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Accusée à tort, elle étudie en droit pour prouver son innocence

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Camille Laurin-desjardins

2020-08-11 11:15:00

Débarquée au Québec, une jeune Sud-Coréenne a dû passer deux jours en prison à cause de faux messages textes. Elle a entrepris une croisade pour être innocentée...

Eunyoung Hwang vient d’obtenir un jugement.
Eunyoung Hwang vient d’obtenir un jugement.
Trois ans après le début de cette saga, Eunyoung Hwang vient d’obtenir un jugement de la Cour des petites créances en sa faveur, obligeant son coiffeur et le cousin de celui-ci à lui verser 15 000$ en dédommagement.

Le Service de police de la Ville de Montréal a même remercié la jeune femme d’avoir porté à son attention l’application Fake Text Message, qui permet de créer de fausses conversations par texto.

« J’ai passé trois ans à me battre… Je suis même allée en prison! Je ne veux plus jamais revivre ça, c’était horrible! » s’exclame Eunyoung Hwang.

La jeune femme aujourd’hui âgée de 35 ans est arrivée au pays en 2016. Elle y a fait la connaissance d’Emrah Alu, un demandeur de statut de réfugié qui était aussi son coiffeur. Eunyoung Hwang affirme qu’elle et lui ont entretenu une relation amoureuse, ce que M. Alu nie.

En juin 2017, Mme Young a été arrêtée, menottes aux poignets. Emrah Alu et son cousin Serhat Ister (qui lui aurait servi d’interprète) avaient porté plainte à la police pour menaces de mort et extorsion. Emrah Alu affirme que Eunyoung Hwang s’est fait passer pour une agente de l’immigration et qu’elle a tenté de lui soutirer des milliers de dollars.

Copie des faux messages textes.
Copie des faux messages textes.
Selon elle, Emrah Alu était bénéficiaire de l’aide sociale et n’avait pas le droit de travailler, mais il le faisait quand même, comme coiffeur, au noir.

« La vérité, c’est qu’on a eu une grosse dispute, et qu’il a eu peur que je révèle ce que je savais sur lui aux autorités », affirme Eunyoung Hwang, qui a toujours clamé son innocence dans cette affaire.

À partir de son arrestation, elle est donc remise en liberté mais soumise à certaines conditions, dont celle de ne pas entrer en contact avec les prétendues victimes.

Des études en droit pour « me protéger et me défendre »

Environ un mois plus tard, les deux hommes font une nouvelle plainte à la police, montrant plusieurs messages textes menaçants qui auraient été envoyés par Eunyoung Hwang à Emrah Alu (ce qu’elle nie formellement). Dans ces faux messages, la jeune femme menaçait encore une fois M. Alu de le dénoncer aux autorités en immigration, s’il ne retirait pas sa plainte à la police.

Cette fois-ci, la jeune femme a dû passer deux jours en prison, en attendant sa comparution. De nouvelles accusations de bris de condition s’ajoutent à son dossier, en plus de menaces de mort et d’extorsion supposément de la part de Eunyoung Hwang, malgré le fait qu’elle clame son innocence.

Copie des faux messages textes.
Copie des faux messages textes.
De nouvelles conditions s’ajoutent : elle ne peut plus posséder de téléphone cellulaire. Elle ne peut donc pas communiquer avec sa famille, restée en Corée du Sud. Elle se sent très isolée.

La jeune femme qui se cherchait un emploi en marketing (son champ d’études en Corée du Sud) décide alors de se lancer dans des études en droit.

« Je me rendais compte que je connaissais rien au Code criminel, au statut de réfugié, à l’aide sociale… Je voulais me protéger et me défendre! »

Elle vient tout juste d’obtenir son diplôme de maîtrise en droit des affaires.

En Californie pour comprendre Fake Text Message

Parallèlement à ses études, Eunyoung Hwang s’est mise à faire des recherches sur les façons dont les fameux messages textes ont pu se retrouver dans l’historique de messages d’Emrah Alu.

Elle a découvert l’existence de Fake Text Message, mais n’a jamais réussi à l’utiliser. Elle affirme s’être rendue en Californie, au campus de Google, pour tenter d’éclaircir le fonctionnement de l’application.

Elle a ensuite compris que l’application ne fonctionnait qu’avec le système Android, et non avec les iPhone comme le sien. Le créateur de cette application, Melvin Zammit, a ensuite contribué avec les policiers pour faire la lumière sur cette histoire.

Un enquêteur en informatique du SPVM a finalement donné raison à la jeune femme.

Copie des faux messages textes.
Copie des faux messages textes.
Les registres d’appels obtenus auprès des fournisseurs de services cellulaires confirment que ces échanges n’ont pas eu lieu. Et une analyse du téléphone d’Emrah Alu a permis de constater qu’il avait téléchargé l’application Fake Text Message quelques minutes avant la prétendue réception des faux messages.

« Je suis d'avis que la suspecte n'a pas commis les actes qui lui sont reprochés (bris de conditions et extorsion) pour les événements du mois de juillet 2017. Je suis également d'avis que la victime a forgé les messages, dans un dessein inconnu, qui ont eu pour effet de faire accuser la suspecte alors qu'elle n'a pas commis les actes qui lui sont reprochés », conclut l’enquêteur Cédrick Chênevert dans son rapport.

Le 11 septembre 2018, le procureur du DPCP a confirmé que les accusations seraient retirées.

Le marketing plutôt que le droit… et en Californie plutôt qu’au Québec

Eunyoung Hwang déplore que pendant ces longs mois, elle a vécu beaucoup de stress, en plus de celui vécu lors de ses deux arrestations. Elle devait obéir à un couvre-feu et ne pouvait pas voyager.

Même si elle s’était fait quelques amis durant ses études, elle dit avoir coupé les ponts avec eux, quand les choses ont commencé à dégénérer.

« Je ne faisais plus confiance à personne, déplore-t-elle. Je me disais : si je me suis fait avoir par lui, ça peut m’arriver avec n’importe qui. »

Elle se rappelle avoir célébré sa victoire en pleurant dans les bras de sa travailleuse sociale, qu’elle tient d’ailleurs à remercier sincèrement, et sans qui elle n’aurait pas réussi à passer à travers toute cette histoire.

Elle affirme également que toute cette histoire a nui à ses démarches pour se trouver un emploi.

« ll est évident que la partie demanderesse a subi de multiples dommages dans ce dossier, tant au niveau des coûts engendrés et des troubles que de l'atteinte de ses droits et libertés », écrit le greffier spécial Vincent-Michel Aubé dans son jugement.

Me Aubé note également que le SPVM a remercié Eunyoung Hwang, « puisqu'elle a contribué à aider le SPVM à connaître une nouvelle technologie (l'application Fake Text Message), qui sera d'une assistance évidente dans la prévention des crimes technologiques ».

Maintenant qu’elle a étudié à fond les codes criminels et qu’elle a clairement démontré des aptitudes pour devenir une bonne avocate, Eunyoung Hwang ne voudrait-elle pas faire carrière dans ce domaine?

« Oh non! » répond-elle en riant.

Elle voudrait plutôt déménager en Californie pour travailler dans son domaine.

Mais elle espère surtout que l’application Fake text messages soit retirée des plateformes de téléchargement des applications mobiles.

Emrah Alu a fait parvenir une déposition écrite dans laquelle il nie toutes les allégations d’Eunyoung Hwang et sa version des faits, clamant notamment qu’elle est une experte en informatique. Mais sa version n’a pas pu être prise en considération, puisqu’il a omis d’acquitter le timbre judiciaire de contestation, selon le jugement.

Contacté par Droit-inc, l’avocat de Emrah Alu, Me Umberto Macri, n’a pas souhaité commenter parce qu’il était en vacances.
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1 commentaire

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 3 ans
    Le police mérite d'être poursuivie et très lourdement condamnée
    "le SPVM a remercié Eunyoung Hwang, « puisqu'elle a contribué à aider le SPVM à connaître une nouvelle technologie (l'application Fake Text Message), qui sera d'une assistance évidente dans la prévention des crimes technologiques »."



    De telles application existent depuis des années. Si les départements concernés, dans les corps de police, ignorent cela, leurs chefs devraient être virés pour incompétence.

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