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Fasken lance un nouveau groupe de pratique

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Camille Laurin-desjardins

2020-11-24 13:15:00

La sécurité nationale, ça ne veut pas nécessairement dire « terrorisme » ou « espionnage », explique une avocate qui fait partie de ce groupe multidisciplinaire...

Me Vanessa Henri. Photo : Site web de Fasken
Me Vanessa Henri. Photo : Site web de Fasken
L’idée de créer un groupe en droit de la sécurité nationale germait depuis plusieurs mois, chez Fasken. Mais la pandémie a accéléré les choses, en raison notamment des nombreux défis technologiques vécus par une multitude d’entreprises.

Le nouveau groupe multidisciplinaire est composé de six avocats répartis dans cinq villes canadiennes.

Mais qu’est-ce qu’on entend au juste par « sécurité nationale »? Et pourquoi est-ce important de l’intégrer aux groupes de pratiques du cabinet pan-canadien? Droit-inc en a discuté avec Me Vanessa Henri, avocate spécialisée en cybersécurité, au bureau de Montréal, et seule représentante québécoise de ce département.

Droit-inc : Qu'est-ce que c'est, ce nouveau groupe de droit de la sécurité nationale?

Vanessa Henri : Ça fait quelques mois qu'on en parlait, et la pandémie a un peu précipité les choses... C'est un groupe multidisciplinaire, qui entoure une industrie, et non pas un type de pratique. Ce ne sont pas nécessairement des avocats spécialisés en sécurité nationale... Moi, par exemple, ma spécialité étant en cybersécurité, je travaille beaucoup avec des infrastructures critiques du gouvernement.

On a une expertise en contrôle des exportations, en appels d'offres auprès du gouvernement fédéral, parce qu'il y a beaucoup de domaines de la défense qui se trouvent là, au niveau contractuel, que ce soit même en fusions et acquisitions avec ce type de compagnies...

C’est important de comprendre que souvent, quand on lit « sécurité nationale », on pense à terrorisme ou à espionnage... Oui, il y a ça. Mais le concept de sécurité nationale, si on regarde auprès du gouvernement et de toutes les industries qui en font partie, on se rend compte qu'en fait, c'est d’être capable d'aller à l'épicerie, d'aller chercher de la nourriture, d'en avoir assez, d'avoir des hôpitaux sécuritaires, d’avoir accès à l'éducation…

Ce sont 12 secteurs de l'économie, et ça inclut beaucoup, maintenant, ce qu'on va appeler l'industrie 4.0, comme les villes intelligentes, par exemple. Ce sont des projets qui font partie de la sécurité nationale du Canada, parce que sans ça, nos droits fondamentaux sont affectés.

Donc c'est un groupe qui vise à accompagner, soit le gouvernement, soit des entreprises de toutes les tailles. Ça peut être une très grande entreprise de transport ou peut-être une petite entreprise qui fournit un petit morceau d’une infrastructure d'Hydro-Québec. Mais cette entreprise est un gros morceau du ''puzzle'' en matière de sécurité.

Et pourquoi la pandémie a-t-elle accéléré les choses?

Déjà, on a commencé à dire aux gens s’ils sont dans un secteur essentiel ou non... La grande majorité des gens qui se sont déclarés essentiels, c'était effectivement des industries qui étaient visées par la Loi fédérale comme des infrastructures critiques. Et je pense qu'on n’a jamais autant apprécié le fait d'être capable d'avoir de la nourriture à l'épicerie!

Je pense à des applications, comme UEAT (une application de livraison de nourriture)… jamais on ne leur aurait dit avant qu'ils étaient une infrastructure critique! Mais aujourd'hui, c'est ça. Ou bien Zoom... ils ne pensaient pas qu'ils allaient avoir des millions de réunions par jour, comme c’est le cas! Ils ont fait ça pour que tu aies du ''fun'' à appeler ta tante en Californie! Et aujourd'hui, ils sont devenus une infrastructure critique très rapidement! Zoom s’est très bien reviré, ils ont fait beaucoup d'efforts. Mais ça peut être très demandant pour une entreprise, tout d’un coup.

Si vous parlez à des grandes entreprises, dans la livraison de nourriture, qui ont dû engager 500 à 600 personnes en un mois... Elles ont doublé leur ''staff''! Elles ont besoin d'être soutenues, parce qu'elles en ont par-dessus la tête!

La première des choses, c'est que les infrastructures critiques, aujourd'hui, c'est beaucoup de technologie. Donc souvent, ce sont des réseaux qui sont reliés les uns aux autres.

Et en même temps, on a vécu une transformation digitale. Ça veut dire qu'il y a beaucoup d'entreprises qui ne savent même pas qu'elles sont des infrastructures critiques, et qui, peut-être, ne gèrent pas leur compagnie comme elles devraient le faire. Et là, je pense autant à la sécurité de l'information que, d'un autre côté, à la résilience de l'entreprise. Parce que si on n'avait pas tous ces services internet, ce ne serait pas la même pandémie!

C'est aussi dans une perspective de sensibilisation de ces entreprises, de leur offrir un ''package deal'' pertinent, maintenant, rapidement, sans qu’un avocat ne lance la balle à un autre... Parce que ça, c'est l'autre impératif : on est dans une situation ou on ne peut pas vraiment attendre, quand on a des réseaux internet de livraison de nourriture... Ça prend des avocats très réactifs, qui comprennent bien la continuité d'affaire qui est nécessaire pour le client.

Donc on s'est dit : on va se mettre ensemble, chacun avec notre expertise, on va mieux servir ces clients, plus rapidement, surtout dans un contexte de pandémie...

D’ailleurs, Zoom a eu des problèmes de confidentialité…

Oui… Mais quand tu fais un projet une journée, tu ne pensais pas nécessairement que les gens allaient faire des ''meetings'' confidentiels de sécurité nationale sur ton produit! Donc tu y es allé avec des normes de sécurité qui étaient, somme toute, normales. Mais là, l'utilisation qu'on fait des compagnies, des produits, des technologies a changé très rapidement. Ces gens-là doivent suivre très rapidement. Et ça va leur prendre des conseils.

À l'inverse, j'en ai vu beaucoup qui viennent nous voir parce qu'ils ont un service qu'ils veulent offrir pour aider, ils veulent aider le gouvernement fédéral, les étudiants… Tout le monde veut aider... mais il y a des façons d'aider, quand on a des soucis par rapport à la sécurité nationale. Il faut suivre des procédures. Et justement, avec quelles compagnies le gouvernement va-t-il travailler? Il n'a pas beaucoup de temps pour décider! On parle beaucoup de gestion des vendeurs.

Et vous, vous vous occupez du volet concernant la cybersécurité?

Oui, ma spécialité est beaucoup autour de la cybersécurité, mais également la négociation de contrats technologiques. Le téléphone ne dérougit pas, ces temps-ci. On m’appelle et on me dit : « j'ai besoin d'avoir un Zoom dans mon entreprise, je n'ai rien, et il faut que j'aille en ligne maintenant! »

Donc il faut négocier tout ça très vite... On n'a pas le temps de faire le ''render due diligence'' de 200 000 questions qu'on fait d'habitude. Il faut que je les aide à négocier des clauses pour que plus tard, ils puissent le faire. On est vraiment en réactif, plus qu'en proactif, et on doit aider les clients à naviguer à travers ça, pour qu'ils puissent redevenir éventuellement proactifs, et qu'ils ne soient pas pris avec des problèmes de sécurité, et des données, par exemple, qui sont envoyées ailleurs dans le monde...

Vous avez donc vu beaucoup d’entreprises dont les besoins technologiques changeaient, tout d'un coup, à cause de la COVID?

Oui! Pour travailler à distance, surtout! Moi, à l'époque (rires) — ça fait vraiment longtemps que je ne suis pas allée au bureau! Mais à l'époque, on allait numériser un document, pas de problème.

Là, aujourd'hui, si je ne donne pas à mes employés une façon de le faire sécuritairement, ils vont faire quoi? Ils vont télécharger une application gratuite, et ils vont numériser leur document... Mais si ce sont des renseignements confidentiels, ça vient d'être envoyé Dieu sait où... Donc il faut leur donner les outils, sinon, ils vont se débrouiller! Mais tous ces outils-là, il y a des contrats qui viennent avec.

Ce groupe est en fonction depuis quand?

Il a été lancé officiellement il y a environ deux mois. Quand la pandémie est arrivée, le besoin est devenu beaucoup plus criant qu'avant. Donc, on s'est dit : « prêts, pas prêts, ''go''! » Parce qu'il faut aider.

On s'est rendu compte qu'il y avait vraiment un trou dans les offres des cabinets canadiens, en ce qui concerne la sécurité nationale. Ce n'est pas vrai que si tu tapes « sécurité nationale » sur Google, tu sais quel avocat aller voir…

On a voulu créer ce groupe pour répondre à un besoin. Et ce n'est pas comme si c'étaient des nouveaux services, ce sont toutes des choses qu'on fait déjà. C'est juste de la façon dont on l'apporte au client, c'est plus facile pour lui de s'y retrouver.

Ça crée à l'intérieur, pour nous, un réseau pour servir le client. Parce qu'il faut comprendre que c'est énorme, Fasken! Il y a du monde partout... et il y a bien du monde que je ne connais pas!

Donc développer ces sous-groupes d'intérêt commun, ça bénéficie non seulement aux clients, mais aussi aux avocats, et même aux plus jeunes avocats qui vont vouloir évoluer là-dedans — ça leur donne une structure d'apprentissage.

On imagine que vous ne manquerez pas de travail au cours des prochaines années…

Honnêtement, on a tous eu une petite inquiétude... parce qu'on est déjà occupé (rires)!

J'en profite pour inviter tous les étudiants à aller étudier en vie privée… Il y a beaucoup de travail dans le secteur technologique, et c'est intéressant, parce que c'est du travail de fond, en prévention. Les gens ont la chance de faire en sorte que justement, ça ne se rende pas au tribunal. On a la chance de mettre à profit notre expertise de façon préventive, et il y a très peu de domaines de droit qui font ça.

En droit de la famille, on peut faire un peu de médiation familiale, mais on ne peut pas aller chez le client et lui dire de ne pas se chicaner avec la mère de son enfant! Là, on peut aller chez le client et on peut regarder ce qu'il a, et lui dire ce qui n'est pas correct. Et on peut lui dire comment le faire.

Donc c'est une nouvelle possibilité, aussi, pour les avocats. On a très longtemps été en mode réactif, ce qui a sûrement contribué à véhiculer l'image qu'on profite du malheur des autres, dans la société... Là, on a la chance de ne pas le faire! C'est super intéressant comme pratique, et c'est super intéressant comme opportunité, et je pense que ça marque aussi un certain virage dans la profession, et dans la façon dont on écrit les lois. On est beaucoup plus préventifs qu'avant.
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