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Maître, parlez-vous English?

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Rene Lewandowski

2011-11-25 14:15:00

Contrairement à certaines sociétés d'État, les grands cabinets d'avocats ont compris l'importance de parler français au Québec. Même ceux dirigés de Toronto...

Les dirigeants de la Caisse de dépôt et placement du Québec devraient peut-être prendre exemple sur les avocats avant d'embaucher leur prochain vice-président des ressources humaines. En matière de bilinguisme, ils pourraient en apprendre pas mal. À Montréal, par exemple, ils auraient beau chercher très fort, ils ne réussiraient pas à trouver un seul patron unilingue anglophone - et unilingue tout court - dans les grands cabinets nationaux.

Guy Tremblay, d'Heenan Blaikie
Guy Tremblay, d'Heenan Blaikie
«Chez nous, tout le monde parle français!», dit haut et fort Guy Tremblay, coassocié national d'Heenan Blaikie, qui compte 575 avocats et professionnels au Canada.

S'il y a un milieu conservateur peu enclin au changement, c'est pourtant bien celui de l'univers juridique. Eh bien non! Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la langue de René Lévesque se porte plutôt bien dans les corridors des bureaux montréalais des grandes firmes nationales.

Vrai, ça varie selon les bureaux, la clientèle et l'âge des avocats. Mais, dans l'ensemble, le français y est très présent. Même dans des bureaux encore perçus très anglos comme Davies Ward Phillips & Vineberg, où pratique depuis 10 ans l'ancien premier ministre du Québec Lucien Bouchard, il est dur de dégoter un avocat qui ne parle pas français.

En français S.V.P.

«Des avocats unilingues nous n'en avons plus», dit le patron Pierre-André Themens. Bilingue, mais avant tout francophone, Me Themens affirme qu'il s'adresse la plupart du temps à ses collègues en français, même à ceux pour qui l'anglais est la langue maternelle. Cela donne parfois lieu à des situations cocasses, dit-il, surtout durant les réunions où untel pose une question en anglais et se fait répondre en français.

«Il y a juste au Québec que ça arrive!», dit, amusé, Pierre-André Themens.

Bien sûr, le niveau de maîtrise de la langue est inégal et ce n'est pas tous les avocats qui ont lu À la recherche du temps perdu, comme Lucien Bouchard. Mais chacun se débrouille, assez en tout cas pour servir les clients dans la langue de leur choix. En fait, dans les cabinets d'avocats - Pierre Elliott Trudeau serait content -, le bilinguisme est roi.

Pierre-André Themens s'adresse en français à ses avocats; certains lui répondent en anglais!
Pierre-André Themens s'adresse en français à ses avocats; certains lui répondent en anglais!
Chez Davies Montréal, toutes les communications officielles se font soit en français, soit dans les deux langues. «Jamais juste en anglais», précise Me Themens. Pour ses avocats, le cabinet propose même des cours de langues, autant en français qu'en anglais. L'an dernier, il y a eu davantage de francophones suivant des cours d'anglais que l'inverse.

Pareil chez Osler Hoskin & Hartcourt, cabinet de Toronto qui n'a pignon sur rue à Montréal que depuis 10 ans. Au bureau montréalais, pas un seul avocat n'est unilingue anglophone et toutes les communications écrites à l'interne sont en français uniquement. Seulement celles qui émanent de Toronto sont bilingues, dit la directrice régionale, Développement de la clientèle, Line Fiset.

Des blogues en anglais

La seule déception est peut-être du côté des blogues. Ces derniers mois, quelques cabinets - notamment McCarthy Tétrault et Stikeman Elliott - ont lancé des blogues juridiques sur divers sujets à l'attention des clients: sur les recours collectifs, en droit du travail, en droit de la concurrence, en propriété intellectuelle, etc. Malheureusement, pour le moment, ils ne sont qu'en anglais - sauf pour deux des blogues de Stikeman où l'on retrouve des articles en français. Chez McCarthy, on indique que le projet est très récent et qu'éventuellement, le cabinet évaluera la possibilité de lancer des blogues en français.

Les clients décident

Le plus souvent, le choix de la langue est déterminé par les clients; communications, contrats, documents déposés auprès des organismes réglementaires, c'est le client, en bout de piste, qui décide de la langue, et c'est bien normal. S'il exige des contrats dans les deux langues officielles, par contre, les cabinets se feront un plaisir de les lui traduire... mais à ses frais. La plupart des bureaux ont d'ailleurs à Montréal des départements de traduction juste à cette fin. Chez Osler, par exemple, une douzaine de personnes y sont affectées, dont trois avocats et quatre traducteurs.

Certains domaines de pratique ont aussi leur langue préférée. En fusions et acquisitions transfrontalières, les contrats sont le plus souvent en anglais. Compréhensible, si on achète une entreprise aux États-Unis, on ne va pas demander à ses avocats américains de parler français.

En droit du travail et de l'emploi, en revanche, le français domine. Chez Heenan, qui compte plus de 50 avocats dans ce secteur, tous parlent le français; la grande majorité des négociations et rédactions de contrats ou conventions collectives se fait aussi dans cette langue. Pas seulement au Québec d'ailleurs, car même à ses bureaux d'Ottawa et de Toronto, Heenan a plusieurs avocats francophones à son service.

«Je vois mal comment on pourrait ne parler qu'en anglais au Québec lorsqu'on négocie avec les syndicats!», souligne Guy Tremblay, coassocié national d'Heenan Blaikie.
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