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L’intelligence artificielle, bientôt réglementée au Canada?

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Guillaume Laberge Et Eric Lavallée

2021-04-14 11:15:00

Le développement de l’intelligence artificielle soulève de nombreuses questions juridiques. Deux spécialistes font le point…

Les auteurs : Mes Guillaume Laberge et Eric Lavallée. Photos : Site web de Lavery
Les auteurs : Mes Guillaume Laberge et Eric Lavallée. Photos : Site web de Lavery
Jusqu’à maintenant, aucune réglementation précise n’encadre l’utilisation de l’intelligence artificielle au Canada. Certes, les lois relatives à l’utilisation des renseignements personnels et prohibant la discrimination trouvent toujours application, peu importe qu’il s’agisse de technologies dites d’intelligence artificielle ou de technologies plus conventionnelles.

L’application de ces lois à l’intelligence artificielle soulève toutefois plusieurs questions, particulièrement lorsque l’on traite de « réseaux de neurones artificiels » dont l’opacité des algorithmes qui les composent rend difficile la compréhension des mécanismes décisionnels par les personnes concernées. Ces « réseaux de neurones artificiels » ont la particularité de ne permettre que peu d’explications sur leur fonctionnement interne.

Le 12 novembre 2020, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a publié ses recommandations visant la réglementation de l’intelligence artificielle (1). Soulignant que les utilisations de l’intelligence artificielle nécessitant des renseignements personnels peuvent avoir de graves conséquences sur la vie privée, le Commissariat y va de plusieurs recommandations, notamment les suivantes :
  • Obliger ceux qui mettent au point ces systèmes à s’assurer de la protection de la vie privée au moment de la conception des systèmes d’intelligence artificielle ;

  • La création d’un droit des personnes concernées d’obtenir une explication, en termes compréhensibles, leur permettant de comprendre les décisions rendues à leur égard par un système d’intelligence artificielle, de même que s’assurer que ces explications soient fondées sur de l’information exacte et qu’elles ne soient pas discriminatoires ou biaisées ;

  • La création d’un droit de contester les décisions découlant de la prise de décision automatisée ;

  • Le droit de l’autorité de réglementation d’exiger des preuves de ce qui précède.


Notons que ces recommandations comprennent la possibilité de l’imposition de sanctions financières aux entreprises qui ne respecteraient pas ce cadre règlementaire.

De plus, contrairement à l’approche retenue par le Règlement général sur la protection des données et le projet de loi 64 du gouvernement du Québec, les droits à l’explication et à la contestation ne seraient pas limités aux décisions prises uniquement de manière automatisée, mais viserait aussi les cas où le système d’intelligence artificielle assiste un décideur humain.
Il est probable que ces propositions encadrent un jour ou l’autre le fonctionnement de systèmes d’intelligence qui sont déjà en cours de mise au point. Il serait donc prudent pour les concepteurs de tenir compte de ces recommandations et de les intégrer dans leurs paramètres de mise au point des systèmes d’intelligence artificielle dès maintenant

Si ces recommandations sont intégrées à la réglementation, il faudra en outre réfléchir aux moyens d’expliquer le fonctionnement des systèmes visés par les décisions prises par l’intelligence artificielle ou s’y appuyant. Comme le mentionnent ces recommandations : « Bien que les secrets commerciaux puissent exiger des organisations qu’elles fassent preuve de prudence dans les explications qu’elles fournissent, une certaine forme d’explication valable serait toujours possible sans compromettre la propriété intellectuelle (2) ».

C’est pourquoi il pourrait être crucial de faire appel à des avocats spécialisés dans ces questions dès la conception des solutions qui utilisent l’intelligence artificielle et les renseignements personnels.

1. https://www.priv.gc.ca/fr/a-propos-du-commissariat/ce-que-nous-faisons/consultations/consultations-terminees/consultation-ai/reg-fw_202011/
2. ''Ibid''.


À propos des auteurs

Mes Guillaume Laberge et Eric Lavallée sont associés chez Lavery. Me Laberge est membre du groupe de Droit administratif, tandis que Me Lavallée exerce au sein du groupe de Droit des affaires.
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