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Étudier en droit avec un TDAH

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Marie-ève Buisson

2023-03-20 15:00:00

Les études en droit avec un TDAH rendent le parcours pour un futur avocat assez complexe…

Alexandra Martel. Source: LinkedIn
Alexandra Martel. Source: LinkedIn
Alexandra Martel a complété son baccalauréat en droit à l’Université d’Ottawa en 2015. Mais son parcours n’a pas été de tout repos, puisqu’elle a été diagnostiquée avec un TDAH à sa deuxième année d’étude.

« Lorsque je l’ai appris, je l’ai pris un peu mal, car pour moi le TDAH représentait le petit garçon hyperactif, turbulent et qui a de la difficulté à l’école. J’ai ensuite dit à mon médecin : “ Je ne peux pas avoir le TDAH, car j’étudie en droit !” », raconte-t-elle.

Selon le docteur Annick Vincent, « le TDAH est un problème neurologique qui se manifeste dès l’enfance par de la difficulté à moduler les idées (inattention), les mouvements et le comportement aussi appelé hyperactivité et impulsivité ».

La plupart des adultes ayant un TDAH « éprouvent de la difficulté à démarrer et à terminer leurs tâches, s’éparpillent, attendent à la dernière minute et sont facilement distraits.

Les études en droit

Durant les études en droit d’Alexandra Martel, cela se manifestait par le manque d’attention dans les cours obligatoires de la première année du baccalauréat.

« J’avais beaucoup de difficulté à me concentrer. Les cours obligatoires étaient à mes yeux peu intéressants, ce qui me causait beaucoup de difficultés de concentration », explique-t-elle.

Pour cette même raison, l’étudiante s’absentait souvent aux cours qui étaient, selon elle, trop difficiles à suivre. « En deuxième et troisième année, c’était autre chose. Je suivais plus mes intérêts en allant chercher des cours qui m’intéressaient. Et dans ces cours je pouvais facilement avoir des A+! »

Pour cette raison, cette ancienne étudiante en droit recommande aux personnes ayant un TDAH de ne pas nécessairement suivre les cours profil Barreau.

« Il y a une espèce d’obsession envers les cours profil Barreau. Mais ces cours peuvent être difficiles à suivre pour une personne ayant un TDAH, car ce ne sont pas nécessairement des cours qui suivent tes intérêts. Et c’est essentiel de suivre tes intérêts lorsque tu as un TDAH sinon tu risques de souffrir et d’avoir de mauvais résultats scolaires », ajoute-t-elle.

Après avoir terminé ses études en droit, Alexandra Martel a fait le choix de ne pas devenir avocate.

« J’ai déjà travaillé en cabinet lorsque j’étais étudiante et l’horaire et l’organisation du travail dans le monde juridique me puait au nez. Je ne me voyais pas faire des heures comme ça et je ne me voyais pas travailler dans un bureau toute la journée. C’était clair pour moi qu’il y avait une inadéquation entre ce mode de vie là et mes facultés cognitives ».

Elle ajoute: « Je m’épuise très vite lorsque je suis dans une routine et lorsque je dois travailler dans un horaire rigide auquel je dois toujours me plier ». Aujourd’hui, l’ancienne étudiante en droit est auteure, formatrice et fondatrice de l’entreprise Les mots pour vendre.

Aicha Tohry. Source: LinkedIn
Aicha Tohry. Source: LinkedIn
Avocate avec un TDAH

Aicha Tohry est avocate en droit du divertissement. Elle a dû adapter ses méthodes de travail lorsqu’elle a reçu son diagnostic de TDAH.

Selon elle, lorsqu’on est avocat, il est tout d’abord essentiel de travailler dans un domaine qui nous intéresse afin de ne pas perdre sa capacité à se concentrer.

« Moi par exemple, j’avais besoin de travailler dans un emploi où je faisais plusieurs choses à la fois. Mon travail actuel me permet de pratiquer le droit, de former des gens, d’enseigner et d’écrire. Je n’ai pas de chance de m’ennuyer ! » explique-t-elle.

L’avocate a également dû changer les moyens de contact avec ses clients. « Si j’ai besoin d’information de la part d’un client, je ne peux pas l’avoir oralement. Je ne suis pas capable de retenir des grandes masses d’informations à l’oral », détaille-elle.

Elle explique également qu’elle ne peut organiser plus de deux ou trois rencontres par semaine. « Je ne peux pas avoir des rencontres cinq jours par semaine avec mes clients, car ça me vide de mon énergie. J’ai besoin d’avoir des journées où je sais que je peux travailler sans interruption », ajoute-t-elle.

Me Tohry demande également à ses clients de la rejoindre par courriel ou par texto uniquement, pour ne pas se faire déranger lorsqu’elle travaille. « Si mon téléphone sonne pendant que je travaille sur un dossier ça peut me nuire, puisque j’aurai par la suite de la difficulté à recommencer une tâche.

Stigmas dans la profession

Selon les deux anciennes étudiantes en droit, il existe encore plusieurs stigmas reliés au TDAH.

« Je sais qu’il y a plusieurs personnes qui hésitent à parler de leur TDAH par peur de se faire demander de vendre leur médication », explique Aicha Tohry. Selon elle, il est très fréquent de voir dans les facultés de droit un trafic de stimulants.

Alexandra Martel en sait quelque chose, puisqu’elle s’est fait demander à plusieurs reprises de vendre sa médication aux étudiants qui souhaitaient étudier sur une plus longue période de temps.

« Quand tu es médicamenté, il y a plusieurs personnes qui vont t’offrir d’en acheter. Il y a un immense trafic de stimulants dans les facultés de droit et quand les gens savent que tu as un TDAH, ils ne vont pas te lâcher », dit-elle.

Elle ajoute: « Tout ça me créait de la colère, car ça banalisait mon diagnostic. C’était vu par certains étudiants comme un avantage alors que ça me causait beaucoup de difficultés à l’université ».

Pour éviter de faire face aux stigmas et aux jugements reliés au TDAH, il est essentiel selon Aicha Tohry, de mieux éduquer la population sur les réalités des personnes vivant avec ce trouble.

« Je pense qu’il y a un travail d’éducation à faire sur le TDAH. Ce manque d’information peut peut-être expliquer pourquoi les femmes se font diagnostiquer beaucoup plus tard. Le TDAH ce n’est pas seulement une question d’inattention et de turbulence. C’est beaucoup plus que ça », conclut-elle.
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