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« J’ai toujours eu un idéal de justice sociale »

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Céline Gobert

2012-08-17 15:00:00

Si la justice lui plaisait, l’injustice la révoltait. Cette ex-procureure de la Couronne, l’une des premières femmes à occuper cette fonction, est aujourd’hui à la tête de l’Office des personnes handicapées du Québec. Rencontre.

Céline Giroux est une idéaliste.

« Mais une idéaliste qui prend les moyens d’atteindre son idéal ! », nuance-t-elle, en riant.

À la question « est-ce que vous êtes agressive lorsque vous êtes menstruée ? », posée lors d’une entrevue pour un stage au début de sa carrière, elle répond : « Je suis agressive à l’année et je vous défie de voir quand je suis menstruée ! »

Une réponse qui prouve ce qu’elle a dans le ventre : une force et un déterminisme qui l’ont sans cesse poussé à désirer le changement.

Tout ne fut pas facile pour Me Giroux, première procureure de la Couronne
Tout ne fut pas facile pour Me Giroux, première procureure de la Couronne
« À chaque fois que je fais quelque chose, dit-elle, il faut que je change les choses. »

Faut dire que cela n’a pas du tout été facile pour celle qui fut l’une des premières femmes à devenir procureure de la Couronne.

« Je me souviens que lorsque j’entrais en Cour, le silence se faisait et l’on voyait, selon les juges, que le regard pouvait changer. En tant que femme, on avait à faire notre place, à démontrer que ce métier-là n’était pas une question de sexe mais d’aptitudes et de connaissances. »

Selon elle, cela a bien pris cinq années avant qu’on la regarde de la même façon qu’un homologue masculin.

« Il fallait prouver doublement, travailler davantage. On voyait les femmes comme des êtres trop sensibles, il y avait beaucoup de protection, et un certain paternalisme. »

Pour influencer le changement dans les lois, pour faire changer les programmes, les mesures, Mme Giroux, barreau 74, utilise les textes de lois.

« Ma formation juridique est un plus car le réflexe commun chez les avocats est de se demander : "que dit la loi ?" Souvent les gens l’oublient, moi c’est mon outil. L’avocat qui a plaidé développe des stratégies et est capable de trouver des terrains d’entente. »

Sa conviction, sa vision, sa capacité de monter et faire valoir un dossier lui viennent de là.

« Être dirigeant d’un organisme, ça veut aussi dire être à l’écoute du personnel, imposer parfois certaines décisions, connaître les conventions collectives, les règles de la fonction publique, les orientations gouvernementales. »

Être avocate fut donc un formidable atout pour elle, première maman de la Couronne à donner naissance à un petit garçon.

« Rien n’était adapté pour nous, confie-t-elle. Qu’est-ce qu’on fait ? Un congé de maternité ? Cela n’existait pas pour les procureurs de la Couronne ! »

Grâce à elle, se développe les contributions aux régimes de rentes du Québec, et les femmes qui ont suivi, ont pu bénéficier de la naissance de « son joyau », explique-t-elle.

Des changements majeurs

Au début des années 70, et à l’issue de ses études, le sous-ministre de l’époque lui confie la rédaction d’un projet de loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels.

Le premier déclic à quinze années d’exercice en tant que procureure de la Couronne.

« Par la suite, lorsque j’ai commencé à pratiquer définitivement, on a fait du poste de procureur de la Couronne, un poste intégré dans le gouvernement afin qu’ils soient des procureurs permanents, engagés par le ministère de la Justice », explique-t-elle.

Le premier acte d’une série de changements majeurs dont elle est à l’origine.

« J’étais très préoccupée par les enfants victimes, les femmes qui vivaient des violences conjugales. Pendant que j’étais procureure, je me disais qu’il y a des choses qui devaient être changées. »

Lorsqu’elle devient Vice-présidence de la Commission de protection des droits de la jeunesse et de la personne, le combat continu.

« Les enfants avaient peur de témoigner, se souvient-elle, parce qu’ils se trouvaient, en Cour, face l’abuseur. On a alors poussé pour que des modifications soient apportées : un écran devant l’enfant, la possibilité de désigner l’accusé sans l’avoir sous les yeux. On a été à la base de ces changements législatifs. »

Par la suite, elle change également la loi de la protection de la jeunesse.

« En protection ou réadaptation, il y avait des problèmes. On mettait les enfants dans des genres de cellules lorsqu’ils se désorganisaient. Il n’y avait rien d’autre qu’un lit, comme pour un prisonnier, ça n’avait aucun sens ! »

Après son départ, la loi est modifiée.

« Ce sont des choses que j’avais fait valoir. Je pense que c’est très difficile de ne pas épouser des cas d’êtres aussi vulnérables. J’ai toujours eu un idéal de justice sociale. L’injustice m’a toujours fait sursauter »

Crédibilité, visibilité, notoriété

En janvier 2006, elle devient directrice générale de l’Office des personnes handicapées du Québec.

Dix sept bureaux régionaux, 150 employés pour un organisme qui veille au respect des principes et des règles énoncés dans la Charte, aide les ministères et leurs réseaux, les municipalités et les organismes publics et privés à remplir leurs obligations légales, et, intervient auprès des personnes handicapées et de leur famille afin de les guider dans leurs démarches.

« Crédibilité, visibilité, notoriété : ce sont des éléments que doit posséder une personne qui souhaite être bien considérée et faire avancer les choses. On doit être authentique et savoir livrer la marchandise. »

Selon elle, lorsque l’on est crédible, les gens sont prêts à discuter.

« Qui peut être contre le mieux-être de gens qui sont vulnérables ? Au Québec, nous sommes une société de droit, et notre société va continuer à progresser. Je suis toujours optimiste, les mentalités sont en train de changer », affirme-t-elle après 38 ans de pratique.

Poser une question, et commencer à y réfléchir, c’est déjà un grand pas selon elle. Même si l’on ne gagne pas.

« On voulait changer l’article 43 du code criminel qui concerne l’utilisation de la force physique pour corriger les enfants, mais nous n’avons pas eu l’unanimité à la Cour suprême du Canada. Peut-être qu’un jour on y arrivera.»

Étrangement, si Mme Giroux n’avait pas été avocate, elle aurait été architecte, confie-t-elle.

« Avocat, c’est une belle profession même si elle n’a pas très bonne réputation. Il ne tient qu’à nous de faire valoir que ce n’est pas la réalité. »
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