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Nouveaux juges de paix nommés : des avocats de la défense alarmés

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Radio -canada

2021-07-12 13:30:00

Des avocats de la défense sont préoccupés face aux nouvelles nominations de juges de paix…

Me Michael Spratt est un avocat de la défense en Ontario.. Source : Radio-Canada
Me Michael Spratt est un avocat de la défense en Ontario.. Source : Radio-Canada
Les avocats de la défense tirent la sonnette d'alarme après la nomination par le gouvernement Ford d'un grand nombre de nouveaux juges de paix, dont plus d'un tiers sont liés aux milieux policiers, militaires et correctionnels. Cette décision est qualifiée de « jour sombre pour l'apparence de justice en Ontario » par un de ces avocats.

La semaine dernière, la province a annoncé que 41 nouveaux juges de paix seraient nommés à la Cour de justice de l'Ontario, à compter du 8 juillet, à la suite des modifications apportées à la Loi sur les juges de paix au début de la pandémie. Quinze de ces personnes ont déjà fait carrière dans les Forces armées canadiennes, dans divers services de police, dans les services frontaliers ou comme agents de libération conditionnelle.

Ce n'est pas la première fois que des juges de paix qui viennent de ces domaines sont nommés. Cependant, l'ampleur de cette nouvelle série de nominations fait partie, selon les critiques, d'une tentative plus large du gouvernement Ford d’exercer un plus grand contrôle sur le système judiciaire.

« Il s'agit d'un développement profondément troublant », a déclaré l'avocat de la défense criminelle Michael Spratt à CBC News.

« Le nombre de policiers, d'agents d'application de la loi et d'agents correctionnels qui sont nommés soulève d'énormes problèmes potentiels, non seulement pour l'administration de la justice, mais aussi pour la perception qu'ont les accusés et le public de la façon dont la justice sera administrée », a déclaré Me Spratt en entrevue.

« Les officiers de police sont des acteurs partisans. Avoir quelqu'un qui peut arrêter des individus et plaider pour leur détention un jour, puis décider de la question de la libération sous caution le lendemain est profondément problématique ».

Changements inclus dans une loi sur la pandémie

Des changements à la loi sur les juges de paix ont été inclus dans la loi de relance économique 2020 COVID-19. Ce geste est considéré comme une tentative à peine voilée de refondre le système judiciaire à l’image des convictions politiques du gouvernement Ford par les avocats consultés par CBC News.

Les juges de paix déterminent si une personne accusée doit être libérée sous caution ou rester derrière les barreaux en attendant son procès. Ils peuvent également décider d'accorder un mandat de perquisition à la police et autoriser les ordonnances de production de documents tels que les relevés téléphoniques et bancaires à remettre à la police.

Ils sont aussi chargés du sort de presque toutes les infractions provinciales, des contraventions pour excès de vitesse aux dossiers de santé et de sécurité au travail, et parfois même d’infractions à la loi électorale municipale.

Les juges de paix sont choisis par le procureur général à partir d'une liste fournie par un comité consultatif indépendant. Les modifications apportées à la loi réduisent le nombre de membres de ce comité de 63 à 38, donnent au procureur général la possibilité de recommander des critères de sélection supplémentaires et augmentent le nombre de candidats présentés au procureur général de deux à six.

« (Le gouvernement) n'avait aucune raison de jouer avec le système en place à moins d’avoir un groupe spécifique de personnes à promouvoir », selon Me Spratt.

En 2019, le procureur général de l'Ontario Doug Downey s’est présenté à l'émission télévisée The Agenda de TVO. Il y avait alors indiqué qu'il voulait accroître la diversité des nominations judiciaires.

« Il y a deux parties dans la nomination des juges. La première consiste à décider s'ils sont qualifiés ou non, et c'est vraiment important. Mais la deuxième partie consiste à choisir des personnes qui, vous savez, reflètent certaines des valeurs que j'ai », avait-il déclaré à l'époque.

Il est urgent d'améliorer le système, selon le gouvernement

Dans une déclaration à CBC News, la porte-parole Kerstie Schreyer a déclaré que les qualifications obligatoires pour devenir juge de paix n'ont pas changé et que le comité de nomination des juges de paix recrute des candidats « indépendamment du gouvernement ».

« Le procureur général ne peut recommander la nomination que des candidats qui ont été classés par le Comité consultatif des nominations des juges de paix comme « recommandés » ou « hautement recommandés » », a précisé Mme Schreyer.

Celle-ci ajoute que le nouveau processus « assure une plus grande transparence et encourage une plus grande diversité » et exige que le comité consultatif publie des statistiques sur la diversité dans le cadre de ses rapports annuels. Elle a également déclaré qu'il était « urgent d'assurer l'amélioration du système », notant que seulement 12 juges de paix avaient été nommés pour combler 34 postes l'année précédente.

Au cours des cinq dernières années, il n’y a jamais eu plus de 28 juges de paix en poste en Ontario.

« En comblant plus rapidement les postes vacants de juges de paix, les Ontariens bénéficieront d'un système de justice qui répond aux besoins des personnes qui naviguent dans le processus juridique », a-t-elle déclaré.

Elle a également indiqué que les changements avaient été proposés avant la pandémie de COVID-19.

Sur les 41 nouvelles personnes nommées, six ont des noms correspondant à ceux de donateurs du Parti conservateur figurant sur la liste des contributions politiques d'Élections Ontario, comme l'a d'abord noté la publication en ligne QP Briefing.

La Cour de justice de l’Ontario a refusé de confirmer ou d’infirmer si les juges récemment nommés étaient effectivement des donateurs au Parti progressiste-conservateur.

De son côté, le bureau du procureur général Doug Downey n'a pas répondu à la question.

Pour Joshua Sealy-Harrington, professeur adjoint de droit à l'Université Ryerson, « les tribunaux sont toujours politiques ». Il craint cependant que ce changement ait un impact plus systémique sur l'administration de la justice, la poussant « vers une vision conservatrice de (...) la sécurité publique (et de) la justice ».

De son côté, John Struthers, président de la Criminal Lawyers Association, dit craindre que l'héritage du gouvernement Ford ne persiste longtemps dans le système judiciaire. Les juges de paix siègent généralement durant des décennies.

« Nous sommes témoins d’un (gouvernement) qui bourre la magistrature avec [des gens qui ont] un point de vue particulier », a déclaré M. Struthers à CBC News.
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