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Un article de loi interdisant la désinformation jugé inconstitutionnel

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Radio -canada

2021-03-18 12:00:00

Il contreviendrait au droit à la liberté d’expression...

Joanna Baron, directrice générale de la CCF. Photo : Site web de la CCF
Joanna Baron, directrice générale de la CCF. Photo : Site web de la CCF
Un article de la loi électorale canadienne visant à limiter la désinformation pendant les élections a été annulé et déclaré inconstitutionnel par la juge Breese Davies de la Cour supérieure de l'Ontario.

Dans une décision de 15 pages rendue le 19 février dernier, la magistrate a décidé que cet article constituait une restriction injustifiable du droit à la liberté d'expression.

C’est la Fondation de la Constitution canadienne (Canadian Constitution Foundation ou CCF) qui a contesté l’article 91 de la Loi électorale du Canada en 2019, jugeant qu’il empêchait le libre discours sur la politique.

L'article 91 a été ajouté à la loi électorale en 2018 dans le cadre du projet de loi sur la modernisation des élections. Il interdit de faire une fausse déclaration, pendant une campagne électorale, voulant qu'un candidat, un candidat potentiel, le chef d'un parti politique ou une personnalité associée à un parti politique fasse l'objet d'une enquête ou ait commis une infraction.

Il interdit également les fausses déclarations concernant leur citoyenneté, leur lieu de naissance, leur éducation, leurs qualifications professionnelles ou leur appartenance à un groupe ou à une association.

« Cela change la façon dont les Canadiens peuvent se sentir libres et ouverts dans leurs discours sur la politique et les candidats politiques », considère Joanna Baron, directrice générale de la CCF.

« Maintenant que cette loi a été déclarée inconstitutionnelle, les Canadiens pourront s’engager dans un discours libre sans que la menace d’amendes draconiennes ou d’enquêtes plane au-dessus de keur tête lors des prochaines élections », ajoute-t-elle.

Équilibre entre liberté d’expression et désinformation

En vertu de la Constitution canadienne, une loi ne peut porter atteinte à un droit garanti par la Charte canadienne des droits et libertés que si elle constitue une restriction raisonnable pouvant être justifiée. Dans sa décision, la juge Davies a donc dû examiner l'équilibre entre la liberté d'expression et la nécessité de lutter contre la désinformation.

« Le discours politique est le type d'expression le plus précieux et le plus protégé (…). Le libre échange d'idées politiques est essentiel au bon fonctionnement d'une démocratie », a écrit Mme Davies dans son jugement.

« Toutefois, la diffusion de fausses informations pendant les élections peut menacer notre démocratie. Elle peut saper la confiance du public dans nos institutions démocratiques et la sécurité de nos élections. La diffusion de déclarations délibérément fausses fait obstacle à la recherche de la vérité et, par conséquent, elle ne bénéficie pas du même niveau de protection (…) que le discours politique », a-t-elle aussi indiqué.

En grande partie, son jugement a étudié la décision du gouvernement de supprimer en 2018 l'exigence de la loi qui disait que quelqu'un doit « sciemment » faire de fausses déclarations pour être en situation d’illégalité.

Ce changement a joué un rôle dans sa décision de déclarer l’article 91 inconstitutionnel car, dit-elle, il est nécessaire d’exiger qu'une personne sache qu'une déclaration est fausse lorsqu'elle la fait pour justifier une restriction à la liberté d’expression.

Le ministre du Patrimoine, Steven Guilbeault. Photo : Site web du Premier ministre du Canada
Le ministre du Patrimoine, Steven Guilbeault. Photo : Site web du Premier ministre du Canada
Ottawa pourrait faire appel

Le gouvernement fédéral avait demandé à la Cour de suspendre pendant 12 mois l’entrée en vigueur de sa décision sur l’article 91. La juge Davies a plutôt décidé qu'elle prendrait effet immédiatement.

« Je reconnais que si je refuse de suspendre la déclaration d'invalidité, il y a un risque qu'une élection fédérale soit déclenchée avant que le Parlement puisse adopter un remplacement de l'article 91 de Loi électorale du Canada, s'il souhaite le faire », a-t-elle avoué dans son jugement.

« Toutefois, cela ne laisserait pas les fausses déclarations pendant une élection complètement sans réglementation. On pourrait toujours avoir recours au droit civil sur la diffamation ou aux dispositions du Code criminel qui interdisent le libelle diffamatoire », a-t-elle spécifié.

Ottawa n'a pas encore décidé s'il allait en appeler de la décision et dit « l’examiner de près ».

Ce jugement survient au moment où le ministre du Patrimoine, Steven Guilbeault, pense à déposer « dans un avenir proche » un projet de loi visant à freiner la haine en ligne sur les médias sociaux.

La CCF dit de son côté être préoccupée par certaines choses qu’elle a entendues à propos de ce projet de loi, comme la possibilité que le gouvernement exige des médias sociaux qu'ils retirent les messages considérés comme des discours haineux dans les 24 heures suivant leur publication.

« Nous craignons que les plateformes fassent preuve de prudence et finissent par supprimer toutes sortes de choses qui ne constituent pas un discours haineux. Nous surveillons cela de près et nous sommes prêts à le contester devant les tribunaux », explique Joanna Baron.

''Selon un reportage de Elizabeth Thompson, de CBC''
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