La Presse

Le monde du travail à l'ère Facebook

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Rene Lewandowski

2011-12-02 13:15:00

Chose à ne pas faire si vous voulez une journée de congé: mentir à votre employeur sur la raison de votre absence. Chose à ne surtout pas faire si vous décidez de mentir quand même: le raconter sur Facebook!

Ces deux règles de base, une femme les a apprises à ses dépens. Tellement, en fait, qu'elle en a perdu son job!

L'année dernière, se disant malade, elle appelle son employeur pour lui dire qu'elle ne pourrait pas se présenter au travail. C'était un vendredi, le début d'une longue fin de semaine qui se prolongeait jusqu'au lundi. Un cas classique comme il doit s'en produire tous les jours.

Sauf que là, ce n'était pas la première fois, au point d'attirer des soupçons de l'employeur. Grâce à un ami d'un ami d'un ami de la femme, son patron a découvert qu'elle n'était pas malade du tout. Elle avait plutôt décidé de se payer une petite randonnée en montagne avec sa fille dans les Adirondacks. Facile à savoir, elle avait mis des photos sur Facebook!

Elle a été congédiée. Elle a répliqué par une mise en demeure. L'affaire s'est réglée à l'amiable.

«Ce type de situation, on en voit de plus en plus souvent», dit l'avocate Nancy Boyle, qui a représenté l'employeur dans cette histoire.

Me Nancy Boyle, de BCF
Me Nancy Boyle, de BCF
Associée au cabinet BCF, à Montréal, Me Boyle pratique en droit du travail depuis plusieurs années. Elle a vécu la naissance de l'internet et ses conséquences sur les lieux de travail. Maintenant ce sont les réseaux sociaux. Pour elle, c'est clair, tout cela a complètement bouleversé sa pratique.

Avec les réseaux sociaux, toutes sortes de situations se présentent, mais on peut regrouper celles liées au droit du travail en deux catégories. La première concerne leur utilisation ou consultation sur les heures de travail. La deuxième rassemble les causes où ces réseaux deviennent de véritables outils de filature.

Que des employés utilisent leur temps de travail à des fins personnelles n'est pas nouveau. Ce phénomène était déjà apparu avec l'arrivée de l'internet; dans quelques causes célèbres, on avait même trouvé du matériel pornographique dans l'ordinateur des employés.

Avec le temps, on a toutefois réussi à gérer les problèmes découlant de l'internet, explique Me Boyle. Probablement parce qu'il a fallu une période d'ajustement, autant pour les employés que pour les patrons.

«Mais avec les réseaux sociaux, ça a empiré, estime Me Boyle. Tout le monde est là-dessus ou presque, et leur utilisation est beaucoup plus difficile à circonscrire; on ne peut jamais vraiment savoir si leur usage est à des fins personnelles ou professionnelles».

Réseaux sociaux

Par ailleurs, les réseaux sociaux peuvent être très utiles aux... employeurs.

Me Nicolas Courcy, de FMC
Me Nicolas Courcy, de FMC
«Surtout Facebook», insiste l'avocat Nicolas Courcy, associé au cabinet FMC, à Montréal. Pro du droit du travail, particulièrement des questions touchant à la protection de la vie privée, Me Courcy explique que le réseau social est devenu un outil supplémentaire par lequel les employeurs peuvent valider des informations sur leurs employés. Dans certains cas, il a carrément remplacé les activités de filature, encore fréquemment utilisées jusqu'à tout récemment.

«Quelques clics sur Facebook font le même job», dit l'avocat.

De plus en plus, mentionne Me Courcy, ses clients le sollicitent pour savoir comment utiliser correctement Facebook pour amasser des preuves. Ils lui commandent aussi des opinions juridiques. Car c'est bien beau de recueillir de l'information, encore faut-il qu'elle soit admissible en cour. Au Québec, dans des causes civiles, les tribunaux ont déjà accepté comme preuve des infos recueillies sur Facebook; au criminel, c'est moins évident.

Cela dit, une information obtenue sur Facebook doit tout de même faire l'objet d'une certaine interprétation de l'employeur, dit Nicolas Courcy. Imaginez une situation où un assureur cesse de verser les indemnités à un employé en congé pour des maux de dos parce qu'il a vu sur Facebook des photos de lui se faisant bronzer sur une plage. Apparemment, ça semble se justifier.

«Sauf si c'est le médecin qui a conseillé à l'employé d'aller se reposer dans le Sud», dit Nicolas Courcy.
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