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Foutoir au tribunal

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Jean-francois Parent

2022-08-04 13:15:00

Pendant les audiences de ce qui ne manquera pas d’être une cause célèbre, ces avocats s’invectivent et menacent d’en venir aux coups.

L'avocat Reynal fait un doigt d'honneur à son opposant, Me Bankston. Source: Sebastian Murdoch, HuffPost.
L'avocat Reynal fait un doigt d'honneur à son opposant, Me Bankston. Source: Sebastian Murdoch, HuffPost.
La cause d’Alex Jones semble être perdue d’avance : le célèbre conspirationniste américain, poursuivi par les parents des victimes du massacre de l’école Sandy Hook, mise sur un avocat de haut vol pour assurer sa défense.

Or, voilà plutôt que cette défense s'embourbe davantage chaque jour.

Le procès pour diffamation d’Alex Jones, qui a duré une bonne partie de l’année à Austin, au Texas, représente la plus grosse poursuite jamais intentée dans ce type de dossier : 150 millions de dollars sont réclamés.

Alex Jones et son site InfoWars ont longtemps été l’un des principaux ténors de l’idée que les parents éplorés des victimes du massacre de l’école primaire Sandy Hook, en 2012, n’étaient en fait que des acteurs payés par l’État « profond » pour mettre de l’avant une politique de contrôle des armes à feu. Le massacre de 28 personnes, dont plus d’une vingtaine d’enfants tombés sous les balles d’un tireur fou, avait ébranlé l’Amérique.

Reconnu coupable de diffamation dans des décisions précédentes, Alex Jones attend maintenant de connaître le montant des dommages qui lui seront accordés par un jury de ses pairs. Au moment d’écrire ces lignes, le jury s’apprêtait à délibérer.

Diffamation

Dix ans et onze avocats plus tard, les procédures se présentent chaque jour un peu plus comme une foire d’empoigne, relate un long papier du magazine Texas Monthly.

Ainsi, les avocats au dossier ne laissent aucune place à l'ambiguïté de leurs sentiments : après une longue journée de témoignages, l’avocat d’Alex Jones F. Andino Reynal est surpris à faire le doigt d’honneur à son opposant, Mark Bankston, qui représente les poursuivants, les parents des victimes de Sandy Hook.

Et récemment, les deux chicaneurs se sont livrés à une prise de bec qui a failli virer aux échanges de coups.

Oh, et Andino Reynal a envoyé par erreur à la poursuite, voici quelques jours, des centaines de messages textes provenant du téléphone d’Alex Jones… dans lesquels ce dernier affirme exactement le contraire de ce qu’il déclare en cour, lors de son témoignage sous serment.



Le journaliste du HuffPost Sebastian Murdoch, qui couvre le procès en direct sur Twitter, rapportait d’ailleurs quelques heures plus tard que Me Reynal avait été entendu demander à son adversaire, Me Bankston, combien de messages textes il avait consulté…

Prendre la balle au bond

Andino Reynal est un nouveau venu dans l'affaire, lui qui est le onzième avocat à représenter Jones dans cette affaire. Arrivé dans le dossier en mars, Mark Bankston et lui ont croisé le fer dès les débuts : lors de sa première audience en mars, Reynal a accusé Bankston de déposer des motions farfelues, et en avril, Bankston s’est plaint d’avoir été invectivé par Reynal à la sortie du tribunal, jurant que les plaignants ne verraient jamais la couleur de l’argent réclamé.

En fait, Alex Jones a mis quatre de ses compagnies en faillite pour échapper aux multiples poursuites qu’il affronte.

Ancien procureur fédéral nommé par Obama, Me Reynal n'est pas fan d'Alex Jones. « Je ne défends pas seulement Alex contre les parents lésés des victimes de Sandy Hook, je le défends contre toute une structure qui l'a calomnié et l'a dépeint comme un monstre, alors qu'il ne l'est pas », a expliqué l’avocat au journaliste du Texas Monthly, Dan Solomon.

Il affirme avoir pris la balle au bond pour étayer la défense de Jones avec de bons arguments.

Tout un défi s’il en est un, puisque tous semblent se liguer contre lui : la juge du procès Maya Guerra Gamble lui reproche constamment de mal préparer ses témoins, sa bourde des textos est évidemment épique, et surtout il semble privilégier le style plutôt que la substance.

Avec lui, les effets de toges sont nombreux, selon le Texas Monthly, y allant de citations historiques pour ouvrir ses interventions, et n’hésitant pas à badiner avec tout le monde.

L’avocat est également pris avec les clients qu'il a, et ceux-ci accumulent les bourdes, ce qui nuit considérablement à Me Reynal : des clients qui arrivent en retard, qui discutent du dossier en ondes sur InfoWars… au point où la juge Gamble l’a pris à partie, se moquant carrément de lui en lui remettant ses erreurs de junior sous le nez.

Il reste qu’il peut être redoutable en contre-interrogatoire, observe le Texas Monthly, ayant plus d’une fois remis des témoins-experts à leur place.

« Il ressemble plus ou moins à l’image qu’on se fait d'un avocat de la défense bien nanti et très coûteux dans un film », écrit Dan Solomon.

Un foutoir

Mais à bien des égards, Reynal est foutu, opine le journaliste.

C'est peut-être un bon avocat, mais c'est aussi le onzième avocat de Jones, ce que la juge ne manque pas de lui rappeler. Il doit donc vivre avec les erreurs et les tactiques fumeuses de ses prédécesseurs, qui ont mené à plusieurs jugements dommageables pour la défense.

Le poursuivant Mark Bankston, dont la tâche est beaucoup plus facile, ne déçoit pas non plus : obséquieux envers la juge, il va droit au but, sans fioritures, et arrive même à blaguer avec des témoins qui lui sont carrément hostiles.

Cela dit, il doit convaincre le jury que les dommages et intérêts appropriés dans cette affaire sont de 150 millions de dollars. Un chiffre auquel il est arrivé en expliquant que puisque 75 millions d’Américains croient ce qu’Alex Jones raconte, ce dernier doit verser un dollar de compensation pour chaque personne qui croit à ses théories fumeuses, et un autre dollar en dommages-intérêts punitifs pour chacun de ces Américains aussi.

S’étant fait connaître pour ses recours en dommages matériels et civils, Mark Bankston est habitué de faire payer des compagnies lorsque leurs produits sont viciés, comme les fabricants de pneus.

Avocat de bas étage

Andino Reynal n’hésite d’ailleurs pas à le traiter d’« avocat de bas étage », en référence à sa pratique de recours peu glorieux, sous l’enseigne TheTireLawyers.com.

Et c’est ainsi que les deux avocats en sont presque venus aux coups, la semaine dernière, quand l’insulte de Reynal quant à la pratique de Bankston a forcé la juge à intervenir. Me Reynal a accepté de retirer ses propos, pour ensuite ajouter que Bankston s’adonnait à une pratique « malhonnête ».

C’est lorsqu’elle a quitté la salle que les deux avocats en sont presque venus aux coups. Au point où la juge a même admis, au lendemain de la prise de bec, qu’elle aurait été accusée d'outrage si elle était restée dans la salle.

Mark Bankston compte quant à lui demander des sanctions contre Andino Reynal, qu’il accuse de jouer au malotru afin de faire dérailler le procès pour vices de procédures.
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1 commentaire

  1. Pirlouit
    Pirlouit
    il y a un an
    Radiation dans l'air
    Il va se faire taper sur le doigt

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