La Presse

Il danse avec les Cris

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Rene Lewandowski

2007-10-26 09:01:00

Wachiya! Si comme moi cette expression ne vous dit rien, peut-être devriez-vous rencontrer Robert Mainville, du cabinet Gowling Lafleur Henderson (Gowlings). Non pas qu'il maîtrise suffisamment la langue autochtone pour tenir une conversation mais assez en tous cas pour en balbutier quelques mots.

"Ça veut dire Bonjour en langue crie", me lance-t-il avec un grand sourire, tout en me serrant la pince dans son bureau du 37e étage de la Place Ville-Marie.

Depuis plus de 30 ans, cet associé de 53 ans côtoie les peuples autochtones d'un bout à l'autre du pays, avec qui il a tissé des liens et dont il a souvent présenté les revendications auprès des gouvernements.

Mais il est aussi devenu l'un des rares spécialistes au pays en droit autochtone.

Droit autochtone? Si vous n'en avez jamais entendu parler, vous n'êtes pas le seul. En fait, lorsque Robert Mainville a commencé comme jeune avocat, au début des années 70, lui non plus ne savait pas de quoi il s'agissait. Normal, ce secteur du droit n'existait pas!

Un secteur de droit en croissance

Aujourd'hui, la pratique est en pleine croissance, grâce à quelques pionniers comme lui qui lui ont consacré leur carrière, mais aussi grâce à la reconnaissance par la Cour suprême, en 1973, des droits territoriaux des autochtones.

"Il a fallu développer un corpus de droit autochtone et accumuler une jurisprudence", dit Robert Mainville, pour expliquer le long chemin parcouru.

Le droit autochtone touche tout ce qui concerne les titres et droits ancestraux, ainsi que les traités signés avec les gouvernements. Il se situe, selon Me Mainville, à l'avant-garde du droit constitutionnel et administratif.

Sa pratique requiert des connaissances historiques et économiques, ainsi que des politiques gouvernementales. C'est pourquoi, pour ses recherches, Robert Mainville fait régulièrement appel à des historiens et des anthropologues.

Une centaine d'avocats canadiens le pratiquent désormais à temps plein, dont une douzaine au Québec. On l'enseigne même à l'université!

"Les cours sont pleins, il y a toujours une liste d'attente!" dit Kirsten Anker, qui enseigne le cours Aboriginal and the Law, à l'Université McGill.

Selon son collègue Evan Fox-Decent, le droit autochtone a un bel avenir, notamment parce qu'il y a plus de 800 causes pendantes entre les autochtones et les gouvernements, et que chacune d'entre elles durent entre 10 et 13 ans, en moyenne.

"Les avocats ne manqueront pas de boulot!" dit-il.

Des ententes de plus de 6 milliards de dollars!

Robert Mainville, lui, n'a jamais manqué de travail, ni même d'attention médiatique puisqu'il fut impliqué dans les conventions les plus remarquées. Au cours de sa carrière, il a obtenu pour ses clients autochtones des accords totalisant plus de 6 milliards de dollars!

"Grâce à lui, les autochtones sont plus riches qu'avant!" dit le grand chef du Grand Conseil des Cris, Matthew Mukash, visiblement satisfait de la contribution de Me Mainville envers sa communauté.

En 2001, il fut le négociateur principal pour les Cris de la Baie-James lors de l'entente avec le gouvernement du Québec, mieux connue sous la "paix des Braves", qui prévoit le paiement de 3,6 milliards de dollars aux Cris.

Et il y a trois mois, il a conclu pour le compte des Cris une entente avec le gouvernement fédéral mettant ainsi un terme à des années de controverse au sujet des obligations du Canada en vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ).

En plus d'un règlement financier de 1,4 milliard de dollars, dont le paiement sera étalé sur quelques années, l'entente, après ratification, permettra aux Cris du Québec d'assumer des responsabilités fédérales, particulièrement dans les domaines de l'administration de la justice et du développement économique et social.

La ratification permettra aussi au Grand conseil des Cris et au gouvernement du Canada de lancer la seconde phase de négociations au sujet de la modernisation du régime de gouvernance des Cris.

"Une entente historique", clame l'ancien ambassadeur du Canada en France et aux États-Unis, Raymond Chrétien.

Devenu, en 2004, conseiller stratégique pour le cabinet Fasken Martineau, Raymond Chrétien était le négociateur en chef du gouvernement fédéral dans ce dossier. Il a ainsi, pendant trois ans, côtoyé Robert Mainville, qui était l'un de ses vis-à-vis durant les négociations.

"Un excellent négociateur qui possède une grande connaissance du droit autochtone", dit-il.

Ces temps-ci, Robert Mainville mène plusieurs dossiers de front. Il prépare les aspects juridiques pour l'implantation prochaine d'un casino dans l'Ouest du pays, plaide devant la Cour d'appel, siège au comité de liaison entre le gouvernement du Québec et le Cris

Mais il passe aussi beaucoup temps dans le Nord-du-Québec et en Colombie-Britannique, où il négocie pour les Cris des ententes avec des sociétés privées qui cherchent à exploiter le potentiel minier de cette région.

Car, comme il le fait remarquer, il est aujourd'hui impossible d'exploiter les ressources naturelles sans passer par des accords avec les Autochtones.

"L'avenir économique du pays en dépend", conclut-il.
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