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Des erreurs policières écartent des preuves contre un ex-avocat

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Didier Bert

2021-11-11 10:15:00

L’accusé, poursuivi en matière de pornographie juvénile, n’avait pas pu joindre son avocat sans délai...

Me Olivier Morin. Source: Morin Avocats
Me Olivier Morin. Source: Morin Avocats
L’avocat criminaliste Olivier Morin en est convaincu: « quand tout le monde fait son travail, nous sommes la meilleure démocratie au monde. Mais cela demande du courage. »

Me Morin illustre son propos avec l’affaire Samuel Beaugé-Malenfant, cet ex-avocat poursuivi pour production de pornographie juvénile, qui a obtenu l’exclusion d’éléments de la preuve en raison d’erreurs de policiers lors de son arrestation le 4 août 2018.

Le juge Érick Vanchestein de la Cour du Québec a accepté qu’une partie de la preuve soit exclue des poursuites engagées contre l’ex-avocat.

« C’est une décision rigoureuse et courageuse », salue Me Olivier Morin.

L’accusé, âgé de 28 ans, est inculpé de plusieurs chefs d’infraction de voyeurisme, de possession et de production de pornographie juvénile, et d’attouchements sexuels sur des enfants de moins de 16 ans. Il aurait aussi produit des enregistrements vidéo de mineurs en attentant à leur vie privée.

Samuel Beaugé-Malenfant était représenté par Me Maxime Chevalier du cabinet Doyon Avocats et par Me Olivier Morin du cabinet Morin Avocats, qui ont déposé une requête demandant l’exclusion de plusieurs éléments de la preuve, car ceux-ci auraient porté atteinte à certains droits constitutionnels de leur client.

Rappel de l’histoire

Samuel Beaugé-Malenfant avait quitté précipitamment un chalet à Orford, où il avait invité une famille, après que celle-ci se soit aperçue que l’ex-avocat avait installé dans la salle de bains un réveille-matin équipé d’un enregistreur vidéo. La famille avait confronté l’homme de 28 ans, qui avait alors pris la fuite armé d’un couteau, menaçant de mettre fin à ses jours. Dans sa fuite, l’homme avait été rattrapé par des policiers, appelés par la famille.

Lors de son arrestation, les policiers avaient suspendu le droit à l’avocat de l’accusé, après avoir laissé un message sur la boîte vocale de l’avocat. Ils avaient attendu le remorquage du véhicule de l’accusé avant de se rendre au poste de police et lui permettre à nouveau de joindre son avocat, soit plus de 1h30 après l’arrestation, indique la décision du juge Vanchenstein.

Par la suite, une policière avait consulté des vidéos contenues dans le réveille-matin de l’accusé, sans attendre l’autorisation d’un juge.

« On s’entend que les policiers ont d’énormes responsabilités, pointe Me Olivier Morin. On leur demande d’agir en respectant le seuil minimal prévu par le code criminel. Mais quand ces règles de base ne sont pas respectées, c’est une violation des droits de l’accusé. »

Le juge Vanchenstein a exclu de la preuve des éléments en lien avec l’arrestation et l’exercice du droit à l’avocat, c’est-à-dire les déclarations faites par l’accusé aux policiers, son téléphone cellulaire, son ordinateur et tous les éléments contenus dans le sac de transport de l’ordinateur, indique la décision du juge Vanchenstein. Le contenu vidéo du réveille-matin demeure admis comme preuve.

Long processus

Me Olivier Morin insiste sur le fait que cette décision a été prise à l’issue d’un long processus. L’audition a duré six jours, et le dossier est en cours depuis trois ans. « Il y a des principes fondamentaux qui s’entrechoquent: la sécurité de nos enfants qui est une valeur fondamentale au Québec, la liberté, le droit à l’avocat qui peut sembler banal mais qui est fondamental », relève Me Morin.

Me Maxime Chevalier. Source: Site web du cabinet Doyon Avocats
Me Maxime Chevalier. Source: Site web du cabinet Doyon Avocats
« Il y a eu une violation sur le droit fondamental à l’avocat, et les policiers ont ramassé le sac de l’accusé immédiatement après. L’obtention de la preuve devient si proche de la violation que la preuve devient souillée. Utiliser une preuve souillée, cela déconsidèrerait l’administration de la justice. L’intérêt de la société serait brisé, poursuit Me Morin. Depuis, le temps est passé. Quel est le remède à cette violation? (…) La conduite de l’État ne passe pas: les policiers disposent de moyens énormes pour mener leurs enquêtes. (…) Et les choses ne sont pas en faveur de l’accusé: quand on se fait arrêter par la police, on est devant une machine. »

Or, cette machine a violé les règles les plus élémentaires, ajoute Me Morin, qui cite le moment de l’intervention armée des policiers face à un homme qui avait exprimé des intentions suicidaires. « L’avocat est sa ligne de survie, et on préfère appeler la remorqueuse », observe-t-il.

« La décision du juge est courageuse », martèle Me Olivier Morin. « Appliquer la loi, ce n’est pas une technicalité. (…) Il faut être courageux pour appliquer toutes ces notions. »

Le contexte de pornographie juvénile pourrait-il demander davantage de courage que sur d’autres types d’affaires? Me Olivier Morin n’a pas souhaité parler du fond de l’affaire, frappée d’une ordonnance de non-communication. Il se contente de lâcher : « plus le crime est grave, plus les lois et notre système doivent être appliquées scrupuleusement. »

Les exclusions de preuves n’empêcheront pas la tenue d’un procès. « Il est dans l’intérêt de la société que l’affaire soit jugée au fond, affirme Me Olivier Morin. Il faut que le procès ait lieu, que la justice suive son cours. »

Samuel Beaugé-Malenfant demeure inculpé pour voyeurisme et production de pornographie juvénile. Il risque la prison. Mais certains chefs d’accusation pourraient être abandonnés, compte-tenu des exclusions d’éléments de preuve, rapporte La Presse.
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2 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 2 ans
    « C’est une décision rigoureuse et courageuse » !!!!
    « quand tout le monde fait son travail, nous sommes la meilleure démocratie au monde. Mais cela demande du courage. »


    Si ça prend du courrage (une qualité fort peu répandue chez les gens soucieux de leur carrière) pour être rigoureux, c'est pas très rassurant pour l'état de notre démocratie.

    • DSG
      nous sommes la meilleure démocratie au monde
      The best democracy is not one that excludes evidence against pedofiles, but one that makes them suffer.

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