible au public—et à tout le monde juridique—suppose une augmentation des données, des arguments, et des précédents utilisés pour motiver une décision.

Plus les décisions sont publiées, et accessibles, plus on s’en sert, et plus cet usage se répercute dans les nouvelles décisions.

« On peut même soutenir que la qualité des décisions rendues au Québec augmente : les juges ne sont pas seulement plus volubiles dans leurs écrits. Ils citent aussi davantage de précédents et d’arguments pour étayer leur raisonnement, ce qui dénote une augmentation qualitative. »

Enfin, l’augmentation constatée « indique peut-être que ce n’est pas qu’une question de forme, mais que le droit civil lui-même change. Alors que les juges citent davantage de précédents, le raisonnement devient moins purement civiliste et davantage influencé par la common law », conclut Xavier Beauchamp-Tremblay.




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