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Le courriel de la discorde

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Gabriel Poirier

2023-01-17 15:00:00

Le Conseil de discipline sanctionnera un avocat qui a écrit des « propos grossiers » avec son courriel professionnel, bien qu’ils aient été tenus lors d’une dispute familiale.

Matthew Maloley. Sources: Site web de De Grandpré Chait et Shutterstock
Matthew Maloley. Sources: Site web de De Grandpré Chait et Shutterstock
Écart lié à l’exercice de sa profession ou « affaire strictement privée » ?

C’est l’enjeu qui a divisé trois membres du Conseil de discipline du Barreau, qui reproche majoritairement à l’associé de De Grandpré Chait, Matthew Maloley, d’avoir véhiculé des « propos grossiers » avec son adresse courriel professionnelle.

Le courriel en question a été transmis à deux membres de sa famille, le 8 juin 2021. Leur identité est protégée par une ordonnance de non-publication.

Me Maloley a tenté de faire valoir qu’il s’agissait d’un conflit privé, hors de la juridiction du Conseil de discipline. Sans nier la « sincérité » de son témoignage et les « émotions » provoquées en lui par le conflit, le Conseil juge plutôt (à la majorité) que ces circonstances, pertinentes au stade de la sanction, ne le disculpent pas.

Notons que son courriel s'inscrivait en réaction à des « propos dénigrants » tenus à l’endroit de l’une de ses proches.

« La gravité réside dans la nature des propos. Les accusations sont viles et le langage est grossier // Il s’agit clairement de propos indignes d’un avocat », écrivent au nom de la majorité Mes Lydia Milazzo et François Bourgeois, membres du Conseil.

Matthew Maloley a comparé un membre de sa famille à un « pédophile » dans le courriel au centre du présent litige. Celui-ci s’échelonne sur plusieurs paragraphes.

Extrait du courriel envoyé par Matthew Maloley (en anglais)

With Prejudice

(Madame A),

You greedy dirty Cunt. Go fuck yourself and your pathetic loser of a partner who is an incestual child molester pedophile of the worst kind. There is no statute of limitations in Canada for sexual assault. KEEP THAT IN MIND.

One can only imagine how poorly you see yourself and your overall self-worth to be with someone like that…just disgusting.

My (...) is surrounded by (…) wonderful family filled with loving (…) – can you both say the same…

Soon (…) will also have a lot more money to spoil everyone with (…)

If you ever write to my work email again and harass me or harass my (…) or attempt to intimidate (…) as you just have, rest assured I will sue you and (monsieur B) for punitive and exemplary damages and will take great pleasure in dragging you both through the court system that I know so well.

Enjoy your cheap ass ghetto vacations.

You pathetic loser.

Yours truly



Me Maloley avait demandé au Conseil de discipline d’interdire la publication de son courriel, mais sa demande a été rejetée. La décision du Conseil avance notamment que la publicité des débats constitue « un outil efficace de dissuasion de poser des gestes dérogatoires semblables ».

Mes Milazzo et Bourgeois reprochent ainsi à Me Maloley d’avoir enfreint l’article 4 du Code de déontologie des avocats, qui stipule d’agir avec « honneur, dignité, intégrité, respect, modération et courtoisie ».

Le Conseil de discipline a rendu sa décision le 16 septembre 2022. Elle a été portée récemment à l’attention de Droit-inc. La sanction qui sera imposée à Matthew Maloley, Barreau 2010, n’a pas encore été dévoilée.

La dissidence de la troisième membre du Conseil, Me Justine Perron, considère pour sa part que cette histoire relève de la vie privée de Me Maloley.

« En effet, lorsque (Matthew Maloley) indique au début de son courriel « With prejudice », lorsqu’il fait référence à la prescription d’une affaire criminelle ou lorsqu’il avertit qu’il entreprendra des procédures judiciaires si les communications ne cessent pas, sont selon moi des propos qui reflètent une frustration et non un lien suffisant avec la profession d’avocat », soutient-elle.

Lien avec l’exercice de la profession

Nom du cabinet, adresse du domicile professionnel, courriel professionnel et titre et signature de Matthew Maloley. Autant d’informations contenues dans le courriel en litige et considérées comme « liées à l’exercice de la profession d’avocat ». C’est en partie ce qui pousse le Conseil à conclure à la majorité que l’associé de De Grandpré Chait a bel et bien recouru à son statut professionnel en répondant par écrit à deux membres de sa famille.

« (Matthew Maloley) ne peut se servir de son statut d’avocat dans le cadre de ses communications avec un membre du public et par la suite plaider que sa conduite n’a aucun lien avec la profession », ajoute le Conseil.

Mes Milazzo et Bourgeois perçoivent un « lien suffisant » entre les faits reprochés et la profession d’avocat pour reprocher une « faute sur le plan déontologique ».

Propos et intention

Outre des aspects liés à la forme, ces derniers ont examiné les propos émis par Me Maloley et circonscrit ses intentions, deux éléments qui contribuent à le déclarer en faute.

L’avocat de Matthew Maloley, Me François Marchand, a tenté de disculper son client en insistant sur la diffusion relative du courriel, mais le Conseil a rejeté cette interprétation à la majorité.

« (...) La diffusion et le fait que les propos grossiers aient été proférés qu’à une seule occasion ne sont pas des considérations pertinentes au stade de la décision sur culpabilité ».

« Le tout fait en sorte que le lien de confiance du public est compromis par la conduite de (Matthew Maloley), ajoute plus loin Mes Lydia Milazzo et François Bourgeois. Le public s’attend à ce qu’un avocat ne se livre pas à une telle diatribe dans le cadre d’une correspondance qui fait clairement un lien avec l'exercice de sa profession. »

Attendre la décision

Le cabinet De Grandpré Chait a décliné la demande d’entretien de Droit-Inc, la décision sur sanction n’ayant pas encore été publiée.

« Considérant que la décision du conseil de discipline portant sur la sanction n’a pas encore été émise, nous préférons ne pas commenter ce dossier pour le moment », déclare par écrit l’associé de De Grandpré Chait, François Marchand.

Le Barreau du Québec a également décliné notre demande d’entretien et notre proposition de commenter le dossier disciplinaire de Matthew Maloley.
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9 commentaires

  1. A
    A
    Immaginez un peu à quel point son ex est une vache pour avoir fait une plainte..

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    Sa plume a du style, on dirait presque du DSG !
    J'ai bien aimé le "Enjoy your cheap ass ghetto vacations.". Esprit de synthès, punché, imagé, tout y est !



    "La dissidence de la troisième membre du Conseil, Me Justine Perron, considère pour sa part que cette histoire relève de la vie privée de Me Maloley."

    Bravo a Me Justine Perron, et honte aux deux autres.

  3. B
    vache
    On ne dit pas vache mais Dame de Clos ou Demoiselle de prairie.

  4. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    Avocate
    Quel manque de jugement ... surtout venant d'un avocat d'un cabinet connu.

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    Les avocats devraient avoir droit à leur 5 minutes de Jeff Fillion
    Quand ça concerne des affaires privées.

  6. Chose promise
    Chose promise
    il y a un an
    Chose promise, chose due
    J'espère qu'il va les poursuivre tel que promis!

  7. Anonyme
    Anonyme
    il y a un an
    moo
    Quelle décision honteuse du conseil de discipline, voyons donc.

    Comment est-ce qu'une chicane de famille peut avoir un "lien suffisant" avec l'exercice de la profession d'avocat? Du seul fait que le courriel est envoyé d'une adresse de bureau?

    Franchement.

    • Avocat
      Avocat
      il y a un an
      Courriel
      Adresse de bureau à laquelle, rappelons-le, les insultes qui ont déclenché sa réponse avaient été envoyées en premier lieu.

      Donc, selon le Barreau, si quelqu'un vous envoie des insultes, ne faites pas «répondre», transférez d'abord le courriel à votre courriel personnel avant de vous fâcher.

  8. Avocat
    Avocat
    il y a un an
    Avocat
    Quelle mauvaise décision du conseil de discipline.

    Point final.

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