Condom et consentement

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Julie Couture

2022-08-17 11:15:00

L’utilisation d’un condom et le consentement sexuel représentent une épineuse question selon une avocate…

Me Julie Couture, l’auteure de cet article.
Me Julie Couture, l’auteure de cet article.
C’est un sujet sensible dont on entend de plus en plus souvent parler : l’utilisation du condom et le consentement sexuel. Le 29 juillet dernier, la Cour suprême du Canada rendait une décision dans l’affaire Kirkpatrick en matière de consentement à des rapports sexuels. Cette affaire concerne précisément l’utilisation du condom. Nous abordons ici cette épineuse question en détails.

Tenu de porter un condom

La notion de consentement sexuel fait de plus en plus la une des médias. Il y a d’ailleurs plusieurs volets à cette notion de consentement. Dans le cas dont il est question, la plaignante avait consenti à des rapports sexuels. Cependant, elle avait demandé à son partenaire, M. Kirkpatrick, de porter un condom. Au moment d’un second rapport sexuel, celui-ci s’est abstenu de porter un condom. La plaignante s’en rend compte seulement après l’éjaculation, et par conséquent décide de porter plainte. En effet, la plaignante n’avait pas consenti à l’activité sexuelle en question, soit une relation sexuelle sans condom. Résultat : l’homme fait face à une accusation d’agression sexuelle.

L’activité sexuelle à laquelle la personne a consenti

Au procès, le juge de première instance a accueilli la requête de l’accusé. Celui-ci demandait le rejet de l’accusation en raison de l’absence de preuve. Il avançait également que la plaignante avait consenti à la relation sexuelle. Le juge a donc rejeté l’accusation d’agression sexuelle portée contre lui.

La Couronne a alors appelé de ce jugement. La Cour d’appel, à l’unanimité, a annulé l’acquittement de l’accusé et ordonné la tenue d’un nouveau procès. Monsieur Kirkpatrick a ensuite porté cette décision en appel à la Cour suprême du Canada. Celle-ci a rejeté l’appel et a confirmé la tenue d’un nouveau procès.

Elle lance ainsi un message important. Lorsque le port du condom est une condition à la relation sexuelle, il fait partie de l’activité sexuelle à laquelle la personne a consenti.

Utilisation exigée du condom et violation de consentement

La Cour suprême statue donc que lorsqu’une personne est tenue par son partenaire de porter un condom pendant une relation sexuelle mais qu’elle ne le fait pas, elle pourrait elle aussi être coupable d’agression sexuelle.

Au nom d’une majorité de cinq des neuf juges de la Cour suprême du Canada, il a été décidé que le non-respect de « l’utilisation exigée du condom » dans le cadre d’une relation sexuelle constitue une violation du consentement.

« ''Puisque seul oui veut dire oui et que non veut dire non, “non, pas sans condom” ne peut vouloir dire “oui, sans condom”'' », selon la juge Sheilah L. Martin, au nom des juges majoritaires de la Cour suprême

Le consentement à une activité sexuelle

Tout d’abord, voici les termes de l’article législatif au cœur de l’affaire abordée plus haut. Il s’agit de la disposition principale pour juger de l’existence ou non du consentement à l’activité sexuelle en matière d’infractions d’agression sexuelle.

Définition du consentement

273.1 (1) Sous réserve du paragraphe (2) et du paragraphe 265(3), le consentement consiste, pour l’application des articles 271, 272 et 273, en l’accord volontaire du plaignant à l’activité sexuelle.

Consentement
  • (1.1) Le consentement doit être concomitant à l’activité sexuelle.

  • Question de droit
  • (1.2) La question de savoir s’il n’y a pas de consentement aux termes du paragraphe 265(3) ou des paragraphes (2) ou (3) est une question de droit.

  • Restriction de la notion de consentement
  • (2) Pour l’application du paragraphe (1), il n’y a pas de consentement du plaignant dans les circonstances suivantes : a) l’accord est manifesté par des paroles ou par le comportement d’un tiers; a.1) il est inconscient; b) il est incapable de le former pour tout autre motif que celui visé à l’alinéa a.1); c) l’accusé l’incite à l’activité par abus de confiance ou de pouvoir; d) il manifeste, par ses paroles ou son comportement, l’absence d’accord à l’activité; e) après avoir consenti à l’activité, il manifeste, par ses paroles ou son comportement, l’absence d’accord à la poursuite de celle-ci.

  • Précision
  • (3) Le paragraphe (2) n’a pas pour effet de limiter les circonstances dans lesquelles il n’y a pas de consentement de la part du plaignant.


  • Motifs ayant mené à cette décision

    Voyons maintenant les motifs ayant mené à la décision prise par les juges de la Cour suprême dans cette affaire :
  • L’utilisation du condom, lorsqu’elle est une condition du consentement de la personne plaignante, fait partie de « l’activité sexuelle » visée à l’art. 273.1 du Code criminel.

  • L’expression « activité sexuelle » utilisée au par. 273.1(1) exige « l’accord volontaire [. . .] à l’activité sexuelle ».

  • Pour décider si l’accord de la plaignante à des rapports sexuels avec un condom signifie également qu’elle a donné son accord à des rapports sexuels sans condom, le point de départ est le principe de l’arrêt ''Hutchinson'' selon lequel « l’activité sexuelle » à laquelle la personne plaignante doit donner son accord est « l’acte sexuel physique spécifique ». […] l’utilisation du condom peut faire partie de « l’activité sexuelle » visée au par. 273.1(1) puisqu’un rapport sexuel sans condom est un acte physique fondamentalement et qualitativement différent d’un rapport sexuel avec un condom.

  • […] le rejet manifeste d’une activité spécifique doit être respecté pour que le consentement ait un sens. L’utilisation d’un condom ne saurait être dépourvue de pertinence lorsque la personne plaignante a expressément rendu son consentement conditionnel à son utilisation.

  • Reconnaître que l’utilisation du condom puisse faire partie de l’activité sexuelle affirme que tout individu a le droit de décider qui touche son corps et de quelle manière, constitue la seule façon de répondre à la nécessité que la personne plaignante ait donné son consentement affirmatif et subjectif à chaque acte sexuel, et ce, à chaque fois, et situe l’utilisation du condom au cœur de la définition du consentement, comme il se doit.

  • On ne saurait faire abstraction du « non » de la personne plaignante à un rapport sexuel sans condom pour l’application tant du par. 273.1(1) que du par. 273.1(2), parce que, aujourd’hui, non veut dire non, et seul oui veut dire oui.

  • En outre, l’accord volontaire aux rapports sexuels avec un condom ne suppose pas un consentement aux rapports sexuels sans condom, puisque le consentement ne peut se déduire des circonstances ou de la relation qu’entretenaient la personne accusée et la personne plaignante.

  • Le refus ou le retrait non consensuel du condom est une forme de violence sexuelle qui engendre des préjudices physiques et psychologiques.

  • Empêcher une personne de limiter son consentement à des circonstances où un condom est utilisé éroderait le droit de refuser ou de limiter le consentement à des actes sexuels spécifiques, ce qui laisserait le droit canadien gravement coupé de la réalité, et dysfonctionnel en ce qui concerne la protection qu’il accorde à l’autonomie sexuelle.


Un consentement pour chaque activité sexuelle

En résumé, une activité sexuelle consentie peut impliquer et être conditionnelle à l’utilisation d’un condom. Pour avoir un rapport sans condom, il faut obtenir un second consentement, car il s’agit d’une activité sexuelle différente. Du moment où le port d’un préservatif est exigé par un partenaire, on se doit de le porter. Si ce n’est pas respecté, il s’agit d’une agression sexuelle.

Sur l’auteure

Me Julie Couture est avocate criminaliste depuis 2003. Elle a fait ses débuts avec l'honorable juge Marco LaBrie et l'honorable Alexandre St-Onge tous deux maintenant juge à la Cour du Québec. Fondatrice de Couture avocats, elle pratique en droit criminel et pénal exclusivement.

Maître de stage pour le barreau du Québec, elle a longtemps formé les jeunes avocats et avocates criminalistes ce qui lui a aussi permis d’avoir trois enfants. Entrepreneure depuis le début de sa pratique du droit, et très présente sur le web, elle pourra partager ses expériences afin d'aider le plus possible la communauté juridique. Elle a longtemps commenté l'actualité dans le Journal de Montréal comme l'avocate du journal et dans son blogue juridique en plus de plusieurs passages à la télévision.

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6 commentaires

  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    L'explication simple
    Toute cette affaire repose sur prétention de madame, selon laquelle elle ne s'est pas rendue compte de l'absence de capote, la deuxième fois. Elle a néanmoins ouvert les jambes sans se faire forcer, mais après coup elle soutient qu'elle les auraient fermées si elle avait sû.

    La prochaine étape sera la suivante: "Le gars m'a dit qu'il était riche, j'ai accepté de baiser, et après je me suis rendu compte qu'il était pauvre comme Job. Mon consentement était conditionnel à sa fortune, car il y a toujours des risques de tomber enceinte et je suis contre l'avortement [avec un gars riche, évidemment! - NDLR]".

  2. Pirlouit
    Pirlouit
    il y a un an
    Chaussettes
    Hum donc si elle me dit d'enlever mes chaussettes la 1ière fois et que la 2ième fois j'oublie ça pourrait me causer bien des soucis.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a un an
      oui
      condom et chaussettes c'est exactement la même chose dans le cadre d'une relation sexuelle.

      Lache-pas champion, un jour t'écriras peut-être volontairement quelque chose de drôle, d'ici là tu prouveras à quel point tu ne l'es pas.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a un an
      C'est pas de sa faute
      Honnêtement je ne crois pas que Pirlouit ait beaucoup d'expérience en cette matière.

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    ça va dans la tête?
    C'est quoi le rapport avec "Elle a néanmoins ouvert les jambes sans se faire forcer"? Vous avez l'habitude de faire fi du consentement de vos partenaires ou quoi? À vous lire, une femme n'a plus rien à dire "dès qu'elle ouvre les jambes sans se faire forcer." Il me semble que vous auriez besoin d'une petite castration chimique.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a un an
      L'évolution de l'infraction de viol
      Autrefois il s'agissait de réprimer l'acte sexuel obtenu par de la violence physique, ou la menace d'une telle violence.

      Aujourd'hui, celui qui obtient des faveurs en se montrant beau parleur, et en en beurant un peu trop épais, risque une telle accusation. Ainsi, la femme qui ouvre les jambes avec enthousiasme, après avoir cru des mensonges avec le même enthousiasme, est capable de faire condamner quelqu'un pour agression sexuelle.

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