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La Cour suprême entendra l’appel d’un francophone dont le procès a eu lieu en anglais

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Radio -canada

2023-01-20 12:00:00

La Cour suprême du Canada entendra la cause à la fin de 2023 ou au début de 2024.

L’avocat de M. Tayo Tompouba est Jonathan Laxer. Sources: Radio-Canada et Juristes Power
L’avocat de M. Tayo Tompouba est Jonathan Laxer. Sources: Radio-Canada et Juristes Power
La Cour suprême du Canada a accepté d’entendre l’appel d’un homme reconnu coupable d’agression sexuelle et qui n’avait pas été informé de son droit à un procès dans sa langue maternelle. Il pourrait s’agir d’un autre moment décisif en matière de droits linguistiques dans l’appareil judiciaire, après l’arrêt Beaulac en 1999.

En décembre 2017, Franck Yvan Tayo Tompouba, un habitant de Colombie-Britannique alors âgé de 22 ans, s’était rendu à Kamloops pour rencontrer une jeune femme qu'il a connu sur Tinder.

Après une sortie en boîte de nuit, ils sont allés dormir chez la plaignante, se sont embrassés et étreints avant d’aller se coucher.

Au milieu de la nuit, la plaignante s’est réveillée et s’est rendu compte qu’ils avaient une relation sexuelle à laquelle elle n’avait pas consenti. Dans les jours qui ont suivi, elle a déposé une plainte pour agression sexuelle.

Après un procès en anglais, l’homme a été reconnu coupable en 2019, obtenant une peine de 90 jours de prison.

Comme Franck Tayo Tompouba - qui a deux enfants au Canada et aide sa famille au Cameroun - était résident permanent, une peine de plus de six mois aurait pu mener à son expulsion du Canada.

« Selon moi, toute peine plus longue aurait eu un impact injuste sur les enfants de M. Tayo Tompouba et sa famille au Cameroun », écrivait le juge Leonard Marchand dans sa décision.

Pas informé de son droit à des procédures en français

La question devant la Cour suprême concerne son droit à un procès en français.

Selon l’article 530 du Code criminel portant sur la langue d’un procès, un accusé dont la langue est une des langues officielles du Canada peut présenter une demande pour subir son procès dans la langue qu’il préfère.

Or, lors de sa première comparution, l’accusé n’a pas été informé de ce droit. En appel, le panel a rejeté l’argument selon lequel les droits de M. Tayo Tompouba ont été bafoués.

« L'officier de justice devant lequel M. Tayo Tompouba a comparu pour la première fois n'a pas satisfait aux exigences de l'art. 530 (3)», a écrit la juge Gail Dickson dans sa décision. « Cependant, à mon avis, le dossier ne démontre pas que son droit substantiel d'être jugé dans la langue officielle de son choix a été violé par l'un ou l'autre des tribunaux inférieurs. »

M. Tayo Tompouba conteste le jugement en Cour suprême du Canada, qui a accepté, la semaine dernière, d’entendre la cause.

Des questions de droit importantes

Pour le professeur de droit Benoît Pelletier, plusieurs questions juridiques importantes sont soulevées, plus de 20 ans après l'arrêt Beaulac qui constitue un tournant dans l’accès à la justice en français au pays.

« Je pense que la cause est toute désignée pour réexaminer l’arrêt Beaulac », explique-t-il.

En 1999, Jean Victor Beaulac, un francophone de Colombie-Britannique, avait eu droit à un nouveau procès, après avoir été déclaré coupable de meurtre prémédité lors d’un procès qui s’était déroulé en anglais.

La Cour suprême a statué que même s’il parlait anglais, son droit à un procès dans la langue de son choix avait été bafoué.

Tout en étant l’occasion de réitérer ce principe, le plus haut tribunal au pays pourrait aussi statuer sur d'autres questions dans l'affaire Tayo Tompouba.

« Ce qui est en cause ici, c’est le droit d’être informé de cette possibilité qu’on a d’avoir le droit d’avoir un procès dans la langue de son choix, et quelles sont les conséquences lorsqu’on n’en est pas informé en temps opportun », explique Benoît Pelletier.

Un droit pas toujours respecté

« Malheureusement, les gens qui se présentent à la cour en tant qu’accusés ne sont pas au courant qu’ils ont droit à un procès en français », observe la présidente de l’Association des juristes d’expression française de la Colombie-Britannique, Sandra Mandanici.

Dans certaines juridictions, les juges de paix informent systématiquement les accusés de ce droit, mais plusieurs juges l’oublient, déplore l’avocate de la défense.

« C’est malheureux, dit-elle. Alors, ils ne comprennent pas toujours très bien et ce serait à leur avantage, évidemment, d’avoir un procès en français. »

Des répercussions pour tous les francophones

Dans une déclaration écrite, l’avocat de M. Tayo Tompouba, Jonathan Laxer affirme « qu’en accordant l’autorisation d’entendre ce dossier, la Cour suprême du Canada a reconnu qu’il s’agit d’un pourvoi qui soulève des questions d’importance pour le public ».

La décision de la Cour suprême, écrit-il, « pourra avoir un impact important sur l’accès à la justice dans les deux langues officielles ».

Les audiences devraient avoir lieu vers la fin de 2023 ou au début de 2024.
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