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L’importance de la déclaration annuelle obligatoire pour les professionnels

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Nathalie Dubé

2021-12-23 11:15:00

Une avocate explique l’importance de la déclaration annuelle obligatoire…

L’auteure de cet article:  Nathalie Dubé, avocate-associée chez Langlois.
L’auteure de cet article: Nathalie Dubé, avocate-associée chez Langlois.
Tous les professionnels savent, au renouvellement de leur inscription au Tableau de l’Ordre, qu’ils doivent remplir consciencieusement le formulaire de déclaration annuelle préparé par leur ordre professionnel. Pour ce dernier, le document sert, notamment, à identifier le membre et son champ de pratique ainsi qu’à connaître les situations, vécues dans le cadre de son travail ou à l’extérieur, pouvant affecter l’exercice de sa profession, ou encore l’honneur ou la dignité de la profession.

La décision rendue par le Conseil de discipline de l’Ordre des comptables professionnels agréés, dans l’affaire de M. Frédéric Murray, est intéressante puisqu’elle traite de l’importance de remplir de façon véridique la déclaration annuelle obligatoire1.

Voici un résumé des faits de cette affaire. En janvier 2020, l’intimé plaidait coupable à une infraction criminelle de voie de fait simple, punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire2. Quelques mois plus tard, en mars 2020, dans sa déclaration annuelle obligatoire, à la question « ''J’ai été déclaré coupable d’une infraction criminelle au Canada'' », il répondait « ''Non'' ». Or, à ce moment, sa peine n’avait toujours pas été rendue. Celle-ci l’a été en juin 2020, soit postérieurement à la complétion et signature de sa déclaration annuelle obligatoire (ci-après, DAO).

Le syndic de l’Ordre des comptables professionnels agréés a déposé une plainte disciplinaire contre l’intimé comprenant un chef d’infraction, et ce, pour avoir négligé de s’assurer de l’exactitude et de l’intégrité des renseignements fournis à l’Ordre dans sa DAO puisqu’il avait omis d’indiquer qu’il avait été déclaré coupable d’une infraction criminelle3. L’intimé a enregistré un plaidoyer de non-culpabilité à ce chef d’infraction.

Il a prétendu qu’à la date de la signature de la DAO, il n’avait pas été « déclaré coupable ». Il a soutenu qu’à ce moment, le procès-verbal du dossier criminel faisait état d’un plaidoyer de culpabilité et non d’une déclaration de culpabilité et que la sentence n’avait pas encore été imposée. Dans son analyse sur la culpabilité, le Conseil se prononce ainsi quant à cet argument :

Selon le Code criminel, la culpabilité d’une personne est déterminée soit par l’acceptation de son plaidoyer de culpabilité, soit par une déclaration à cet effet.

Les articles 2, 606 (1) et 730 (1) du Code criminel illustrent ce principe (…)

Ainsi, le 22 janvier 2020, le juge de la Cour municipale a accepté le plaidoyer de culpabilité de l’intimé. Il n’avait pas, en plus, à rendre un jugement en ce sens. Le juge n’avait qu’à procéder à l’étape suivante : la sentence. Le « jugement » rendu en juin 2020 concerne la sentence.

Le plaidoyer de culpabilité est une reconnaissance suffisante (…)4.

Le Conseil a déclaré l’intimé coupable de cette infraction. Il mentionne qu’en plaidant coupable à une accusation de voie de fait, l’intimé a reconnu sa culpabilité face à une infraction criminelle et qu’il devait donc en faire part à son ordre professionnel, et ce, non seulement dans sa déclaration obligatoire mais également en vertu de l’article 59.3 du ''Code des professions''.

Cette décision est intéressante également en ce qu’elle reprend l’importance de cette déclaration à l’Ordre en affirmant :

Le fait qu’un professionnel plaide coupable à une infraction criminelle est de nature à constituer un manquement grave et ne doit pas être banalisé, et ce, même si le poursuivant procède par voie sommaire comme c’est le cas de l’intimé. (…)5

Les questions à ce sujet, contenues dans les formulaires de déclaration annuelle, doivent être complétées consciencieusement afin de permettre à l’ordre professionnel d’exercer un contrôle sur ses membres. Conséquemment, il appartient à chaque professionnel de s’assurer qu’il fournit des informations exactes. Lorsqu’un professionnel omet de respecter ses obligations, il empêche l’ordre professionnel d’accomplir la mission qui lui est dévolue par l’article 23 du ''Code des professions'', soit la protection du public.

En conclusion, il importe donc de rappeler que, pour toute condamnation ou plaidoyer de culpabilité à une infraction criminelle, le professionnel a l’obligation de le déclarer à son ordre professionnel sans tarder, et ce, en vertu de l’article 59.3 du ''Code des professions''. Il doit en outre veiller à remplir consciencieusement sa déclaration annuelle obligatoire. L’article 59.3 C.P. stipule :

« Tout professionnel doit, dans les 10 jours à compter de celui où il en est lui-même informé, aviser le secrétaire de l’ordre dont il est membre qu’il fait ou a fait l’objet d’une décision judiciaire ou disciplinaire visée à l’article 55.1 ou 55.2 ou d’une poursuite pour une infraction punissable de cinq ans d’emprisonnement ou plus. »

Cette décision illustre bien cette obligation professionnelle. Elle apporte une précision importante à l’effet que, même si la sentence à l’infraction dont la personne a été déclarée coupable, par jugement ou par suite à un plaidoyer, n’a pas déjà été imposée, la condamnation doit être divulguée à son ordre professionnel.

Sur l’auteure

Nathalie Dubé est avocate-associée chez Langlois. Elle œuvre principalement en droit des assurances et en droit professionnel et disciplinaire.

__
# Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Murray, 2021 QCCDCPA 12.
# Art. 266b) du Code criminel.
# Art. 61 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, R.L.R.Q. c. C.-48.1, r. 6 et à l’article 59.2 du Code des professions, R.L.R.Q. c. C.-26.
# Paragr. 88-91 de la décision.
# Paragr. 64 de la décision.
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1 commentaire

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 2 ans
    On voit comment ça va évoluer
    La question du formulaire est précise, mais il fallait la comprendre de façon élargie pour inclure le plaidoyé de culpabilité et la procédure sommaire. On pourra surnomer ce principe, et la décision qui l'a introduit dans le droit, comme la jurisprudence "tsé veux dire".

    D'ici quelques années, on peut s'attendre à ce principe évolue pour devenir la jurisprudence "tsé veux dire, man, c'mon !" (qu'on pourra aussi appeler la jurisprudence Claude Prunier), afin que le sens des questions soit encore élargi en tenant compte des anglicismes et du français approximatif des rédacteurs de formulaires.

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